Bordeaux

La « P’tite Martial » : une brasserie artisanale qui fait pétiller les Chartrons

Une odeur de houblon emplie les rues bordelaises en ce début de matinée pluvieuse mais c’est au 40 de la rue Surson, en plein cœur des Chartrons, que les effluves guident les curieux. Les parapluies se posent à « la P’tite Martial », la brasserie de Lydia Servary, encouragés par le doux vrombissement des cuves d’où sortira bientôt une bière made in Bordeaux.



En 2015, Lydia est la première femme brasseuse de Gironde suite à la création de son entreprise qu’elle décrit comme un « lieu de vie, d’échanges et de partages ». C’est en effet après mille vies que sa passion pour la bière la rattrape à l’âge de 57 ans. « J’ai d’abord été menuisier-ébéniste spécialisée dans le tournage sur bois et après un accident du travail, j’ai passé un diplôme d’animation et d’éducatrice spécialisée. Puis, j’ai été responsable du Secteur Jeunes au Centre Social de Bordeaux Nord et me suis occupée de personnes en précarité énergétique. » détaille-t-elle. Mais en parallèle cela fait déjà une dizaine d’années que cette passionnée brasse en amateur dans les cuisines du restaurant de son théâtre de quartier « La Boîte à Jouer » et huit ans qu’elle y élabore ses recettes. Longtemps mue par l’idée d’ouvrir un bar à bières, Lydia décide finalement de vivre de sa passion mais la route qui mènera à l’ouverture de « la P’tite Martial » n’est pas sans embûches. Pour l’heure, les cuves réclament son attention.

Lydia Servary, fourquet en main devant son trophée "Excellence Artisanale"

Il pleut, il mouille mais ça brasse aux Chartrons !
La brasseuse aime à perpétuer le savoir-faire ancestral tant dans l’élaboration de la recette que dans l’état d’esprit qu’elle a insufflé aux lieux. « D’abord, je concasse du malt, environ 80/85kg selon les recettes. Ensuite, je fais chauffer de l’eau dans la cuve à eau chaude. Une fois que la cuve est remplie d’eau, je verse le malt à l’intérieur : c’est ce que l’on appelle « empâter ». Puis je vais brasser à la main avec le fourquet, l’outil traditionnel du brasseur. Je brasse en soulevant le grain pour avoir une température homogène. Après je vais rajouter le houblon puis transvaser dans les cuves de fermentation. Je rajouterai la levure et la bière y restera pendant 7 à 10 jours. Une fois la fermentation finie et comme je ne rajoute pas de gaz carbonique, je vais re-sucrer ma bière. Une fois embouteillée, elle partira en chambre chaude pour une re-fermentation en bouteille. Ici à la brasserie, je ne filtre pas, je ne pasteurise pas, je n’utilise aucun additif et je ne fais pas perdre d’eau grâce au système de pompes et de tuyaux. »
La bière doublement labellisée bio et végane, Lydia n’a rien laissé au hasard : les résidus de brasserie sont récupérés par un éleveur en bio pour enrichir la nourriture de ses vaches et par une maraîchère en biodynamie pour le compost. Outre la vente libre à la brasserie, les bières estampillés « la P’tite Martial » se retrouvent dans certains bio-coop, caves à bières, magasins bio, épiceries fines, cavistes, fromagers et restaurants sur tout Bordeaux mais aussi jusqu’à Arcachon, Lacanau et Soulac. Et à la brasserie, tout a été bien pensé « je livre en triporteur électrique quand les livraisons sont intra-muros et quand les bières doivent aller plus loin, je fais travailler PickUp, une société de coursiers à vélo montée par des jeunes du quartier  ».

Livraison en triporteur pour protéger la planète

Une brasserie confidentielle, nichée au cœur d’un quartier où le bouche-à-oreille fonctionne et qui favorise le lien social, c’est ce que souhaitait Lydia. Sollicitée pour des évènements par des particuliers comme des entreprises, elle a sorti dernièrement une cuvée spéciale pour l’inauguration d’Indian Moto et pour une épicerie de Lacanau avec une ambrée au poivre de kampot. Un pâté à la bière en association avec Belle Garonne est lui prévu pour 2020. « Quand on a un projet, il faut y croire et aller jusqu’au bout pour ne pas avoir de regret dans la vie ! » sourit-elle. Si la brasseuse rayonne en voyant le résultat de son labeur, arriver à son but n’a pas été sans peine. « On revient toujours à ses premières amours mais quand le projet a débuté, je me suis fait traiter de folle car à 57 ans, les gens pensent à la retraite. Le local était un ancien entrepôt de peinture. Les travaux ont pris des mois et en même temps que je faisais la création de l’entreprise, j’apprenais que j’avais un cancer du sein. » intime-t-elle. Opération, radiothérapie… Lydia ne lâche rien et s’arrange avec les médecins pour pouvoir continuer la création de la brasserie. « J’allais en radio le matin et l’après-midi je continuais les travaux. Le 17 juillet 2015 je termine mon traitement et le 19 juillet je monte sur une échelle et me casse les deux pieds. Je suis partie en maison de repos et mes amis se sont regroupés pour continuer les travaux. La brasserie a finalement été opérationnelle début
2016. » conclue-t-elle.
D’aventures en devanture : une réussite pétillante
Une aventure de vie, humaine aussi, que Lydia savoure à chaque instant, le troquet repris en main pour continuer le brassage. Pour arriver au produit fini, le processus peut prendre jusqu’à 25 jours. Blonde, brune, blanche ou ambrée, ce sont 30 000 bouteilles qui sont sorties des cuves de « la P’tite Martial » cette année, à raison de trois brassages par semaine. C’est la safranée que la brasseuse a souhaité mettre en avant. « Mes spécialités sont la bière au safran mais aussi une blonde fleurie dans laquelle je rajoute des fleurs d’hibiscus et de marjolaine. La plupart des brasseurs sortent ce que l’on appelle une bière de printemps en mars mais j’ai choisi d’en faire tout au long de l’année au lieu d’une fois par an. » Les deux dernières créations : des bières vieillies en fût de chêne dont une ambrée qui attend patiemment son heure dans un fût de rhum jamaïcain et une brune dans un fût d’Armagnac.

Une large palette de saveurs

Partie de sa seule passion, Lydia continue à accompagner des jeunes dans leurs vie professionnelle. « C’est ma vocation d’éducatrice spécialisée qui m’a amené à recevoir des stagiaires de lycée pro pour les aider dans leurs projets. En 2017, j’ai reçu Jack, un apprenti chinois qui est resté pendant quatre mois. Il est reparti en octobre et en juin de l’année suivante, je recevais des billets d’avion et une invitation pour l’inauguration de sa première brasserie en Chine ! Après son départ, j’ai continué à le former et à m’investir dans son projet par vidéo et en parallèle, il avait acheté ses cuves et a continué à apprendre. Je suis alors partie pendant dix jours et, en deux ans, il a monté 13 brasseries autour de la Xia Dao, la bière qu’il a créée et je ne pense pas qu’il s’arrête en si bon chemin. » A terme, Lydia a pour but de repartir vers l’Empire du Milieu et y faire de la formation. Mais en attendant son départ pour la Chine, c’est en terres bordelaises que son savoir-faire a été reconnu le 6 décembre dernier au Palais des Congrès d’Arcachon lors de la cérémonie de remise de trophées « Excellence Artisanale » organisé par la Chambre des Métiers de Nouvelle-Aquitaine. Lauréate dans la catégorie « reconversion professionnelle », la brasseuse décrit ce prix, auquel elle ne s’attendait pas, comme « le trophée du partage ». Et si la retraite se profile, la brasseuse chartronaise souhaite voir perdurer cette bienveillance qu’elle a su concocter en ces murs de la rue Surson. « Je veux trouver quelqu’un qui a la même mentalité que moi. Je m’engage à accompagner cette personne jusqu’au bout quitte à rester salariée ou bien à inventer un autre mode d’intervention jusqu’à ce qu’elle n’ait plus besoin de moi. » Une épaule sur laquelle s’accouder, une porte toujours ouverte et des bouteilles prêtes à être goûtées à chaque passage pour un moment de plaisir et d’échanges, c’est le menu proposé par « la P’tite Martial » à l’aube de Noël. Pour faire pétiller la table de Noël de bière bordelaise bio et végane, retrouver « la P’tite Martial » du mardi au vendredi de 15 h à 18 h au 40 rue Surson, Bordeaux ; au 07 82 79 82 74
ou sur sa page facebook

Ecrit par Sabine Taverdet


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