Bordeaux

Quand SARASTRO rencontre SALOME …

Je ruminai, tout en regagnant mon vieux carrosse, partagé entre le plaisir d’avoir vu et entendu à Bordeaux un spectacle lyrique digne de n’importe quelle scène internationale, la satisfaction d’une distribution de haut niveau jusque dans les rôles secondaires, la complexité du sujet où se mêlent sexe, hystérie, inceste, meurtres, et l’intensité sensuelle de la musique de Richard STRAUSS, très bien rendue par un ONBA au mieux de sa forme sous la baguette de son chef, Kwamé RYAN.



Mireille Delunsch
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Sur l’argument d’Oscar WILDE, j’échafaudai de fumeuses théories, je me perdai dans d’improbables uchronies avec tous les « si » que cela suppose : et si Jochanaan – Jean-Baptiste n’était pas mort, à l’instigation de Salomé en délire et si Salomé n’avait pas été tuée sur l’ordre de Hérode malgré ou à cause de sa danse des 7 voiles et si Hérode… quel autre poème aurait écrit Oscar WILDE ? Quelle autre musique aurait composée Richard STRAUSS ? Hou, la la ! Gare à ta tête Sarastro ! Tout et son contraire a été dit, écrit sur le sujet par d’éminents psychologues, musicologues et autres savants en « ogue » ! Cherchez et vous trouverez ! Parle-nous musique, chanteurs, orchestre, acoustique, c’est pour cela que tu es là, non ? Donc, Richard STRAUSS ( 1864-1949), sa musique, Salomé, opéra en un acte ( première le 9 décembre 1905 à Dresde), chef d’œuvre d’une dramaturgie musicale saisissante même en 2013, collant parfaitement à la dramaturgie historico( ?)-biblique, poivrée des fantasmes d’Oscar Wilde. Richard STRAUSS est-il post-romantique ? Franchement, j’ai envie de dire : on s’en fout ! C’est de la musique admirable, originale, nouvelle, et, n’en déplaise aux musicologues pointilleux, chatouilleux, influencée (je ne dis pas inspirée !) par WAGNER ( 1813-1883) : son leitmotiv et ses structures orchestrales, et même par PUCCINI ( 1858-1924) : il y a, par moment, un peu de Tristan ou de Tosca.

Nmon Ford
Site officiel JPEG21

C’est très sensible dans les deux premières scènes de Salomé. Splendeur des cuivres, velouté des cordes quelquefois « à la viennoise » comme un léger souvenir du Chevalier à la Rose. Au fait, les cuivres sont-ils à leur meilleure place dans la fosse, face au public ? Cependant les voix n’ont pas de mal à surmonter l’orchestre que Richard STRAUSS, comme WAGNER, veut très étoffé pour convenir à ses conceptions esthétiques et orchestrales. Les voix justement : nous avons été gâtés. D’une distribution homogène ( je ne peux citer tout le monde), je distinguerai naturellement les quatre principaux rôles tenus remarquablement. Dans le rôle-titre, Mireille DELUNSCH, éblouissante Salomé, ce qui ne peut surprendre. Soprano à la voix capable de toutes les nuances, ayant abordé un vaste répertoire allant de MOZART à WAGNER en passant par DEBUSSY ou POULENC, elle est de toutes les grandes scènes internationales. Elle fut à la hauteur de sa réputation dans un rôle qu’elle tenait pour la première fois. Le ténor autrichien Roman SADNIK dont c’étaient les premières prestations à Bordeaux, a été un Hérode vocalement et scéniquement impeccable que l’on aimerait entendre dans d’autres rôles de son vaste répertoire, chez VERDI ou PUCCINI par exemple. Hedwig FASSBENDER mezzo-soprano allemande, en Hérodiade, fit valoir l’ampleur charnue d’une voix sans faiblesse dans les médiums comme dans les aigus. Elle fut, à Bordeaux, remarquée en 2010 dans « Jenufa » de JANACEK. Le baryton américain, Nmon FORD, dont c’était les débuts à Bordeaux, a fait forte impression en Jochanaan-Jean-Baptiste. Rôle à la fois central et éphémère, il est l’objet et la cause de l’hystérie de Salomé et de la folie d’ Hérode : on lui coupe la tête ! Nmon Ford nous a fait admirer une voix puissante, à la fois sombre et charpentée. Je rêve de l’entendre dans Don Carlos de VERDI ou Germont dans Traviata. La mise en scène de Dominique PITOISET, classique dans sa modernité, se situant dans une période intemporelle, a le mérite non négligeable de laisser s’épanouir la musique sans pour autant minimiser l’importance du « scénario » et de la scénographie.

Hedwigg Fassbender
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Conclusion  : soirée forte, rendue réalisable grâce aux possibilités offertes par l’auditorium. Cette représentation laisse augurer d’autres grandes productions lyriques qui n’empêcheront pas notre splendide Grand Théâtre de poursuivre sa carrière et de remplir le rôle qu’il a toujours brillamment tenu à Bordeaux.
En manière de post-scriptum, deux aigrelettes observations :
- Pour avoir assisté à plusieurs concerts à l’Auditorium, je confirme que l’évacuation du public se fait dans de sérieuses conditions d’embouteillage et que l’accès au vestiaire est, de même, difficile. J’ai personnellement entendu plusieurs spectateurs s’en plaindre. Messieurs les concepteurs de cette belle salle, il ne doit pas vous être impossible d’améliorer le système de circulation.
- Un conseil, enfin, aux exploitants du parking des Grands Hommes : tenez-vous soigneusement informés des dates de concerts de l’auditorium, cela évitera aux spectateurs ayant garé leurs voitures chez vous de poireauter de longues minutes dans les rampes d’accès aux sorties parce qu’une seule de celles-ci reste ouverte la nuit.

Ecrit par Sarastro


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