Bordeaux
Entre restaurateurs, producteurs et distributeurs, l’initiative “Origine France” relance le dialogue en Nouvelle-Aquitaine autour de l’approvisionnement local et des défis de la souveraineté alimentaire.
À l’entrepôt METRO de Bordeaux Lac, l’événement “Big Bang Origine France” a réuni, début décembre, représentants agricoles, restaurateurs et distributeurs autour d’un objectif commun : renforcer les circuits courts dans la restauration hors domicile (RHD). Cinq ans après la signature de la charte “Origine France”, METRO et ses partenaires veulent faire un pas de plus vers des achats plus locaux, plus transparents et plus durables.
Une charte pour valoriser la production française
Lancée en 2019 avec la FNSEA, la Coopération Agricole, l’UMIH et la Fédération française des petites entreprises (FFPE), la charte “Origine France” vise à encourager l’approvisionnement national dans la restauration.
« Chaque kilo de viande, de légumes ou de fruits français remplacé par un produit importé, c’est une part de souveraineté qui disparaît », a rappelé un représentant de la FNSEA, soulignant que 55 % des viandes servies en restauration proviennent encore de l’importation, malgré l’attachement affiché des professionnels à l’origine des produits.
Pour la fédération agricole, la question dépasse le simple choix économique : elle touche à la compétitivité et à la survie des exploitations françaises, mises en difficulté par les importations à bas prix, les taxes internationales et les effets des accords commerciaux comme le Mercosur.
La “Charte Origine France” est perçue comme un levier pour rééquilibrer la balance et redonner de la valeur à la production nationale, tout en rapprochant producteurs et restaurateurs.
Bordeaux et la Nouvelle-Aquitaine, terrain d’expérimentation
Sur la métropole bordelaise, l’opération trouve un écho particulier. Le territoire bénéficie d’une diversité agricole exceptionnelle, du maraîchage de Cestas aux élevages du Médoc, en passant par la viticulture.
Mais cette richesse se heurte à une réalité logistique : le manque de volume disponible en fruits et légumes frais. « Nous sommes sur un marché pénurique », admet un responsable de METRO Bordeaux. « Les tomates, les poivrons, tous les légumes d’été manquent pour répondre à la demande des restaurateurs. »
L’enjeu consiste à concilier les capacités de gros producteurs régionaux, comme Planète Végétale, avec celles de petits exploitants, parfois limités à quelques palettes hebdomadaires.
« Les grands apportent la constance et le volume, les petits la qualité et l’histoire », résume un représentant local de la FFPE Sud-Ouest. « Encore faut-il que cette diversité soit comprise et valorisée par les acheteurs. »
Entre engagement et contraintes économiques
METRO rappelle ses propres engagements : 100 % de steaks hachés et d’œufs français, environ 70 % de viande bovine issue de filières nationales, et le refus de travailler avec certains produits d’Amérique du Sud.
« Cela peut coûter cher, mais nous tenons cette ligne », explique un responsable de METRO Bordeaux. « Quand il n’y en a pas, on n’en prend pas. »
La réalité reste plus nuancée pour les restaurateurs indépendants. Beaucoup cherchent à acheter local, mais doivent composer avec la pression sur les prix et la baisse du pouvoir d’achat des clients.
« Les restaurateurs veulent du français, mais peinent à le communiquer au consommateur final », constate un représentant de la FFPE. Pour les y aider, METRO prévoit de relancer sa campagne “J’aime cuisiner français”, via des autocollants vitrines et un accompagnement sur les réseaux sociaux.
Le vin de Bordeaux face à la mutation des usages
La filière viticole a aussi été évoquée lors de la rencontre. Après une période de tension entre producteurs et le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux), le dialogue se rouvre.
Mais les chiffres restent préoccupants : 25 % des établissements girondins du secteur CHR auraient disparu depuis 2019, et la consommation de vin continue de reculer dans la restauration.
« Même les cartes les mieux fournies enregistrent une forte régression du vin », note un représentant de la profession.
Pour relancer l’intérêt, la filière met en avant des vins à moins de 10 €, des formats cubis et une communication centrée sur les vins au verre, afin de moderniser l’image du Bordeaux et séduire une clientèle plus jeune, friande de rosé ou de blanc.
Des perspectives de travail collectif
L’opération “Origine France” ne s’arrête pas à cette rencontre bordelaise. Une nouvelle étape est annoncée pour janvier 2026, sous la forme de tables rondes réunissant restaurateurs, producteurs et coopératives. Objectif : identifier les besoins concrets des professionnels et favoriser les échanges directs.
« L’idée, c’est de ne pas seulement parler, mais d’agir », a conclu Laurence Royer, directrice du METRO Bordeaux Lac. « Nous voulons que la restauration française raconte à nouveau une histoire locale, de la ferme à l’assiette. »

Ecrit par Patrick Delhoume
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