Créé en 2010, le service civique séduit de plus en plus les jeunes. En juillet dernier, Emmanuel Macron annonçait même la création de 100 000 nouvelles offres d’ici décembre en réponse aux conséquences de la crise sanitaire pour les jeunes et l’emploi. Pourtant, ces missions volontaires sont loin d’être parfaites.
Entre avenir incertain et perte de motivation, beaucoup de jeunes réfléchissent à mettre leurs études de côté et candidater pour une de ses missions volontaires proposées par l’Etat. En 2020, c’est plus de 700 000 jeunes qui sont arrivés sur un marché du travail en crise. Toujours en 2020, le Corps européen de la solidarité s’est vu attribuer une grosse enveloppe de plus d’un milliard d’euros pour les six prochaines années, de quoi réjouir l’Agence de Service Civique. Destiné aux jeunes entre 16 et 25 ans, ou 30 ans si handicap, le service civique a pour vocation de proposer « une mission pour chacun au service de tous ». Sauf dans le cas où le contrat est rompu dans les six premiers mois de la mission, on ne peut effectuer qu’un seul service civique dans sa vie malheureusement. Parmi ces quelques 435 000 jeunes Français qui ont déjà tenté l’expérience en France ou à l’étranger, Léna et Emma acceptent de témoigner. Comme les 88% des jeunes ayant déjà réalisé une mission civique, toutes deux en sont satisfaites et recommandent de s’engager, elles ne regrettent pas l’aventure. « Pour intégrer la formation que je vise pour l’année prochaine, on m’a dit que le service civique était très bien vu donc je n’ai pas hésité », se confie Léna. Mais Léna reverrait bien certains points. Car le problème majeur du service civique, c’est que ces jeunes volontaires ne perçoivent pas de salaire, simplement des indemnisations s’élevant à 580€ par mois pour un contrat de vingt-quatre heures par semaine comme pour un de trente-cinq heures… Bien sûr, les organisations qui accueillent ces jeunes en service civique sont libres de donner plus, mais peu le font. L’association où se trouve actuellement Léna ne lui donne pas plus, et ses trente-cinq heures hebdomadaires ne lui laissent pas de temps pour cumuler un petit boulot à côté pour compléter ses revenus. Léna a signé en septembre dernier pour une mission sur dix mois, elle paye un loyer sur Bordeaux, et les quelques économies qu’elle a pu faire vont servir à financer ses concours et dossiers de candidature pour intégrer une école l’année prochaine. Sur ce point, Emma a été plus chanceuse. Elle a effectué son service civique l’an passé et pour vingt-huit heures hebdomadaires elle touchait autant que Léna en trente-cinq heures et avait même droit à plusieurs avantages. Emma était nourrie logée dans une colocation avec d’autres membres de l’équipe à tout juste cinq minutes à pieds des locaux et a même eu reçu des chèques cadeaux à son départ alors que l’organisation n’y avait aucune obligation.
- Les cinq ans du Service Civique
En 2016, Libération alertait déjà dans une de ses tribunes intitulée « Service civique, le statut précaire de demain ? » sur les potentielles dérives du service civique. Aujourd’hui, on note que très peu, voire aucune, de ces remarques ont été prises en compte. Afin de valoriser la mixité sociale, les auteurs recommandaient de faire jouer le recrutement uniquement sur la motivation et non sur le CV, comme le ferait un recruteur pour un autre type de contrat. La formation ou les expériences professionnelles, favoriseraient certains candidats au détriment d’autres plus motivés. Le service civique, c’est l’opportunité d’acquérir l’expérience professionnelle tant exigée, même pour un simple stage ou un emploi saisonnier. C’est aussi le moyen de se conforter choix orientation dans les études supérieures, comme le confirment Emma et Léna. Mais c’est aussi l’occasion d’apprendre et d’exercer afin de donner du poids pour son dossier de candidature dans une formation. Elles ont toutes deux réalisé leur service civique dans le même domaine que leurs études afin de valoriser cette expérience dans leurs dossiers de candidature. Pour candidater, le niveau de qualification dans les informations personnelles est facultatif. Pourtant, Léna et Emma expliquent qu’elles ont toutes deux postuler aux missions avec leur CV, et que leur responsable en service civique leur a avoué que c’est leur formation qui a joué. Le CV n’est pas explicitement exigé pour candidater à une mission, mais il est demandé d’ « expliquer en quelques lignes vos motivations personnelles », puis « pour illustrer votre motivation autrement et personnaliser votre réponse, vous pouvez transmettre également une pièce jointe aux organismes d’accueil ». Pour ce qui est des responsabilités et de la charge de travail attribués en mission, Emma situe le service civique entre le stage et le CDD bien qu’un volontaire n’ait pas le statut de salarié ni les mêmes droits. Léna place elle le service civique au même rang qu’un CDD pour ce qui est des responsabilités. Dès les premiers mois, Léna s’est vue devoir remplacer un salarié en CDD absent. Il est aussi assez fréquent qu’elle se retrouve seule pour garder les enfants que l’association prend en charge explique-t-elle, alors qu’elle est toujours censée être sous tutelle. Pire encore, les responsables du service civique d’Emma lui ont avouée qu’ils préfèrent chaque année proposer cinq services civiques plutôt que d’embaucher, car ces services civiques ne coûtent que 8€ par mois aux organismes. L’Etat prend en charge 472€ des indemnisations, il ne reste donc que 108€ à régler pour l’organisme mais l’Etat leur rembourse encore 100€ là-dessus. Une offre qui a de quoi allécher plus d’une entreprise ou association.
- NRJ Summer Tour 2017
Afin de proposer plus d’offres, l’idée de raccourcir la durée contrat pour multiplier les offres a été évoquée, mais pas encore en perspective annonçait la présidente. Alors qu’on ne peut faire qu’un seul service civique dans sa vie, on pourrait penser qu’un contrat de six mois au lieu de douze gênerait les jeunes, mais Léna et Emma ne sont pas de cet avis. Léna pense que c’est une excellente idée car bien que sa mission lui plaise elle commence à trouver le temps long sachant qu’elle ne touche que quelques indemnisations. Emma pense que cela permettrait aux jeunes qui font une
année de césure d’aussi prendre du temps du soi et réaliser d’autres projets, affiner leurs dossiers ou préparer les concours pour des écoles. Mais les jeunes les plus défavorisés sont-ils du même avis ? Le service civique peut représenter un réel tremplin dans la vie professionnelle car plus de 70% de ces jeunes volontaires se voient proposer un emploi dans l’organisme d’accueil à la fin de leur mission. L’organisme où Léna effectue son service civique lui a déjà proposé un CDD quand son contrat s’achèvera, mais un CDD de tout juste un mois, on a vu mieux comme tremplin professionnel... Malgré ces quelques inconvénients, Emma et Léna recommandent toutes deux de s’engager dans « une mission pour chacun, au service de tous ». Emma ajoute qu’elle a ensuite eu un peu de mal à se remettre dans le bain à la reprise des cours en septembre, « surtout pour les devoirs quand on a été habitué à rentrer le soir et n’avoir rien à faire pour le lendemain ». Si à la fin de sa mission on lui avait proposé un CDD d’un an par exemple, Emma aurait accepté car elle considère que c’est une opportunité en or pour se construire un réseau alors qu’elle aura toujours l’occasion de repartir sur les bancs de l’école quand elle le voudra.

Ecrit par Coralie Lamarque
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