Bordeaux
L’éco-quartier Ginko voit le jour en août 2010, à deux pas de Bordeaux Lac. Espaces verts, mixité sociale ou services publics séduisent près de 5 000 habitants mais la vie du quartier vert n’est pas si rose.
En août 2015, le balcon d’un immeuble s’effondre. Les questions sur la solidité des bâtiments commencent à se poser. D’autant plus que le projet a été réalisé rapidement sur une friche urbaine de 32,3 hectares, à proximité des berges du lac. Bouygues immobilier, le promoteur a investi 80 millions d’euros dans le projet et il accuse son sous-traitant Snesgo-Ramery. Trois ans plus tard l’image est plus que moyenne pour Ginko. Michel Lutz, expert, se veut toutefois rassurant. Rattaché à la direction technique de la société Saretec, il a expertisé le balcon défectueux. « C’est une malfaçon ponctuelle des travaux. Ça arrive occasionnellement en France. C’est pas parce que c’est un éco-quartier que c’est moins bien réalisé. La construction se fait selon des règlements. Là, il y a une erreur du maçon. Maintenant, le balcon a été reconstruit il y a eu des investigations sur les autres. » Après plusieurs évaluations, quatorze balcons ont été renforcés. Si l’on peut penser que tout est rentré dans l’ordre ce n’est pas le cas. Une mauvaise image colle au quartier. « Tout cela a été construit à la va-vite », maintient Laetitia Dupaquet, mère de famille de 42 ans et locataires d’un T5 depuis 2015.
Le principal atout du quartier est le prix au m² qui se trouve à 3 400 €. « c’est 30 % moins cher qu’aux Chartrons », indique un agent immobilier de Foncia sur le secteur. Les prix attractifs et le parc de 4,5 hectares séduisent les familles de classe moyenne et une poignée de « bobos » qui adorent dire qu’ils habitent dans un éco-quartier. Une grande partie de ces gens sont repoussés au nord de la ville par l’inflation immobilière que connaît la métropole, soit 12 % en 2017. Malgré le label Ecoquartier mis en place par le ministère de la cohésion des territoires ainsi que la qualité de vie supposée, la propreté quotidienne laisse à désirer. Les mégots de cigarettes revêtissent les endroits verts, sacs plastiques ou autres emballages se déplacent au grès du vent. Les incivilités se multiplient : « les gens sont sans-gêne. Limite, il se passe le sel en le jetant par la fenêtre », s’agace Laetitia Dupaquet. « Je n’en peux plus de vivre ici », peste Pierrette, résidente retraitée habitant Ginko depuis six mois. « J’ai des problèmes d’eau et d’électricité. Mon chauffage n’a quasiment pas marché cet hiver. » Ce n’est pas la première fois, puisque en 2016 un problème d’encrassement dans la chaufferie centrale a privé 2.200 logements de chauffage. Pierette n’est pas un cas isolé, tout comme elle, les 5 000 autres habitants de l’éco-quartier exigent des garanties de sécurité et de qualité de vie.
L’appellation « ville quartier » tient debout, le quota de 20 % de logements sociaux garantie la mixité sociale mais le quotidien des riverains n’est pas rose. Pas un jeune à l’horizon. Aux bords du parc Denis et Eugène Bülher où les jeunes enfants accompagnés de leurs parents jouent, les allées sont désertes. Seulement quelques trentenaires et quarantenaires actifs donne une impression de vie. « Ici, c’est plutôt pour les familles », confirme Marion, 35 ans. « Je ne vois pas trop ce que les jeunes viendraient faire ici ». Pharmacie, épicerie, boulangerie, bar, fast-food, cinq commerces se partagent la place Jean Cayrol. « La fréquentation décolle petit à petit », commente la boulangère. « Le quartier est froid » se désespère Pierrette. C’est après un gros quart d’heure dans le quartier que le premier signe de jeunesse apparaît. Comme avec chaque personne de son âge, boire un verre entre amis est un bon moment, à un détail près pour lui. « Si je sors dans les bars ? », se moque Rémi, 24 ans. « Il n’y en a pas ». Ce locataire a emménagé à Ginko un an plutôt avec sa copine, c’est son premier appartement. Comme tous les habitants, il doit rejoindre la Victoire ou les Chartrons pour espérer boire un coup, bien sur il y a le tram, mais quand même. En décembre 2019, un centre commercial verra le jour et 2.000 nouveaux habitants sont attendus dans ce gigantesque éco-quartier. La fin des travaux est prévue pour 2020. Espérons que les futurs habitants apporteront une plus-value à Ginko mais c’est pas gagné !
Ecrit par Thomas Lalande