Longtemps symbole du luxe venu d’ailleurs, le caviar s’enracine désormais dans les terroirs français. En Nouvelle-Aquitaine, berceau historique de l’esturgeon, les élevages aquacoles perpétuent un savoir-faire né au bord de la Gironde, tout en répondant aux nouveaux enjeux de durabilité.
Repères : histoire du caviar en France, espèces élevées, zones de production
Historiquement, la pêche d’esturgeons dans l’estuaire de la Gironde a joué un rôle fondateur dans la naissance du caviar français. Dès les années 1920, les pêcheurs de la rive girondine, notamment autour de Pauillac, Blaye, Podensac et Saint-Seurin-sur-l’Isle, capturaient des esturgeons pour leur chair, sans toujours valoriser leurs œufs. C’est à cette époque qu’un émigré russe aurait initié les premières préparations de caviar dans la région, donnant naissance à ce que l’on appela bientôt le « caviar de Gironde ».
Dans les décennies suivantes, la production prit de l’ampleur, et la commune voisine de Saint-Seurin-d’Uzet, en Charente-Maritime, devint la « capitale française du caviar ». Ce savoir-faire, né sur les rives de la Gironde, a ensuite inspiré le développement de la filière d’élevage en Nouvelle-Aquitaine après l’interdiction de la pêche à l’esturgeon sauvage en 1982.
Depuis lors, la production française repose entièrement sur l’aquaculture. Le plan national Aquacultures d’avenir indique qu’environ 45 tonnes de caviar sont produites chaque année en France.
Les principales espèces élevées sont :
- Acipenser baerii, l’esturgeon sibérien, très présent dans les élevages aquitains ;
- Acipenser gueldenstaedtii, l’osciètre ;
- Huso huso, le béluga, plus rare, parfois utilisé pour des hybrides haut de gamme.

La Nouvelle-Aquitaine concentre la majorité des sites d’élevage, notamment en Gironde et Dordogne, où la qualité des eaux douces et la maîtrise technique des pisciculteurs garantissent un produit reconnu sur la scène internationale.
Fabrication : élevage, salage, maturation, normes et traçabilité
La fabrication du caviar suit des étapes précises et encadrées. L’élevage d’esturgeons demande 8 à 10 ans avant la maturité des femelles. La qualité de l’eau est déterminante : elle doit être pure, bien oxygénée et stable en température. Les fermes d’Aquitaine utilisent des bassins en circuit semi-fermé afin de limiter les rejets dans l’environnement.
Lorsque les œufs atteignent leur plein développement, ils sont extraits, triés, rincés puis légèrement salés selon la méthode dite malossol. Ce salage modéré (moins de 4 %) permet de conserver la texture du grain tout en révélant ses arômes. Le produit est ensuite conditionné et affiné quelques semaines en chambre froide pour développer sa palette aromatique.
Sur le plan réglementaire, toutes les espèces d’esturgeons figurent à l’annexe II de la CITES, encadrant leur commerce international. En France, seul le terme « caviar » peut désigner les œufs d’esturgeon, conformément à l’arrêté du 21 décembre 2004.
La traçabilité est désormais obligatoire : chaque boîte porte un code CITES indiquant le pays, l’année et l’espèce d’origine, garantissant transparence et origine contrôlée. On trouve aujourd’hui en France une offre variée de caviars issus d’esturgeons d’élevage, élaborés selon des méthodes respectueuses des normes internationales.
Marché : acteurs, volumes, export et consommation
Avec ses 45 tonnes annuelles, la France se classe parmi les premiers producteurs mondiaux de caviar d’élevage, aux côtés de la Chine et de l’Italie. La filière française, bien que plus modeste, s’appuie sur un haut niveau de technicité et une production intégrée, de l’élevage à la mise en boîte.
Selon l’EUMOFA, la production mondiale d’esturgeons d’aquaculture atteignait environ 115 000 tonnes en 2018, dont une fraction dédiée au caviar.
Les prix varient selon l’espèce et la taille du grain : entre 1 500 et 5 000 € le kilo pour les productions françaises les plus réputées. Plus de 50 % de la production est exportée, notamment vers l’Europe du Nord, le Japon et les États-Unis.
En France, la consommation reste confidentielle mais progresse. Le marché hexagonal du caviar, évalué à 15,3 millions USD en 2024, pourrait atteindre près de 40 millions USD en 2035 selon Market Research Future.
Goûts & usages : profils aromatiques, service et accords
Les caviars français offrent une diversité de textures et de saveurs : grains fermes, arômes de noisette, d’algue fraîche ou de beurre, selon l’espèce et la salinité.
Servi à température de 0 à 4 °C, il se déguste nature, à la cuillère de nacre ou sur un blini tiède, accompagné de crème fraîche, d’un vin blanc sec ou d’un champagne brut — à consommer avec modération.
Les chefs contemporains explorent désormais le caviar dans des usages variés : en touche iodée sur un poisson, dans une émulsion ou pour rehausser un plat végétal.
Attention cependant : seuls les œufs d’esturgeon peuvent légalement être appelés « caviar » ; les autres (truite, saumon, lump, etc.) relèvent des « œufs de poisson » ou « succédanés de caviar ».
À retenir
- La France produit environ 45 tonnes de caviar par an, issue d’esturgeons d’élevage.
- Le berceau historique du caviar français se situe dans l’estuaire de la Gironde.
- Les espèces principales : Acipenser baerii, gueldenstaedtii et Huso huso.
- Plus de la moitié de la production française est exportée.
- Les enjeux actuels concernent la durabilité, le bien-être animal et la traçabilité.

Ecrit par Jean-Sébastien Dufourg
Créateur du site Bordeaux Gazette et Président de l’association.
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