Qui a tué Pollux ?
Au cours d’un séminaire de détente, un assassinat inopiné vint contrarier la zénitude du lieu. Chapitre 10.
Au centre musique, zen et cætera, notre plan prenait forme. Les draps de dessous de nos lits furent lacérés et tressés avec minutie pour former de belles cordes, pas trop épaisses pour les dissimuler facilement, mais suffisamment solides. Cela nous prit une partie de la nuit. Au matin, devant le petit déjeuner, les trois comploteuses jacassaient de tout et de rien, mais au milieu de cette joyeuse discussion, nous décidâmes en douce de passer à l’attaque le lendemain. C’est alors que Wendy demanda avec beaucoup de lucidité.
Et où irons-nous et comment ?
Un silence ensuivit cette bonne question.
Rendez-vous dans la piscine murmura Lia.
Une fois dans l’eau, qui s’avéra plutôt froide, nous étions à présent à l’entrée d’octobre et, assurément, nous n’étions plus en Espagne, nous reprîmes notre conciliabule. J’avais un peu réfléchi à la question avec, vous vous en doutez, l’intention d’abréger nos souffrances aquatiques. Nous n’étions pas ni les unes ni les autres des cétacés doués d’épaisses couches de graisse, le bain devait être très sain, peut-être, mais très rapide. Un plan précis se profilait.
D’abord, quand ils dormiront du sommeil de celui qui a trop forcé sur les calmants,
on les attache, on cherche leur téléphone, on appelle les flics, et on attend.
Ok, et si on ne trouve pas leur téléphone, je ne les vois jamais téléphoner.
C’est vrai, mais nous chercherons dans leur chambre, on trouvera, c’est sûr !
Aller c’est bon, on sort !
Un peu bleues, mais ravies de retrouver l’ambiance chaude de la salle de yoga, nous avions la journée pour peaufiner notre plan.
Pendant ce temps, Léo et Bettina raccompagnaient Carmen à l’aéroport de Bordeaux et, après un dernier adieu, ils partirent pour la gare St Jean.
Ils avaient préparé dans un sac de belles liasses épaisses de journaux découpés en beaux rectangles censés faire croire à des billets de banque. Quand ils se rendirent à la consigne c’est Bettina qui ouvrit le tiroir expressément demandé par le ravisseur, elle déposa le sac et referma le casier en soupirant.
Elle passa à côté de Léo assis sur un banc, mais ne s’arrêta pas. Elle lui chuchota en passant à sa hauteur.
Tu avais raison, j’ai vu sur le côté et surtout j’ai senti en posant le sac qu’une des façades latérales dans le casier était entaillée, je pense que, si quelqu’un ouvre le casier d’à côté, il pourra prendre le sac.
Léo était vêtu d’une étrange façon. Sur le parking, il avait enfilé un vieux pantalon et une encore plus vieille parka abandonnée par un des résidents partis récemment pour un monde meilleur. Sur sa tête, la casquette du même Lucien enfoncée sur ses oreilles. Le grand-père était plein d’humour et, de l’avis de Léo, il aurait beaucoup aimé participer à cette aventure. Le faux vieillard poussa le vice jusqu’à se munir d’une canne blanche, ce qui justifiait le port de grosses lunettes noires opaques. Ainsi, il surveillait la consigne. Il remarqua aussitôt que Bettina était suivie.
Camomille la fille de Bettina et de Léo, se mit à son tour, à suivre sa mère, à distance bien sûr, pour ne pas se faire remarquer. Elle aperçut l’homme qui suivait sa mère. Quand Bettina ouvrit sa voiture pour partir, l’homme s’arrêta et revint à la gare. Petit trapu, un peu chauve, le regard fuyant, il disparut aux toilettes et, quand il ressortit, il avait enfilé une robe fleurie, un manteau gris, de gros collants de laine noire, et, posé sur sa tête, un bonnet d’où dépassaient quelques boucles grises. Camomille sut que c’était lui, car elle reconnut les baskets que l’homme ne s’était pas donné la peine de changer. Elle appela son père qui attendait toujours devant la consigne. Léo demanda alors à Camomille de rejoindre sa mère et d’attendre comme prévu. En effet, Bettina, après avoir fait le tour de la gare, était revenue se garer au parking.
La prétendue vieille femme s’approcha de la consigne. Léo la vit sortir quelque chose de son sac avant d’ouvrir le casier adjacent à celui où Bettina avait déposé le sac plein de faux billets. La fausse femme resta un moment les bras dans le casier jusqu’à ce qu’elle retire un sac qui ne ressemblait plus à celui déposé, mais qui était cette fois recouvert d’une toile à fleurs. Léo, après avoir envoyé un signal, sur son téléphone s’approcha de l’homme déguisé. En même temps, un policier le rejoignit.
C’était son copain Maximilien.
Holà ! je peux voir ce que contient votre sac ?
L’homme, affolé, tenta de s’échapper, mais déjà une poigne de fer enserra son bras. On le menotta. Il s’écria d’une voix qui se voulait féminine, mais qui était juste ridicule :
C’est une erreur, je n’ai rien fait ! on m’a demandé de porter ce sac dans l’autobus qui va à Arcachon, c’est tout.
Pourquoi ce déguisement ?
Se voyant démasqué, il retrouva sa voix naturelle.
Parce qu’il fallait que je chope le sac dans l’autre casier, j’ai bien compris pourquoi j’avais été payé si cher, cela sentait un peu le coup fourré, du coup, je me suis dit que, si j’étais déguisé, ce serait plus sûr. Mais bon, je vois bien que cela n’aura pas servi à grand-chose... Mais je ne sais rien du tout ! j’ai reçu ça, regardez !
En effet, dans un papier crasseux, quelques lignes donnaient le numéro d’un bus et la consigne d’y déposer le sac. Quelques billets de cent euros furent retrouvés dans sa poche.
Je prends le sac, dit Léo, tu ne dis rien à personne, et tu peux te barrer, c’est compris ? On a tes coordonnées, si tu déconnes, on te serre.
Oui, on m’a aussi envoyé ce billet déjà payé, mais je ne pars pas avec, je le laisse dans le bus par terre au fond.
On lui ôta les menottes. Maximilien décida d’accompagner Léo.
Cette fois le détective prenait enfin les choses en main, on avançait !

Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk
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