On ne refait pas l’histoire
"On ne refait pas l’histoire", le troisième et dernier chapitre. Des enfants adoptés par un étrange médecin se posent des questions sur leurs véritables parents.
Napo qui venait de plaquer au sol la grand-mère indigne réussit à lui dire :
On ne peut pas te laisser partir, tu es notre otage.
Ramdam et Cléo se regardèrent étonnés. Cléopâtre s’exclama enchantée :
Quelle bonne idée !
Napo se releva, tout essoufflé, la vieille femme obèse apeurée ne bougeait pas.
Elle est méchante, cela fait longtemps qu’elle me donne des coups de bâton et j’avais envie depuis toujours de faire ça.
On ligota grand-maman, elle fut bâillonnée et enfin, on la conduisit vers la remise. Pour cela ils s’aidèrent de la brouette. Ce ne fut pas facile, elle se trémoussait beaucoup manquant plusieurs fois de faire chavirer l’embarcation. À peine la porte refermée, ils virent la tête affolée de Tess. L’ainée de cette étrange fratrie avait grandi en s’occupant avec amour de ceux qu’elle considérait comme ses frères et sa sœur, visiblement elle désapprouvait cette manœuvre si violente.
Qu’est-ce que vous faites mes chéris, le maître se demande où vous êtes.
Ramdam contempla sa grande sœur. Il fit un signe à Cléo.
Elle n’a pas deviné, il est temps de la mettre au jus.
Quel jus ? Vous avez soif ? Je vais vous chercher quelque chose j’ai fait de la citronnade, ça vous dit ?
Cléo regarda sa grande sœur et jugeant qu’elle était plus forte qu’elle ne le paraissait commença :
Ma pauvre Tess, je me suis renseigné, je sais qui tu es.
Cléopâtre scrutait les yeux de Tess.
Comment cela ? Je sais qui je suis : Tess, la femme de ménage de Monsieur.
Napo soupira.
Si moi je me demande si je suis vraiment apparenté à Napoléon, toi c’est sûr que tu es une sainte, tu es trop mignonne ma grande sœur !
Cléo commença :
Tu te souviens quand le vieux t’a donné la biographie de Sainte Thérèse de Lisieux et qu’il te regardait en te demandant ce que tu en pensais ?
Tess regardait curieusement les enfants. Cléo mit la jeune fille dans le secret. Aucune larme ne fut versée, Tess s’avéra effectivement un esprit plein de force, elle lâcha quand même :
Quel pourri ! Il disait qu’il me faisait la charité en me donnant le gite et le couvert contre mes heures de ménage. Mais que faisiez-vous ? Grand-mère est là ?
Dit-elle en voyant les plants de tomates écrasés, c’est à ce moment-là que leur créateur choisit d’arriver.
Que faites-vous ici ? Mais ! Vous chapardez ! Où est Mamie ?
Dans le placard aux outils !
Répondit innocemment Cléo. Elle ajouta :
Je crois qu’elle cherchait quelque chose.
Maman, où es-tu ?
Flairant quelque embrouille, le faux père s’adressait à la porte fermée. Pendant ce temps, les enfants s’éloignèrent en courant pour finir d’accomplir leur dessein, c’est-à-dire partir pour de longues vacances dans un pays qui pourrait bien être le leur, en tout cas celui de Ramdam et Cléo.
Tess qui s’inquiétait quand même pour la grand-mère, s’arrêta derrière la remise et tendit l’oreille. Le génie libéra sa mère qui complètement affolée lui dit :
Il faut les rattraper, ils vont te dénoncer !
Un instant décontenancé, Théocrates répliqua :
N’ai pas peur, ils ne feront rien, et de toute façon, je les ai programmés pour qu’ils s’arrêtent à la fin de l’année.
Comment ça, ils s’arrêtent ?
Eh bien oui, dans leur génome j’ai installé une petite bombe à retardement, si
tu veux ils n’ont plus que quelques mois à vivre.
Tous ?
Oui enfin non, pas Tess, elle est utile, une femme de ménage gratos, c’est quand même bien. Je n’y ai pensé que pour les petits, je me doutais qu’ils seraient peut-être une source d’ennuis, vu leurs pédigrées. On dira qu’ils ont attrapé un mauvais rhume. Laisse-les, de toute façon personne ne les croira. Au contraire, j’en avais fini avec eux, bon débarras !
C’était bientôt l’heure du thé et la mère et le fils s’éloignèrent vers le salon où ils savaient qu’il était servi. Tess toujours cachée n’osait plus bouger. En était sidérée. Enfin ? elle allait rejoindre les enfants quand elle décida de faire un crochet vers le laboratoire du maitre. Elle prit la fiole transparente aux allures innocentes qui avait servi à anéantir la souris. Toujours en douce, elle fila à la cuisine. Le pot à lait qui servait à adoucir les effluves amers de la chicorée du matin était là. Elle vida consciencieusement tout le liquide dans le pot et partit rejoindre les petits. Elle pensa, tout en s’éloignant que cette vilaine paire de vieux rats ne ferait bientôt plus de mal à personne.
Elle retrouva les enfants bien décidés à prendre le métro pour l’aéroport. Ils n’avaient pas récolté autant d’argent qu’ils auraient voulu et montrèrent leur trésor à Tess. Celle-ci émue, au bord des larmes eut le courage de leur dire :
Nous irons moins loin, au bord de la mer et nous prendrons de belles vacances. Ne vous inquiétez pas, et l’année prochaine, nous trouverons de l’argent pour partir plus loin.
« Ils vont avoir besoin de moi », pensa-t-elle.
FIN.
(Illustration Jean Camille )
Ecrit par Marie-Laure Bousquet
Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk