Alors que l’homme a très vite fait appel aux dieux pour essayer de justifier l’injustifiable et souvent l’incompréhensible, l’époque de la Renaissance a consisté en grande partie à s’approprier le monde au détriment de Dieu, à affirmer que le savoir conduisait à la liberté et inversement. A passer de la foi du charbonnier à la connaissance, mais le plus souvent, pour ne pas dire tout le temps, sans mesure ni modération, tant connaissance et culture sont loin d’éviter la barbarie en toutes circonstances.
Nos démocraties modernes en luttant pour les droits des femmes, des homosexuels, pour la laïcité etc … en plaçant l’homme au centre de tout ne cessent de gagner du terrain sur les lois divines, mais avec quel bonheur ?
Histoire de repenser le monde et de faire beaucoup mieux que la nature, les animaux me semblent, quoi que nous en pensions, beaucoup plus en harmonie que les humains que nous sommes avec une planète qui n’a d’ailleurs jamais demandé qu’on la détruise avec persévérance et qu’en même temps on la réinvente chaque jour, sans pour autant la respecter.
L’idée de mettre l’homme au centre de tout, de l’homme mesure de toutes choses chère aux humanistes des lumières, ne constituerait-elle pas une ambition démesurée et peut-être bien aussi le début de la fin de la société humaine.
Société qui en prenant en main les rênes de son devenir, en abandonnant chaque jour un peu plus toute transcendance, en prétendant mieux construire le monde et la vie des humains, n’a de cesse, égoïsme, désir de dominer et avidité obligent, de détruire sa propre maison. De traiter le monde animal comme le ferait le pire des bourreaux et des tortionnaires et la nature comme sa propriété …. Et sous prétexte de libérer l’homme, de lui imposer chaque jour un peu plus de servitudes.
Scenario qui se déroule dans une relative inconscience avec l’assentiment général ou presque de toute la population. Sans aucun doute, l’homme sans humilité accepte mal de ne pas espérer tout maîtriser un jour, ce que certains appellent le progressisme.
Le tout bien sûr à crédit et dans tous les domaines, les dettes écologiques et économiques augmentant chaque jour un peu plus, voire beaucoup plus dans un climat de douce inconscience comblée par la « modernité libératrice ambiante » sans que l’inquiétude face à l’avenir des générations à venir ne soit réellement présente dans les esprits.
Nous nous approchons ainsi sans nul doute tout près du moment où l’affirmation des optimistes n’ayant de cesse de répéter que quoi qu’on fasse tout finit toujours par s’arranger, ne sera plus du tout d’actualité. Le mur est à l’évidence tout proche en ce qui concerne la précarité de la vie humaine sur terre et pourtant l’inconscience douce règne toujours et la capacité de l’homme à rester confiant face au malheur qu’il construit un peu plus chaque jour est à l’évidence tout à fait stupéfiante.
La différence est et restera toujours profonde entre les règles immuables qui régissent la nature et les lois créées par l’homme, modifiables à volonté à son profit ou à ses dépens. L’homme assis sur sa conscience peut ainsi transgresser à sa guise les lois de la nature. Aujourd’hui, en accompagnant notre planète sur le chemin de sa décadence, il est bon de se demander comment les êtres pensants que nous sommes en sont arrivés là ?
Descartes manieur talentueux du rationnel et du doute écrivit à ce propos dans le Discours de la Méthode : « la technique nous aidera à devenir maîtres et possesseurs de la nature ». Etait-ce bien raisonnable ?
Et que dire de la suite. Le XVIII° siècle qui suivit ne fut rien d’autre qu’une libération de l’homme par le biais des connaissances et de la culture, ce qui fut vécu comme une bouffée d’oxygène, une ouverture sur le futur qui déboucha avec la révolution française sur la disparition programmée de la royauté et l’arrivée au pouvoir d’un dictateur génial. En Europe, la révolution industrielle battait son plein. Tout se combina, tout s’enchaîna. L’homme fit alors une OPA sur la nature. Un siècle plus tard, d’outrances en outrances, l’homme ayant maîtrisé la technique de l’infiniment petit à l’infiniment grand se crut tout permis. Toutes les règles de la nature furent systématiquement spoliées. Tous les domaines, sans exceptions, souffrirent d’une expansion exponentielle, faisant comme beaucoup le disent du XX° siècle le siècle exponentiel. Celui :
De la population mondiale qui n’en finit pas d’augmenter.
Des guerres destructives pour satisfaire les ambitions de domination.
Des découvertes scientifiques qui nous égarent.
Des inventions et innovations essentiellement marchandes.
De la multiplication des villes, des métropoles, des mégapoles.
De la pression exercée par l’homme sur les écosystèmes, pression qui a déjà réduit de moitié la population des espèces sauvages et qui se poursuit sans discontinuer.
De la disparition des ressources naturelles et non renouvelables, et dans le même temps, conséquence directe de tous les excès de l’homme, la diversité des plantes et des animaux qui suit une courbe exponentielle inversée, en route vers la disparition.
Comment ne pas constater pour conclure que l’homme grisé par ses victoires, par ses découvertes, n’a pas eu ou du moins très rarement la prudence d’anticiper l’avenir qu’il réservait à sa maison la terre. Auto satisfait, il admire bien trop souvent son propre talent, son propre génie, sa connaissance, se déchaîne dans de multiples activités illusoires, brûle l’immensité des ressources terrestres et tel le fou à la croisée des chemins de l’onirique et de l’erroné risque fort de disparaître au moment où il croit avoir dépassé le Créateur ou du moins la Création.
Difficile dans ces conditions pour l’homme d’écouter le message de la nature et d’en supporter les exigences, tant les connaissances scientifiques ayant depuis plusieurs siècles supplanté toute quête spirituelle, toute connaissance éclairée, celui qui ne fait que rêver de dominer la nature et de la diriger à sa guise ne saurait en être en même temps le responsable et le serviteur.
François Rabelais en son temps, avait déjà tout dit : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Ecrit par Dominique Mirassou
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