Le père, la fille, le pouvoir

Tant par sa violence, son éternelle nostalgie d’un passé colonial et guerrier, son racisme, son culte de la force, son goût prononcé pour l’exclusion, son rejet de l’Europe et en fait de tout ce qui est contemporain, le « père » du Front National caractérise on ne peut mieux, le nationaliste, antisémite, xénophobe, nostalgique du fameux temps des colonies. Pas mal de commentateurs lui reconnaissent cependant sincérité et courage, une excellente culture générale et politique, ainsi que d’indéniables talents d’orateur, allant jusqu’à dire que le personnage est beaucoup plus intéressant en privé qu’en public, capable d’une vraie finesse, courtois : il reste cohérent malgré de nombreux dérapages aussi haineux et insupportables que faussement incontrôlés, disent-ils …. Champion de la transgression et de la provocation, selon tous les commentateurs, il n’a jamais aspiré vraiment au pouvoir mais s’est toujours acharné à illustrer avec violence les peurs des français, peur du déclin, insécurité, déclassement du pays, immigration, etc …. Alain Duhamel dira à son propos : « Il était devenu comme un fauve jamais apprivoisé mais néanmoins familier, recherchant une forme de considération paradoxale. »

Jean-Marie Le Pen

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Bien que moins charismatique et certainement moins cultivée que son père, Marine Le Pen fait un parcours politique plus que satisfaisant. A un électorat avec Jean-Marie Le Pen, souvent de circonstance, populaire ou petit bourgeois plus ou moins fanatisé selon les événements, parfois issu de l’extrême gauche, s’est substitué avec sa fille, un électorat majoritairement populaire, faisant du Front National le premier parti ouvrier de France. Ce sont en effet les couches les plus modestes du pays, couches qui souffrent et craignent de plus en plus l’avenir, qui constituent l’essentiel de l’électorat FN. Face à ce sentiment d’anxiété populaire et d’immense incertitude et de plus, en pleine crise économique, elle propose une politique forte et sans complexes, car, contrairement à son père qui aura vécu dans le passé, la fille espère pouvoir dans l’avenir accéder au pouvoir. Plus question de nostalgies, de rancœurs et des déclarations fascisantes du père, elle attend son heure et le repli sur la nation tant elle pense et souhaite que l’Europe va exploser. A un père décrivant souvent avec violence les symptômes de la maladie du pays, succède une fille qui prétend posséder les remèdes et c’est pourquoi le discours doit impérativement changer.

Au centre, Florian Philipot, à droite Steeve Briois.

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Un masque ?

Quels que soient les coulisses du scénario de rupture entre le père et la fille, pour tous ceux qui conviennent de la dangerosité du FN, il semble bien que Marine Le Pen n’est pas moins dangereuse que son père et même peut-être, encore plus redoutable. Tantôt d’une radicalité maîtrisée, tantôt quelque peu brutale et simpliste, sa quête de respectabilité est étroitement liée au désir de transformer un parti essentiellement protestataire en un parti crédible quant à sa capacité de gouverner. Passer d’un parti historiquement extrémiste à un parti populiste moderne beaucoup plus acceptable risque bien de rester une illusion, mais exige la rupture à laquelle nous assistons. Une majorité de français ne voulant pas d’un parti extrémiste à la tête du pays, Marine Le Pen dans l’incapacité de trouver des alliés semble cependant avoir épuisé le réservoir de ses supporters potentiels.

Et pendant ce temps là …..

Alors que l’opposition, toujours aussi étrangement éloignée des préoccupations quotidiennes des français, s’est mise en quête non sans jubilation, d’un nouveau nom, « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait une étiquette neuve ! », projet qui n’intéresse quasiment personne dans notre pays et qui le plus souvent irrite ……

Nos gouvernants quant à eux, en mal d’une ligne claire, d’une quelconque cohésion et de réformes susceptibles de laisser entrevoir un avenir moins morose, n’ont de cesse de brandir le danger représenté par le FN avec une force de conviction qui semble bien leur manquer par ailleurs.

Faut-il rappeler à tous que souligner les défauts et tares de l’autre n’a jamais rendu personne meilleur et qu’à force de n’exceller que dans ce domaine, l’impensable pourrait finir par se produire.