Aux origines de Sainte-Croix

Le site de l’église Sainte-Croix trouve ses racines dans une abbaye bénédictine fondée dès le VIIᵉ siècle, sur un terrain marécageux situé hors de l’agglomération antique de Bordeaux. Selon la tradition, c’est vers 679 que le moine Saint Mommolin, abbé de Fleury, y aurait trouvé la mort.
Mais l’établissement connaît de sévères destructions : il est incendié vers 732 lors d’un raid sarrasin, puis à nouveau ravagé par les incursions normandes au IXᵉ siècle.
Ce n’est qu’à partir de la fin du XIᵉ siècle que renaît l’édifice roman actuel : nef, transept et abside polygonale façonnent l’église abbatiale.
En 1130, Sainte-Croix devient paroissiale, tout en conservant l’usage monastique du chœur. L’église incarne alors à la fois un héritage religieux et le développement du faubourg méridional de Bordeaux.

Une façade et un quartier en mouvement

Architecturalement, l’édifice se distingue par sa façade de style roman saintongeais, emblématique du XIᵉ-XIIᵉ siècle.
Son plan en croix latine présente une nef de cinq travées, un transept doté d’absidioles et une abside polygonale culminant à près de quinze mètres.
Entre 1861 et 1865, l’architecte Paul Abadie – futur concepteur du Sacré-Cœur de Montmartre – mène une restauration d’envergure, ajoutant un clocher symétrique à gauche de la façade.
L’église se situe aujourd’hui dans le quartier de la place Pierre-Renaudel, ancien secteur faubourien profondément remanié par l’industrialisation et les rénovations urbaines du XXᵉ siècle. De monastique à populaire, puis culturel, le quartier illustre les métamorphoses de Bordeaux-Sud.

Musique, restaurations, usages

Sainte-Croix ne se résume pas à la pierre : elle résonne aussi grâce à son orgue remarquable, œuvre du moine-facteur Dom François Bedos de Celles, achevé en 1750.
Transféré puis restitué, l’instrument a retrouvé sa sonorité d’origine après une restauration menée dans les années 1990 par Pascal Quoirin.
Les bâtiments conventuels, quant à eux, ont connu plusieurs reconversions après la Révolution : ils accueillent aujourd’hui l’École des beaux-arts de Bordeaux.
Classée « Monument historique », l’église est à la fois lieu de culte, patrimoine architectural et espace culturel vivant, régulièrement ouvert à la visite et aux concerts d’orgue.

Place Renaudel : ce que révèlent les fouilles

Le parvis de Sainte-Croix est désormais au centre d’une vaste opération archéologique préventive. Sur la place Pierre-Renaudel, les fouilles prescrites par la DRAC Nouvelle-Aquitaine et menées par le service Archéologie de Bordeaux Métropole ont mis au jour une nécropole et des vestiges d’habitat révélant plus de mille ans d’histoire.

Découvertes et calendrier

• Fin de la première phase : 18 juillet 2025, sur une surface de 2 666 m².

• 185 individus recensés : 66 sépultures en sarcophage, 11 en coffrage, 83 inhumations sans architecture pérenne.

• 120 structures non funéraires : maçonneries, fosses, fours, fondations.

• Datations : du VIᵉ-VIIIᵉ siècle jusqu’au XIXᵉ.

• Visites publiques chaque mercredi du 29 octobre au 3 décembre 2025.

Ces fouilles confirment l’existence d’un vaste cimetière mérovingien sous le parvis, parfois à moins de 30 cm du sol actuel.
Elles démontrent une occupation continue du secteur depuis l’Antiquité tardive, reliant directement la nécropole aux origines de l’abbaye bénédictine.
Pour la ville, ces découvertes imposent une adaptation du futur réaménagement de la place : végétalisation et circulation douce devront composer avec la préservation des vestiges.

Et maintenant ?

Une deuxième phase de fouille débute en novembre 2025, suivie d’une troisième prévue pour 2026.
Les chercheurs espèrent affiner la chronologie des usages funéraires et domestiques, mais aussi proposer une mise en valeur publique des découvertes dans le futur aménagement.
Les questions demeurent : comment relier cette nécropole à l’histoire de l’abbaye ? Quelle place pour la médiation patrimoniale dans un espace de vie urbaine ?
Sainte-Croix continue ainsi de dialoguer avec son passé : un lieu de culte devenu terrain de recherche, au cœur d’un quartier en pleine redéfinition.

🕰️ Repères chronologiques

•  679 : décès de Saint Mommolin à l’abbaye de Sainte-Croix

• Fin XIᵉ s. : construction de la nef romane

• 1130 : érection en église paroissiale

• 1861-1865 : restauration par Paul Abadie

• 1 mai 2025 : annonce officielle des fouilles

• 18 juillet 2025 : fin de la première phase, 185 individus mis au jour

🏺 À retenir sur les fouilles

• Opération prescrite par la DRAC Nouvelle-Aquitaine, menée par Bordeaux Métropole

• Emprise : 2 666 m², profondeur jusqu’à 2 m

• 66 sarcophages, 11 coffrages, 83 inhumations libres = 185 individus

• Plus de 120 structures non funéraires (murs, fosses, fours)

• Visites guidées : 29 octobre → 3 décembre 2025