Bordeaux
Ancien directeur de l’UFR d’histoire de l’université de Bordeaux Montaigne Jean-Claude Drouin est décédé le 18 mai. Chercheur passionné toujours à l’affût d’une découverte possible, c’était aussi un homme de cœur d’une générosité exceptionnelle.
En juin 1907, lors de la révolte des vignerons du Languedoc, le marquis de Vogüe qui assiste à une manifestation à Montpellier demande à son voisin « mais qui est cet homme ? – un simple » lui répond le vigneron. Et l’académicien écrit dans Le Figaro : « On appelle un simple une pauvre herbe qui a la vertu de guérir des maladies terribles. Il y a de ces herbes parmi les hommes. » Jean-Claude Drouin méritait largement ce beau titre de « simple ». Même si brillant universitaire il avait soutenu, en 1967, une thèse novatrice sur « les Élections législatives du 13 mai 1849 dans l’Aquitaine occidentale ». Un de ces travaux qui montraient que les recherches locales pouvaient éclairer l’histoire générale. Une démarche qu’il entendait poursuivre avec une thèse d’état sur Charles Chesnelong. Député et sénateur d’Orthez, celui-ci fut l’un des chefs du parti légitimiste au XIXe siècle et joua un rôle essentiel dans les relations avec le comte de Chambord. Pour creuser cette piste de recherche Jean-Claude Drouin disposait de sources abondantes. Il aurait pu en tirer de précieux enseignements s’il n’avait pas préféré se consacrer à d’autres recherches destinées à apporter des informations utiles aux candidats des concours du CAPES et de l’Agrégation. Ces renseignements tirés de derrière les fagots grâce à des heures passées dans les bibliothèques ont permis à de nombreux étudiants d’être reçus. Bernard Lachaise, qui est devenu ensuite professeur d’histoire contemporaine et directeur de l’UFR se souvient que « ces petits plus » l’ont bien aidé à décrocher l’agrégation. Jean-Claude Drouin aurait pu exploiter ces informations pour écrire des articles ou des livres.
- J-Cl Drouin présentant un conférencier à la Bibliothèque de Bordeaux
Mais il préféra toujours rester dans le monde de la recherche. Il était en effet profondément attaché à l’université, n’hésitant pas même à prendre des responsabilités pour faciliter son fonctionnement. Maître assistant, puis maître de conférences, et directeur de l’UFR d’histoire à l’Université de Bordeaux III Montaigne, il a joué un rôle de « simple », au sens où l’entendait le marquis de Vogüe. Anne-Marie Cocula, ancienne présidente de Bordeaux III Montaigne, peut témoigner à quel point sa gentillesse et son sens du dialogue ont été utiles pour désamorcer des conflits qui auraient pu nuire au fonctionnement de la fac.
Son action ne s’est pas limitée au seul monde universitaire. Passionné par les Landes et l’Aquitaine, sa région d’adoption, il s’est impliqué dans la vie culturelle et associative. Avec les Amis du lac d’Hossegor, dont il a été l’une des chevilles ouvrières, il a rappelé le rayonnement littéraire de la station landaise. Mais aussi à Bordeaux où il a accepté, dans une période difficile, de prendre la présidence de la Société des Bibliophiles de Guyenne qu’il a contribué à sauver. De même sa générosité l’a amené à participer au redressement de la Société Philomathique.
Oui le discret Jean-Claude Drouin était bien un « simple ». Et sa discrétion constituait une force. Pour guérir des sociétés savantes malades mais aussi pour son travail de chercheur. Insensible aux modes et aux médias, il n’entrait pas dans les querelles d’école. Mettant à profit son sens de l’humour, il n’hésitait pas à sortir des sentiers battus et à avancer des hypothèses audacieuses.

Ecrit par Antoine Lebegue
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