À seulement trois heures de Bordeaux, le Festival de Jazz de Saint-Sébastien (Jazzaldia) attire chaque été des milliers d’amateurs venus de toute la France et d’Europe. Facile d’accès et ancré dans un lieu exceptionnel, véritable trésor de la côte basque espagnole, cet événement de dimension internationale offre une expérience unique mêlant patrimoine local, collaborations régionales et rayonnement artistique mondial.



Une institution du jazz européen depuis 1966

Festival Jazzaldia 2025 à Saint-Sébastien
De nombreux concerts gratuits sur la plage
© photo Oihana Marco

Fondé en 1966, le Festival de Jazz de Saint-Sébastien, ou Donostiako Jazzaldia, célébrait en 2025 sa 60ᵉ édition, renforçant son statut de plus ancien festival de jazz d’Espagne et l’un des plus anciens du continent. Sa longévité repose sur une programmation mêlant grandes légendes et jeunes talents. Au fil des décennies, la Plaza de la Trinidad, l’Auditorium du Kursaal ou la plage de la Zurriola ont accueilli des icônes : Miles Davis, Bob Dylan, Gloria Gaynor, Van Morrison, Bill Coleman, Chick Corea, Patti Smith, Gregory Porter… ou, cette année encore, Jamie Cullum, venu fêter l’anniversaire du festival avec deux concerts exceptionnels.

Festival Jazzaldia 2025 à Saint-Sébastien
Le Britannique Jamie Cullum a donné un concert gratuit sur la plage

En 2025, d’autres têtes d’affiche internationales étaient présentes : Dee Dee Bridgewater, Brad Mehldau, Marc Ribot, Dave Holland, Hermeto Pascoal, Steve Coleman, The Beach Boys, EXTC, Judith Hill, Crystal Murray, The War and Treaty, confirmant la capacité du Jazzaldia à conjuguer héritage et éclectisme.

Un festival né sous Franco, espace d’ouverture et d’échanges

Lorsque le Festival de Jazz de Saint-Sébastien voit le jour en 1966, l’Espagne est encore sous la dictature franquiste. Dans un pays alors fermé aux influences extérieures, marqué par la censure et l’isolement culturel, la création d’un festival dédié au jazz une musique considérée comme subversive par le régime, constitue une véritable audace.

À l’époque, la vie culturelle espagnole est étroitement contrôlée, et toute manifestation d’ouverture vers l’étranger reste surveillée. Or, le jazz incarne la liberté d’expression, l’improvisation et l’esprit d’émancipation. Faire venir à Saint-Sébastien des artistes venus non seulement des États-Unis, mais aussi d’Europe de l’Est, relevait du défi. Pourtant, le Jazzaldia parvient à s’imposer comme un îlot de tolérance, un rendez-vous où l’on pouvait découvrir des courants musicaux alors rares en Espagne.

Pour de nombreux amateurs et musiciens locaux, le festival représente un souffle d’air, un moment d’ouverture sur le monde, mais aussi une forme de résistance culturelle. Ce rôle d’avant-garde s’affirme dans le contexte de la guerre froide : Saint-Sébastien devient, le temps du festival, un espace de dialogue, accueillant des artistes des deux blocs. Après la mort de Franco, le festival a conservé cette vocation d’ouverture, tout en affirmant son ancrage dans la tradition basque et européenne du jazz.

Jazzaldia 2025
Jessie Gordon Quintet et Enric Peidro (saxophone ténor)
© photo Oihana Marco

Une ville transformée, une diversité de scènes

Douze scènes ont animé cette 60ᵉ édition, investissant toute la ville :

Jazzaldia 2025
La plage Zurriola
© photo Oihana Marco
  • Plaza de la Trinidad, lieu fondateur du festival ;
  • Auditorium du Kursaal, écrin des grandes soirées ;
  • Théâtre Victoria Eugenia, pour les concerts les plus intimistes ;
  • Terrasses du Kursaal (Frigo Gunea et Fnac Gunea), qui offrent une vue sur la mer et de nombreux concerts gratuits ;
  • Keler Gunea, sur la plage de Zurriola, scène la plus populaire ;
  • Náutico (Nauticool), terrasse en front de mer pour les sessions DJ ;
  • Chillida Leku, musée unique conçu comme une grande œuvre d’art, où art et nature fusionnent dans un parc exceptionnel imaginé par Eduardo Chillida, figure majeure de la sculpture espagnole du XXe siècle ;
  • Hôtel María Cristina, place San Juan d’Irún, parmi d’autres lieux investis.

Ce maillage permet à tous, festivaliers comme habitants, de vivre le jazz au cœur de la ville, dans la diversité des formes et des espaces.

Focus sur les artistes locaux et la scène basque

En 2025, 88 concerts ont été proposés sur 12 sites, dont 51 gratuits. Le festival a une nouvelle fois mis en avant la scène locale, avec 31 formations basques à l’affiche.
Parmi les groupes de Saint-Sébastien et du Pays basque, on note la présence d’ARIMA SOUL, un projet né en 2020 à Zarautz. Porté par le DJ et producteur Mikel Unzurrunzaga Schmitz (DJ Makala) et la chanteuse Lidia Insausti, Arima Soul mêle soul, funk, R&B, disco et jazz-groove, avec un répertoire original chanté en basque et des reprises raffinées, notamment de Marie “Queenie” Lyons.(https://arimasoul.wordpress.com/)

Autre figure marquante, Itziar Yagüe. Après dix ans à la tête de groupes madrilènes éclectiques, elle s’est imposée en tant qu’autrice-compositrice avec « Delicious » (2020), un album salué pour la fraîcheur de ses compositions et son ancrage dans les sonorités afro-américaines. Son talent a été récompensé par le prix de la meilleure chanteuse 2021 du magazine Enlace Funk (www.itziaryague.com).

On retrouve également le pianiste blues Paul San Martín, figure récurrente du festival, qui s’inspire d’influences telles qu’Alan Price, Jerry Lee Lewis, Memphis Slim, Dr John ou Professor Longhair. Il a partagé la scène avec de grands noms du blues international comme Nico Wayne Toussaint, Lluís Coloma, Billy Boy Arnold et bien d’autres (www.paulsanmartin.com).

Festival Jazzaldia 2025 de San Sébastian
Paul San Martín et Itziar Yagüe
© photo Oihana Marco

Le Jazzaldia confirme ainsi sa vocation : être à la fois une plateforme pour la scène locale et une vitrine internationale. JazzEñe, la sélection annuelle des nouveaux talents espagnols, et la forte représentation régionale en sont la preuve.

Fréquentation et démocratisation : un succès populaire

Le Jazzaldia continue de battre des records d’affluence : en 2025, 179 180 spectateurs ont répondu présent, toutes générations confondues, malgré une météo parfois capricieuse. Les concerts gratuits sur la plage ou les terrasses (Jamie Cullum, The War and Treaty, Anari, EXTC, Judith Hill, Crystal Murray, Bulego, Sidonie…) ont permis au plus grand nombre d’accéder à des artistes de premier plan. De Dee Dee Bridgewater à B.B. King, en passant par Patti Smith ou Bobby McFerrin, le festival reste fidèle à sa mission de démocratisation de la culture.

Festival Jazzaldia 2025 à Saint-Sébastien
The War and Treaty, le duo américain composé des auteurs-compositeurs-interprètes Michael Trotter Jr. et Tanya Trotter.
© photo Oihana Marco


Festival Jazzaldia 2025 à Saint-Sébastien
Anari est une artiste complète, auteure-compositrice et interprète.
© photo Oihana Marco

À noter pour les lecteurs bordelais : le Rocher Palmer à Cenon, grande salle dédiée aux musiques actuelles en métropole bordelaise, est partenaire du Jazzaldia. Un partenariat qui illustre le lien croissant entre les scènes du Sud-Ouest français et du Pays basque espagnol.

Txikijazz : transmettre le jazz aux familles

La 13ᵉ édition de Txikijazz a proposé cinq concerts et de nombreux ateliers pour les 0-14 ans et leurs familles, du 22 au 27 juillet. De Claire Martin à Old School Funky Family, en passant par The Amy Winehouse Band, la jeune génération a pu découvrir le jazz en s’amusant, sur trois scènes : Tabakalera, Chillida Leku et les terrasses du Kursaal. Ces initiatives confirment l’engagement du festival en faveur de l’éducation artistique.

Le bar Altxerri, la renaissance d’un lieu emblématique

Après sa fermeture, le bar jazz Altxerri a rouvert avec de nouveaux gestionnaires et une programmation renouvelée. Véritable repère de la scène locale, il accueille désormais concerts, jam sessions et événements pendant le festival, favorisant la rencontre entre artistes invités et musiciens basques. Ce retour s’inscrit dans la vitalité retrouvée de la vie nocturne jazz à Saint-Sébastien.

Les OFF du Festival Jazzaldia 2025 à Saint-Sébastien
Les Jam Sessions du Bar Jazz Altxerri
© photo Oihana Marco

Une exposition pour les 60 ans : mémoire vivante du Jazzaldia

Le musée San Telmo a accueilli une grande exposition photographique retraçant six décennies de Jazzaldia. Le photographe Lolo Vasco, photographe officiel du festival depuis 2000 et directeur artistique de l’exposition, a réuni autour de lui le travail de 15 autres photographes pour offrir une immersion dans les archives du festival : portraits, moments de scène, images de foule… Un véritable parcours d’émotions, qui souligne l’évolution du festival et sa capacité à tisser du lien générationnel (www.lolovasco.com).

Festival Jazzaldia 2025
Exposition photos au musée San Telmo

Un festival régional et mondial, ancré et ouvert

Soixante ans après sa création, le Festival de Jazz de Saint-Sébastien reste un pilier de la scène culturelle basque et internationale. Il attire chaque été un public fidèle venu de Bordeaux, du Sud-Ouest et d’ailleurs, et continue d’écrire l’histoire du jazz en Europe. Jamie Cullum, fidèle au Jazzaldia, avait déjà exprimé son attachement à ce festival pour «  l’énergie et la chaleur du public basque  », selon la presse locale. L’atmosphère unique du festival, où les artistes et le public se rencontrent au cœur de la ville, a une nouvelle fois marqué cette 60ᵉ édition.

Une expérience à vivre, encore et toujours, de chaque côté des Pyrénées.

Saint-Sébastien
Couchée de soleil sur la Baie de la Concha
© photo Oihana Marco


Site officiel du festival : https://www.jazzaldia.eus/fr/

Ecrit par Oihana Marco

Photographe, psychologue et anthropologue.
https://www.oihanamarco.com

Ecrit par Jean-Sébastien Dufourg

Créateur du site Bordeaux Gazette et Président de l’association.


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