Bordeaux
C’est en 1815 à Lyon que tout commence avec la naissance d’Etienne-Paul-Jean Guérin qui s’installera à Bordeaux en 1853. Après avoir présenté Polichinelle sur les Allées de Tourny, il fondera « Le Guignol Guérin » dans la plus pure tradition lyonnaise voulue par l’inventeur de l’impertinent et anarchisant Guignol, Laurent Mourguet.
Le Guignol et le fascinant Théâtre Saint-Antoine
En 1858, Etienne Guérin crée également sur les allées de Tourny où à l’époque se tenaient les foires, le Théâtre Saint-Antoine qui mesure 25 mètres de long et présente un spectacle féerique de marionnettes à fils. Ses fils et petit-fils, André et Joseph, fildefériste qui joue la pantomime, vont se produire au casino Mauresque d’Arcachon. Les années 1900 voient l’apparition des marionnettes à transformation qui subjuguent les enfants, mais aussi l’entrée du Guignol Guérin sur les prestigieux paquebots transatlantiques tels le Massilia et le Lutetia. Joseph, désormais marionnettiste de renommée mondiale, va mourir à l’âge de 51 ans, en pleine gloire, très affaibli suite aux gazages subis durant la guerre 14-18, c’est son fils Fernand qui voyageait déjà avec son père dès l’âge de 15 ans, qui va prendre la relève. Le théâtre Saint-Antoine rejoint la place des Quinconces et Guignol le jardin-public. Les croisières continuent et les tournées d’été à Royan, Biarritz, Arcachon connaissent un grand succès.
L’art des marionnettistes soumis à la censure
Cet art de saltimbanque restera chez les Guérin une affaire de famille. Aussi passionné que ses ancêtres par l’art de la marionnette, Fernand, autodidacte, va s’instruire en consultant la littérature et les musiques d’opéra pour créer des parodies. Cette forme d’art, n’étant pas reconnue, est soumise au contrôle et à la censure : les manuscrits, pour être joués en public, doivent être tamponnés par la préfecture !!!
Les spectacles vont s’installer sur la place de la gare à Arcachon, dans les jardins du Casino de Royan, sur la plage de Pontaillac, et à Bordeaux sur l’avenue Thiers, cependant le grand conflit mondial approche. Evadé de captivité, Fernand Guérin va se réinstaller à Bordeaux, Guignol et le Théâtre Saint-Antoine reprennent vie avec des séances gratuites pour les soldats et anciens combattants. Il va y consacrer toute son énergie d’autant qu’après la guerre, l’ère des spectacles sur les paquebots de croisière est terminée.
La Saga continue
En 1947, Fernand épouse Simone-Rachel Naxara qui gère la comptabilité et élève les trois garçons, Patrick, Philippe et André qui vont perpétuer le répertoire lyonnais et se produire aussi bien à Bordeaux qu’en France ou à l’étranger. Titulaires de la Médaille de la ville de Bordeaux, nommés Chevaliers des Arts et Lettres, un contrat signé en 1985 avec la mairie va permettre à la sixième génération des Guérin (Alexandre, fils d’André et David, fils de Philippe), de jouer Guignol au jardin public et au parc bordelais.
Entretien avec André Guérin
L’œil malicieux et le regard pétillant dès qu’on lui parle de marionnettes, André Guérin voit dans les charmes de la vie de saltimbanque les raisons qui ont poussé les générations successives de sa famille à continuer.
Il poursuit : « Bien sûr, le style de Guignol et les personnages qui l’accompagnent ont dû évoluer, nous sommes passés ainsi de Clémenceau à Chaban puis à Juppé …. L’ étonnement des enfants dépend beaucoup de l’éducation qu’ils ont reçue … Il y a 20 ans, notre public comptait une majorité de garçons, désormais c’est une majorité de filles …. Certains enfants, imprégnés par le virtuel, ont parfois peur face au spectacle …
Depuis plus de 150 ans, avec talent, cœur et passion, la famille Guérin a transmis à tous les bordelais petits et grands, la magie de Guignol, ce personnage rebelle et poétique qui, bien qu’importé de Lyon, est devenu grâce à eux complétement bordelais. De quoi se demander d’ailleurs si celui qui ne connaît pas Guignol et la famille Guérin, est vraiment bordelais ???
Ecrit par Dominique Mirassou