Bordeaux
Réfugié à Bordeaux durant la guerre civile espagnole, Luis Mariano y a trouvé un refuge et un tremplin pour sa carrière. Décédé le 14 juillet 1970, il y a 55 ans, le “Prince de l’opérette” a vu son destin se dessiner sur les rives de la Garonne, bien avant les ors des scènes parisiennes.
Un jeune homme sur les routes de l’exil
L’histoire commence à Irun, petite ville basque espagnole, le 13 août 1914. Mariano Eusebio González y García, que le monde connaîtra plus tard sous le nom de Luis Mariano, y voit le jour dans une famille déjà liée à Bordeaux : ses parents s’y étaient installés quelques années plus tôt avant de revenir en Espagne.
Vingt-deux ans plus tard, la guerre civile espagnole éclate. Le fracas des armes et la peur gagnent Irun. Comme des milliers d’autres, la famille Mariano prend la route vers la France. Bordeaux devient leur refuge. La ville est alors un port cosmopolite, marqué par l’accueil de réfugiés et animé par une vie culturelle riche malgré la menace qui gronde en Europe.
Les Beaux-Arts… et les cabarets
Arrivé à Bordeaux, Mariano s’inscrit à l’École des beaux-arts. Il aime le dessin, mais son véritable instrument, c’est sa voix. Les soirs, il rejoint la chorale basque Eresoinka, qui se produit dans des concerts de soutien aux républicains espagnols.
Pour gagner sa vie, il vend ses dessins… et chante dans les cabarets. Au Caveau des Chartrons, repaire des amateurs de musique et de tango, il interprète des airs populaires. Fred Adison, chef d’orchestre, se souviendra d’« une voix qui captive et emporte tout ».
Une rencontre dans les vignes
L’automne venu, Mariano travaille aux vendanges dans le vignoble de Sainte-Foy-la-Grande. Là, au milieu des rangs de vigne, il croise la route d’André Varon, propriétaire et amateur d’art. Impressionné par ce jeune Espagnol, Varon décide de l’aider. Il l’introduit auprès de Gaston Poulet, directeur du Conservatoire de Bordeaux.
Le 7 décembre 1939, Mariano passe l’audition. Poulet note dans son rapport : « Une voix d’or ». Le jeune homme est admis. C’est le début officiel de sa formation lyrique.
L’ange gardien bordelais
Parmi ses soutiens, une femme va jouer un rôle décisif : Jeanne Lagiscarde, responsable du rayon classique d’un grand magasin de disques bordelais. Elle croit en lui au point de quitter son poste pour l’accompagner à Paris. « Je savais qu’il ne pouvait pas rester ici ; Paris l’attendait », confiera-t-elle plus tard.
À ses côtés, Mariano quitte Bordeaux, mais emporte avec lui l’essentiel : une formation solide, des expériences scéniques et la confiance de ceux qui l’ont vu chanter.
De Paris à la gloire… en pensant à Bordeaux
En 1943, il débute à l’Opéra-Comique dans Don Pasquale. Deux ans plus tard, La Belle de Cadix fait de lui le “Prince de l’opérette”. Mais derrière les lumières de la capitale, il n’oublie pas Bordeaux : la ville-refuge, les vignes de Sainte-Foy, les soirées au Caveau des Chartrons, le Conservatoire… autant de pierres posées sur le chemin de sa gloire.
L’héritage d’une ville-refuge
L’histoire de Luis Mariano à Bordeaux est celle d’un jeune homme qui, fuyant la guerre, trouva plus qu’un abri. La ville lui offrit un lieu d’apprentissage, un tremplin artistique et un réseau d’amitiés décisives. Et si, aujourd’hui encore, Bordeaux continue de former et d’accueillir des talents, c’est peut-être parce que, dans ses murs, des histoires comme celle-ci ne cessent de renaître.

Ecrit par Jean-Sébastien Dufourg
Créateur du site Bordeaux Gazette et Président de l’association.
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