Abbatiale Notre-Dame de Guîtres : un trésor roman en quête de sauvegarde

Guîtres

Jean-Sébastien Dufourg il y a 4 heures

L’abbatiale Notre‑Dame de Guîtres, joyau roman de la Gironde fondé aux XIᵉ–XIIᵉ siècles, est désormais labellisée Mission Patrimoine 2025. Cette reconnaissance s’inscrit dans un contexte régional plus large, aux côtés de quatre autres sites d’Aquitaine, et relance le débat sur les enjeux de conservation pour ce monument majeur du patrimoine local.

Origines et chronologie

L’abbaye bénédictine Notre-Dame de Guîtres aurait été fondée entre 1060 et 1080, probablement en lien avec l’abbaye de Saint-Martin de Fronsac. Une bulle papale d’Alexandre III en 1171 la place sous la protection de Rome et confirme ses possessions.

L’église romane initiale comprend un chœur, un transept et une partie orientale de la nef datant du XIIe siècle. Aux XIIIe siècle datent les voûtes d’ogives remplaçant les voûtes d’origine et l’agrandissement de deux travées de la nef. La façade occidentale dans le style saintongeais (1180–1220), ainsi que le pignon du XVe siècle, témoignent d’un long processus de construction et d’embellissement. La charpente datée du XVe siècle est particulièrement remarquable.

L’abbaye subit d’importants dommages lors de la guerre de Cent Ans et fut attaquée en 1569 par les Huguenots, entraînant la ruine du monastère et la dispersion de la communauté. L’ensemble est supprimé en 1774, et seule l’abbatiale survit en tant qu’église paroissiale. Elle est classée monument historique par arrêté du 2 septembre 1901.

Architecture et décors

L’église, de plan basilical à trois nefs, possède un chevet roman à déambulatoire et chapelles rayonnantes, une particularité rare en Gironde. Le transept est voûté en berceau, les absidioles ouvrent sur ses bras.

Le portail nord, d’inspiration saintongeaise, présente des portes en plein cintre encadrées de portes feintes. La nef centrale et ses collatéraux ont conservé des remaniements romans et gothiques, notamment les voûtes à ogives du XIIIe siècle, créant presque l’effet d’une halle intérieure.

La charpente en chêne du XVe siècle est d’un intérêt exceptionnel. Le mobilier inclut notamment un lutrin en châtaignier avec figures d’aigles (symboles de saint Jean) et une statue de la Vierge du XVIIIe siècle.

L’abbatiale dans la vie de Guîtres

Située dans le sud de la ville, non loin de l’Isle, l’abbatiale est ancrée dans le tissu urbain de Guîtres, entourée des rues de l’Église, du Port, du Prieuré et de la place des Tilleuls.

Figure marquante liée au site : Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580–1637), savant et abbé commendataire, joua un rôle significatif à l’époque moderne.

À l’époque contemporaine, l’abbé Paul Haverlan initie en 1973 un projet d’orgue monumental bâti par Beuchet-Debierre : section inaugurée en 1978 par Philippe Lefebvre, puis second volet achevé en 1986 et inauguré par Jean Guillou.

Restaurations et Mission Patrimoine 2025

État sanitaire et travaux passés
L’église a connu plusieurs restaurations, notamment de ses voûtes, de la charpente, et l’ajout de l’orgue. Toutefois, l’état actuel exige de nouvelles interventions. Le classement en 1901 lui offre une protection juridique, mais les besoins restent importants.

Sélection 2025 et enjeux
En 2025, l’abbatiale Notre-Dame de Guîtres est retenue parmi les sites emblématiques de Nouvelle-Aquitaine par la Mission Patrimoine (Loto du patrimoine), pilotée par Stéphane Bern et soutenue par la Fondation du patrimoine, le ministère de la Culture et la FDJ.

Les autres sites aquitains 2025 :
Château Cramirat à Sergeac (Dordogne)
Ancienne manufacture Crabos à Saint-Sever (Landes)
Château de Poudenas (Lot-et-Garonne)
Château de Gramont à Bidache (Pyrénées-Atlantiques)

Cette sélection permet d’espérer des dotations financières conséquentes, notamment lors des Journées du Patrimoine de septembre 2025, en vue de restaurer les éléments architecturaux et assurer la transmission patrimoniale à Guîtres.

Conseils de visite

Accessible dans le cœur de Guîtres, l’abbatiale est aisément repérable depuis les rues alentours et l’Isle. En été (juillet–août), des visites libres sont proposées du lundi au vendredi de 14h à 18h ; en dehors, des visites guidées sont possibles sur rendez-vous.

Pour admirer les décors : privilégier la lumière naturelle du sud-est en matinée pour le chevet et les chapelles rayonnantes, ou celle de l’ouest en fin de journée pour les portails et la nef. Ne pas manquer le déambulatoire roman, la charpente gothique en chêne et le lutrin remarquable.

À savoir

L’abbatiale est classée monument historique depuis 1901.
Elle est l’une des rares églises romanes en Gironde avec un déambulatoire et chapelles rayonnantes.
La charpente en chêne du XVe siècle est d’un intérêt architectural exceptionnel.
Le grand orgue, achevé en 1986, est signé Beuchet-Debierre.
Elle fut élevée en abbaye bénédictine et supprimée en 1774, seule l’église subsiste.