Bordeaux
L’art n’a pas de frontière dit le proverbe. C’est vrai géographiquement, esthétiquement, chronologiquement. Et c’est encore vrai entre ses multiples expressions. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Venise en compagnie d’un excellent ami. C’était, faut-il le dire, au château Labottière à Bordeaux mais la Cité des Doges était bien présente et les souvenirs des trois visites que j’y fis, trop courtes hélas, affluèrent vite de ma mémoire.
La musique d’ailleurs y trouvait son compte que l’on pense à Vivaldi, natif de Venise, à Mahler et à l’adagio de sa 5ème symphonie, ou au sublime théâtre de la Fenice où l’art lyrique est chez lui. Enfin, c’est entendu ! Monsieur Bernard Magrez est un mécène inspiré, éclairé, éclectique et, probablement, bien conseillé. Il faut aller voir cette exposition « Rêves de Venise ». Vous y trouverez matière à vous enthousiasmer, vous questionner, vous agacer, le tout présenté dans les deux pièces lambrissées de ce merveilleux écrin d’un authentique château XVIIIème. Je suis, quant à moi, amateur de toutes formes d’art et, donc, d’art pictural ou visuel. J’aurais aimé dire « amateur éclairé » mais, dans ce qui n’est pas mon domaine, je souhaite rester modeste, me contentant d’aimer, de ne pas aimer, détester.
Ne pas être indifférent en tout cas et en parler volontiers. C’est ainsi que j’entrai au château Labottière, prêt à rêver de Venise, de ses masques et bergamasques, de ses mystères, de son histoire, de ses artistes. Disons prosaïquement que je rêvassais !
Association d’idées : il me revient, au moment où j’écris ces lignes, qu’une amie très chère est en train de visiter la « Venise du nord », Bruges la flamande , ses canaux et ses peintres… , Sympathies ? Affections électives ? Nous en étions au sud teinté d’Orient, à Labottière, pour un temps, Venise bordelaise. Décidément un brin nostalgique, je me suis précipité sur Canaletto, sa douane de mer et sa piazzeta ; de rares longues minutes, cela a parlé à mes yeux, à mon cœur… J’y suis revenu juste avant de sortir. Mais l’art moderne et contemporain m’appelait et une transition en douceur s’imposait. Elle s’est nommée Giacometti, son navire à Venise et son buste d’Annette, puis Massimo Vitali et son photomontage place Saint Marc, Palais des Doges, Tour Eiffel, touristes… Zoran Music et ses ombres chères vénitiennes, Braco Dimitrijevic et son triptyque post-historique et Jean-François Rauzier et ses hyper-photos… quelques préférences, en somme, autrement dit, choix empiriques de l’amateur. Mais il y a une quarantaine d’œuvres exposées, impossible de les commenter une à une, d’autant que, pour chacune, une notice est aimablement fournie avec biographie de l’auteur, explication de l’œuvre si nécessaire, intentions de l’artiste, etc… Quelques célébrités, pour mémoire : Bernard Buffet, Agnès Varda, Yves Klein, d’autres encore sont présentes. Venez donc, voyez et jugez vous-mêmes ! Peintures, photographies, sculptures, vidéos, installations, vous pourrez exercer votre sens critique. Je ne fus pas gêné d’y succomber moi-même, honteux toutefois d’un obscurantisme que j’espère passager face à deux œuvres ( ?) :
- la première, une installation de Félix Gonzales-Torres (artiste cubain décédé en 1996), sans titre – untitled, dit la notice – mais avec un sous-titre « Bonbons enveloppés dans du papier doré ». J’avoue, oui, j’avoue ne pas avoir perçu le sens caché de l’ouvrage, me rassurant un peu en me disant qu’il n’y avait probablement rien à percevoir.
- La seconde, intitulée « Larmes » dont le coupable est Claude Lévêque (nivernais, vivant celui-là) , représente un capot de voiture rouge, néon rouge ( tremblotant). L’auteur lui-même indique qu’ « une œuvre est réussie si celui qui la regarde ne la supporte pas plus de trois secondes ». Etant resté nettement plus longtemps, je conclus que c’était une œuvre ratée, un peu comme la tarte Tatin !
Après un pèlerinage devant les Canaletto, nous sortîmes, mon excellent ami et moi en échangeant longuement nos impressions. J’avais bien une histoire sur le bout des lèvres : elle concernait Musset et George Sand pendant leur séjour à Venise au célèbre hôtel Danieli. Je la lui raconterai une prochaine fois. A vous aussi !
Rêves de Venise
Exposition d’Art Contemporain
23 mars > 21 juillet
14 h à 19 h, du mercredi au dimanche
tarif 7 €
Post-Scriptum. – Veuillez noter que Bernard Magrez prête un splendide Stradivarius (un « strad » comme disent les violonistes) au jeune Matthieu Arama, co-soliste de l’ONBA.
Ecrit par Sarastro