C’est Marie Vanhems qui a interviewé Jean Camille Moison à l’occasion de la parution de son dernier livre et le personnage est surprenant avec un itinéraire particulier, comme on peut le constater.
Jean Camille Moison me reçoit chez lui et devant une tasse de café, je commence avec une première question :
MV : Pourquoi ce titre « Les deuxièmes lignes » puisqu’il s’agit d’une autobiographie et même si ce sport, le rugby, a fait partie de votre vie, ce n’est pas le propos principal de votre ouvrage ?
JCM : La métaphore du rugby est utilisée ici pour lancer le match... Ensuite, elle est à prendre au niveau littéral... "Essais" comme au rugby, mais aussi comme les essais de Montaigne dans le sens réécritures, second degré.
MV : Enfant, vous n’aviez pas vraiment de vocation pas de rêve comme de devenir pilote de ligne ou médecin, on a l’impression qu’en quelques sortes, vous vous êtes laissé mener par les évènements, vos convictions, vos envies. Mais en fait, vous avez été acteur de votre existence, un être bien ancré dans le présent. Vous ne vous projetiez pas dans le futur. Cela dit, on perçoit très bien que vous n’êtes pas un pessimiste !
JCM : C’est vrai, je n’ai jamais été un utopiste, mais j’étais un réaliste idéaliste, qui avait la conviction que mon engagement et celui des autres avaient la possibilité de changer les choses. Une situation que l’on jugeait à l’époque catastrophique, je pensais qu’il fallait agir, dans le sens s’engager, pour éviter qu’il ne dégénère encore plus.
MV : Vous racontez que les études ne vous ont pas intéressé, vous avez été propulsé dans la vie, effectuant de multiples métiers. Vous rencontrez des personnes dans le monde du travail qui deviennent dans votre livre des personnages savoureux que vous dépeignez sans concession, mais non sans humour !
JC : Oui, les études ce n’était pas ça, le bureau, l’usine, la fac et même le chantier, rien n’allait. La vie a voulu que je grandisse à Nantes, puis à Bordeaux. Deux villes en bordure de fleuves. Une adolescence dans le quartier de la Bastide. D’ailleurs, je viens d’un monde disparu puisque ce quartier s’est complètement métamorphosé, les usines ont disparu, les banlieues en général ont disparu. J’ai été un spectateur de mes contemporains tout en étant complètement impliqué dans la vie.
MV : C’est l’infirmière Miranda, qui va vous donner l’idée de devenir infirmier psychiatrique. Vous parlez du personnage Scardanello. Qui est -ce ?
JCM : Oui, c’est une amie infirmière qui m’a dit un jour « je te verrai bien à Picon, à l’asile » et après l’effroi de cette suggestion, elle a précisé « en tant qu’infirmier bien sûr ! » Quant à Scardanello, nous étions au lycée ensemble et son état était devenu si grave qu’on avait dû l’interner.
MV : Vous allez le croiser souvent dans votre jeunesse et à chaque fois vous l’observez avec une certaine distance, une certaine fascination même, comme un reflet de vous-même dans le miroir. Devenir infirmier psychiatrique n’est ce pas une façon de vouloir le sauver lui et peut-être vous-même ?
JCM : Oui, c’est cela, c’est un Jean Camille en malade. Je suis devenu infirmier, mais un infirmier remuant, absolument contre la violence faite aux malades, un fait qui était très courant en psychiatrie.
MV : Vous racontez votre parcours, avec beaucoup d’esprit. Votre style est vigoureux, imagé, intelligent et plein d’humour. Vous faites preuve d’une culture stupéfiante et on ne s’ennuie pas une seconde.
JCM : Merci Marie !
MV : Vous êtes déjà l’auteur de plusieurs ouvrages, des articles dans la revue « psychologie clinique » des romans, mais vous êtes aussi peintre, vous avez été exposé à de nombreuses reprises et enfin vous écrivez des poèmes. On peut dire également que vous avez mis au service des personnes en difficultés cognitives et intellectuelles tous vos talents. Vous animez ainsi plusieurs ateliers de peinture, et vous avez publié des revues de poésies avec l’association Arteliers. Vous en êtes par ailleurs devenu l’administrateur artistique. C’est une association qui œuvre pour l’épanouissement artistique des personnes ayant un handicap.
JCM : Oui, j’ai remarqué que les personnes en difficultés cognitives développent souvent pour surmonter leurs problèmes et les obstacles, une créativité qui peut s’exprimer à travers l’art.
MV : Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
JCM : Mes projets sont de continuer à développer ses ateliers. Parallèlement, j’ai commencé à réfléchir à monter une pièce de théâtre avec Artelier avec des personnes en difficulté sur le thème de la pièce de Cyrano de Bergerac en reprenant le thème de la différence qui vous met en marge ou que vous sublimez comme le
fait le personnage de Cyrano face à la société. De plus, je continue l’écriture, j’ai déjà commencé la suite de « deuxièmes lignes » !
MV : Voilà de beaux projets ! Je conseille vivement votre livre qui a déjà reçu un bel accueil avec le Prix ARTSCOPE 2021.
JCM : Merci Marie !
MV : Merci à vous Jean Camille !

Ecrit par Marie Vanhems
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