Un déséquilibre budgétaire inédit et une cure d’austérité à venir : le Département de la Gironde est sommé par la Chambre régionale des comptes de rééquilibrer ses finances d’ici 2028. Entre réduction d’effectifs, baisse des investissements et recentrage sur les compétences obligatoires, les Girondines et les Girondins pourraient ressentir les effets de cette restructuration, dans un contexte national tendu pour les finances publiques locales.
Un déficit de plus de 100 millions mis à nu
Le 17 novembre, la Chambre régionale des comptes (CRC) Nouvelle-Aquitaine a rendu public son avis concernant le budget supplémentaire 2025 du Département de la Gironde. Saisie par le préfet en raison d’un déséquilibre structurel, la juridiction financière constate un déficit global de 101,8 M€, supérieur aux 73,9 M€ initialement inscrits lors du vote du 13 octobre.
Cet écart s’explique principalement par la réintégration de dépenses “en retard”, jusque-là non comptabilisées, notamment dans les secteurs de l’enfance (+37 M€) et de l’investissement (+18 M€). La CRC rectifie les comptes 2024, portant le résultat cumulé à –93,5 M€, au lieu des –29,9 M€ déclarés.
Le constat est sévère : malgré un budget de plus de 2 milliards d’euros, les recettes ne couvrent plus les dépenses liées aux politiques de solidarité, cœur des compétences départementales.
Ce que réclame la Chambre régionale des comptes
Face à ce déséquilibre, la CRC demande le vote d’un plan de redressement sur trois ans (2026-2028), accompagné de mesures drastiques. Parmi celles-ci :
- Réduction des effectifs : retour au niveau de 2021, soit –232 postes dès fin 2025 ;
- Baisse des dépenses de fonctionnement : 73 M€ d’économies à réaliser sur trois ans ;
- Gel des investissements : limitation à 100 M€/an jusqu’à 2028, concentrés sur la sécurité et les engagements juridiques ;
- Moratoire sur la dette, bloquée au niveau actuel ;
- Réduction des aides extra-légales, recentrage sur les compétences obligatoires, notamment les allocations individuelles de solidarité (RSA, APA, PCH).
L’objectif : un retour à l’équilibre en 2028, avec une capacité d’autofinancement reconstituée à hauteur de 23 M€. Faute de plan conforme au vote du 1er décembre, le Préfet pourrait imposer d’autorité un budget.
Une cure d’austérité contestée
La majorité départementale, présidée par Jean-Luc Gleyze (PS), reconnaît la fragilité des finances et s’engage à présenter un plan de retour à l’équilibre, “garant de responsabilité politique” selon lui. Tout en tenant compte des préconisations de la CRC, il rappelle que “nous restons en maîtrise sur le plan politique”.
Pour autant, les critiques émergent. Le groupe communiste dénonce un “plan de redressement d’une violence inouïe”, soulignant que 60 départements vivent la même crise, aggravée par l’absence de compensation par l’État des allocations sociales qu’il délègue. Selon les communistes girondins, 150 M€ manquent chaque année pour couvrir le RSA, l’APA et la PCH, faute de compensation suffisante de l’État.

- Gironde : un déficit de 101,8 M€ impose un plan de redressement
- Jean-Luc Gleyze
Ils pointent également l’absence de leviers fiscaux (comme la taxe foncière, supprimée en 2021) qui privent les départements de marges de manœuvre. Et de s’interroger : comment réduire de moitié les investissements, supprimer 800 agents en quatre ans et maintenir les services de proximité “sans impacter directement les populations” ?
Les marges de manœuvre du Département
Si les critiques politiques sont vives, le défi est aussi structurel. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), principale ressource des départements, ont chuté depuis 2022, dans un marché immobilier en repli. La Gironde n’échappe pas à cette tendance nationale.
Le Département tentera de préserver ses politiques sociales prioritaires, en “poursuivant le virage préventif” en protection de l’enfance et en optimisant les dépenses sociales. Mais la limitation des investissements aura des conséquences sur les infrastructures, notamment dans les territoires ruraux déjà fragilisés.
À défaut de solutions côté recettes, c’est bien sur les dépenses que le curseur bouge. Reste à savoir si l’équation sera tenable sans détériorer les services publics locaux.
Le Département a jusqu’au 1er décembre pour adopter un budget rectifié intégrant les corrections de la CRC et un plan d’économies conforme. La chambre vérifiera ensuite, jusqu’en 2028, l’application des mesures votées. Ce contrôle rapproché traduit à la fois l’urgence et l’ampleur des enjeux.
Dans un contexte où plus de la moitié des départements sont en tension financière, la situation girondine reflète les limites d’un modèle fragilisé par la baisse des recettes dynamiques et l’augmentation des dépenses sociales. Entre rigueur budgétaire et solidarité territoriale, le cadre d’action des élus se resserre, avec des conséquences directes pour les habitants.

Ecrit par La rédaction
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