Bettina à la rescousse !

Bettina, l’ex de Léo, le très polyvalent détective, directeur de maison de retraite et frère de Sissi, Bettina, donc, louait dans un des bâtiments un loft assez confortable au premier étage, qu’elle partageait avec sa fille Camomille. Ce fait avait l’avantage pour la petite fille de huit ans de vivre avec ses deux parents, séparés certes, mais uniquement de quelques murs et quelques jardins. Quand sa mère descendait, elle devait traverser le gymnase. Elle ne manquait jamais de saluer les résidents, qui, pour certains, entretenaient leur corps grâce aux tractions, étirements et cours de gym douce ou yoga. Les plus fatigués d’entre eux avaient baissé les bras et préféraient d’autres activités plus tranquilles, notamment, il faut bien le dire, la télévision.

Ce matin-là, Bettina salua Gisèle qui effectuait sa quatrième salutation au soleil ; exercice bien connu des yogis. Son corps menu, musclé et sec, serré dans un justaucorps bleu marine, avec, sur sa tête, enserrant ses cheveux blancs, un bandeau doré, ainsi parée, elle aurait pu poser pour la promotion d’une retraite saine et heureuse. Cette grand-mère qui ne voyait plus beaucoup de jeunes humains en dehors du personnel de la maison et des soignants, interrompit son enchainement pour s’approcher de la jeune femme. Elle connaissait bien cette petite brune aux grands yeux transparents si gentille.

 Et bien Betti, où vas-tu comme ça ?

 Je vais voir Léo, il s’inquiète il n’a pas de nouvelle de sa sœur et elle est injoignable.

Et vous, Gigi, vous allez bien ?

Gisèle scanna le regard liquide et murmura :

 Bien sûr, mais dis donc ma grande, tu n’as pas bonne mine.

 C’est vrai, j’ai un peu le blues, Camomille est en classe verte aujourd’hui, je n’ai pas cours et...

Elle n’avait pas fini sa phrase que la porte du gymnase s’ouvrit, c’était Léo.

 Ha, tu es là et bonjour, Madame Gisèle, vous allez bien ?

 Appelez-moi Gigi c’est plus cool ! je me maintiens pour mes quatre-vingt-trois ans. Au fait, vous savez si Jean-Jacques est célibataire ? Celui du bâtiment 4.

 Oui, enfin, il est veuf, mais il a des soucis de mémoire.
Gigi sembla songeuse.

 Ha, c’est pour ça, quand je le croise, il m’invite pour le lendemain à boire le thé à la cafétéria, et à chaque fois il me pose un lapin... C’est désagréable ! Bon, la prochaine fois, je l’attrape par le bras et je le traîne directement à la cafét !

Elle reprit sa salutation au soleil avec encore plus d’entrain. Léo proposa à Bettina de venir dans son bureau. Elle accepta en voyant aussi dans cette proposition l’opportunité de chasser sa solitude temporaire. Et puis Léo restait l’amour de sa vie, même s’ils étaient à présent séparés.

En marchant, il lui expliqua qu’il s’inquiétait déjà beaucoup, car le portable de sa sœur avait été localisé pour la dernière fois, au milieu de l’océan, c’était la goutte d’eau de mer qui faisait déborder l’angoisse.

 J’ai trouvé le site de son centre de vacances. Le problème c’est que lorsque j’appelle, ils ne répondent plus. Le site est figé à présent. Aux dernières nouvelles, elle était à Montalivet, tout allait bien si on excepte que d’après Sissi, l’un des dirigeants du séminaire soit mort apparemment la gorge tranchée alors qu’ils étaient encore en Catalogne. Vraisemblablement, elle aurait pris un bateau, c’est ce que nous dit son portable et à présent j’ignore où elle peut être. Je suis un peu désorienté. Léo entrait dans le sujet sans préambule, il aurait voulu que Bettina puisse l’aider dans ses recherches pour la retrouver. Elle accepta aussitôt.
 Sissi est mon ex-belle-sœur, la tante de ma fille, la sœur de mon ex, toi en l’occurrence, et une très bonne copine ! je ne la laisserai pas tomber... et toi non plus !

 Le cadavre du type de son centre, tu as des nouvelles ?

 Non ! il n’y a pas eu de meurtre ou de mort suspecte dans le coin.

 Ah c’est curieux, ils ont dû cacher le corps ou le jeter dans la Méditerranée ! dit Bettina.

 C’est possible. Il faut chercher dans les journaux, s’il s’est passé quelque chose de bizarre là-bas, cela ressortira. El Periódico de Catalunya, La Vanguardia, le courrier international ; il faut ratisser large. Et aussi à Vendays Montalivet, s’il s’est passé quelque chose d’anormal, on le verra peut-être.

 Tu as raison, de toute façon, je ne peux pas rester à ne rien faire !
Alors qu’ils devaient traverser la salle de repos avant de se rendre dans le bureau. Ils entendirent les voix animées de trois papis qui jouaient aux cartes en écoutant d’une oreille plus que discrète la télévision. Tout à coup Léo s’immobilisa.

 Écoute !

Une présentatrice très bien coiffée aux bouclettes parfaites s’exprimait ainsi :

 Une femme, ressortissante de Belgique, a été récupérée, un peu sonnée et profondément perturbée près de la plage du Pyla. Elle prétend qu’elle a été enlevée avec plusieurs personnes d’un centre « soleil, musique et zen » et qu’on l’aurait libéré, elle ne sait pas pourquoi... sur nos côtes girondines. Elle a demandé à ce qu’on enquête, car il resterait d’autres personnes enfermées. Elle n’a pas su expliquer pourquoi ni comment, depuis l’Espagne, elle s’était retrouvée là.

 Eh bien quoi ?

 Le centre Soleil musique, zen et aventure, c’est là que Sissi prenait ses vacances !