Qui a tué Pollux ?
Au cours d’un séminaire de détente, un assassinat inopiné vient contrarier la zénitude du lieu. Chapitre 1
25° au bord d’une piscine, cela peut être difficile. Si, si surtout quand la température de l’eau vous glace dès que vos pauvres orteils qui n’avaient rien demandé y ont opéré une incursion télécommandée par votre cerveau, le lâche ! il préfère se fier à eux, au lieu de réfléchir qu’en automne, même en Espagne, cela n’est pas forcément une garantie de canicule. Que dis-je l’Espagne, je veux dire la Catalogne ! ici les habitants n’aiment pas être assimilés au royaume hispanique, ils font partie d’une communauté indépendante. Pourquoi la piscine ? Alors que la belle Méditerranée me tendait ses longs bras maternels ? Et bien nous venions de déjeuner et, sur le moment, j’avoue sans honte que passer la porte, puis le portail et enfin marcher trois cents mètres vers la mer me coûtait un peu, je sais c’est moche.
Et donc, le signal envoyé par mes pieds me convainquit d’abandonner mon projet de baignade et j’adoptais une solution de repli vers ma chaise longue particulièrement confortable toute de mousse rembourrée, quand un cri déchira ce beau silence ennuyeux. Je me retournais vivement. De l’autre côté de la piscine, un attroupement, en fait trois personnes ; Lia, Carmen et Tommy entouraient le relax qui avait fini de détendre et cela, définitivement, Pollux, le rigolo du groupe. En fait son vrai nom était Colin Castor, mais la profusion de cheveux, de barbe et même de pilosité sur toute sa personne avait fini de le qualifier de Pollux le chien, à moins que tout cela soit en rapport avec Castor le jumeau et frère d’Hélène qui a provoqué le chaos à Troie... Mais je m’égare.
Certains s’étonnent parce que je ne parle pas comme quelqu’un de mon âge, 25 ans. On me dit souvent.
Tu parles comme une vieille !
Ce n’est pas complètement faux, j’ai été élevé par deux femmes de cinquante ans chacune, mères aimantes très à cheval sur la façon de m’exprimer. De plus j’ai grandi à l’écart, on m’avait extraite toute petite d’une secte, puis Marie et Jeannine m’avaient élevée à l’abri en Crète dans un coin relativement isolé. Surtout, elles me firent la classe tous les jours jusqu’à ce que l’une décède. Marie choisit de revenir sur Bordeaux et à cède à ma demande insistante de me faire intégrer une université.
Mais revenons à ce cri unanimement poussé. La curiosité étant mon meilleur défaut, je me précipitais pour voir de plus près ce qui venait de se passer. C’est Lia qui s’était rendu compte à son aspect particulièrement raide et surtout au sang qui déferlait en cascade de son cou que Pollux n’était pas au mieux de sa forme.
Moi, qui augurais avec un peu d’effroi une semaine très, très, calme, je fus heureusement surprise. Personne n’osait s’approcher et j’allais fendre cette mini foule quand notre instructrice de yoga Paula me repoussa et s’agenouilla auprès de celui qu’il allait bien falloir appeler : le mort. Elle s’exclama.
Reculez-vous, laissez-le respirer !
J’avoue que je n’ai pas très bien compris, car visiblement il ne respirait plus... Mais je ne suis pas médecin, et Paula non plus d’ailleurs. Elle était la directrice du centre, ce qui lui conférait une certaine légitimité, notamment celle de décider de ce qu’il fallait faire. Comme dans ces cas-là, c’est celui qui s’impose et je dirais même qui en impose le plus qui se fait obéir. Nous reculâmes de concert.
Je me nomme Sissi, oui, comme la princesse, ma mère était, je crois, une grande romantique, je ne l’ai jamais connue puisqu’elle a été assassinée il y a bien longtemps avec mon père, mais cela c’est une autre histoire ! Donc, il se trouve que j’ai retrouvé mon frère Léo il n’y a pas si longtemps et que celui-ci, fin limier, est un ex-policier à présent détective qui possède dorénavant une collaboratrice très utile pour ne pas dire indispensable j’ai nommé : moi-même !
Mais, me direz-vous, que faisait -elle au bord de cette piscine loin de Bordeaux ? Là je parle de moi. Et bien j’étais en vacances. Après la résolution d’une enquête qui, incontestablement, ne nous avait pas permis d’arrêter un coupable qui avait jugé bon de ne pas se soumettre à la loi en se suicidant, c’est vrai, mais, grâce à nous, une des potentielles victimes avait pu être épargnée !
Novembre, même à Arcachon, pour la baignade, ce n’est pas le lieu idéal. J’avais trouvé, sur un site, l’annonce alléchante d’un séjour au soleil dans un pays où il ne pleut pas : la Costa Brava.
Détente, yoga, musique, tout était parfait, trop peut-être.

Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk
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