Trouver un cadeau de Noël qui surprenne vraiment n’est jamais simple. Chaque année, on se promet d’éviter les objets interchangeables ou les idées de dernière minute, mais la recherche d’un présent à la fois personnel, culturel et durable finit souvent par virer au casse-tête. Pour celles et ceux qui aiment les images, les récits et les voyages immobiles, le livre photographique s’impose pourtant comme un terrain de découverte infini. Feuilleté au calme d’un salon, offert au détour d’un repas familial, il raconte bien plus qu’un sujet : il révèle un regard.

Dans un monde saturé d’images éphémères défilant sur nos écrans, un livre de photographie offre une expérience rare : la possibilité de ralentir, de contempler et de ressentir. Chaque page devient un espace intime où l’image retrouve sa profondeur, sa texture et son silence. Posséder un tel livre, c’est s’accorder le luxe de redécouvrir le monde avec un regard neuf, loin du flux numérique, et de conserver un objet tangible qui traverse le temps. C’est aussi acquérir une véritable œuvre d’art, pensée, composée et imprimée avec intention.

À Bordeaux, cette quête trouve un écho particulier à la MAP Galerie & Librairie Photographique, installée au 13 rue du Professeur Demons, à deux pas du Jardin Public. La galerie, déjà reconnue pour la qualité de ses expositions consacrées à la photographie documentaire et au reportage, s’est récemment dotée d’une librairie spécialisée, première du genre en ville. Une ouverture que Bordeaux Gazette a suivie lors de son inauguration, tant elle représente une nouvelle respiration culturelle dans le paysage bordelais. Pour accompagner cette période de fêtes, son fondateur, Sergio Corona, propose une sélection d’ouvrages aussi exigeants qu’accessibles, pensée comme une invitation à offrir du temps et du regard.

Don McCullin – The Stillness of Life

Photographe de guerre parmi les plus respectés du XXᵉ siècle, Sir Don McCullin a longtemps été associé aux images de conflits, de famines et de catastrophes. Avec The Stillness of Life (110 €), publié chez GOST Books à l’occasion de ses 90 ans, il rassemble pourtant des paysages et des natures mortes réalisés au fil des décennies, dont une grande partie n’avait jamais été publiée.

Entre collines du Somerset, ciels bas, arbres dénudés et compositions d’objets éclairées comme des tableaux, le livre compose un ensemble profondément méditatif. On y retrouve la même exigence formelle que dans ses reportages, mais au service d’une quête plus intérieure : transformer l’ombre laissée par la violence en images de silence et de contemplation.

Ragnar Axelsson – Arctic Heroes

L’Islandais Ragnar Axelsson consacre depuis plus de trente ans son travail aux peuples du Grand Nord et à leurs chiens de traîneau, compagnons indispensables dans ces territoires extrêmes. Dans Arctic Heroes (72 €), il donne visage aux éleveurs, chasseurs et attelages qui continuent de vivre au rythme de la glace et des saisons. Ses noirs et blancs contrastés, très graphiques, racontent autant la beauté des paysages arctiques que la fragilité d’un mode de vie menacé. Son style documentaire, à la fois direct et empathique, confère au livre une portée universelle : celle d’un hommage à des communautés en première ligne face au changement climatique.

Franco Zecchin – Continent Sicile

Né à Milan, Franco Zecchin s’est immergé en Sicile à partir du milieu des années 1970, au moment où l’île est secouée par la « guerre des mafias ». En 1988, il devient membre « nominé » de l’Agence Magnum, il y mène un travail de long cours, entre 1975 et 1994, mêlant scènes de rue, manifestations, procès et moments du quotidien. Continent Sicile (35 €), publié par Contrejour, rassemble une centaine de ces images en bichromie.

Le livre porte la trace d’un double engagement : esthétique et politique. On y perçoit la violence des règlements de comptes, mais aussi les mobilisations citoyennes, les cortèges, les enterrements, les visages anonymes qui se dressent contre l’emprise mafieuse. La Sicile y apparaît comme un territoire à part entière, un « continent » où se croisent mémoire, résistance et critique sociale.

Masahisa Fukase – Sasuke

Figure majeure de la photographie japonaise, Masahisa Fukase est surtout connu pour Solitude of Ravens, livre sombre et introspectif. Avec Sasuke (49 €), il se tourne vers un sujet plus intime : son chat. À travers cette présence animale, compagnon de studio et de vie, Fukase explore les variations du quotidien, les jeux de lumière, les cadrages inattendus.

Les images, en noir et blanc, oscillent entre tendresse et étrangeté. Elles composent un portrait indirect de l’auteur, où le chat devient prétexte à expérimenter, à troubler la frontière entre scène domestique et poésie visuelle. Un livre à la fois accessible et exigeant, qui révèle une autre facette de cet immense photographe.

Martin Parr – Chew Stoke

Avant d’être associé aux couleurs saturées et à la critique ironique de la société de consommation, Martin Parr a longuement photographié l’Angleterre rurale. Chew Stoke (55 €), publié par Maison CF, revient sur une série réalisée dans un village du Somerset au début des années 1990, mais restée longtemps inédite.

Contrairement à l’idée que l’on se fait parfois de ses débuts, il s’agit ici d’une série en couleurs, l’une des plus marquantes de son travail vernaculaire. Repas dominicaux, matchs de cricket, pubs, fêtes locales : Parr y capture le quotidien avec un mélange d’humour et de précision, composant une chronique villageoise où l’esprit britannique se lit dans les détails.

Vite di Corsa – La bicyclette et les photographes de Magnum

Publié en écho à une exposition organisée au Castello di Caldes, dans le Trentin, Vite di Corsa (34 €) rassemble des images de photographes de l’agence Magnum qui ont suivi le monde du cyclisme, des pionniers comme Robert Capa jusqu’aux générations plus récentes incarnées par Alex Majoli.

On y découvre des scènes de courses, des portraits de champions, des foules massées le long des routes, mais aussi des instants plus calmes en coulisses. La bicyclette devient le fil conducteur d’un récit qui traverse les décennies et les styles : du noir et blanc classique aux couleurs contemporaines, le livre offre une plongée dans l’imaginaire visuel du vélo, entre effort, passion populaire et culture sportive.

Alexis Pazoumian – Faubourg Treme

Photographe franco-arménien, Alexis Pazoumian développe un travail documentaire marqué par une forte proximité avec les communautés qu’il photographie. Avec Faubourg Treme (37 €), paru chez André Frère, il s’attache au quartier Treme de La Nouvelle-Orléans, haut lieu de la culture afro-américaine, du jazz et des luttes pour les droits civiques.

Réalisées une dizaine d’années après l’ouragan Katrina, ses photographies en couleur montrent un territoire en reconstruction, porté par la musique et la vie de rue. Portraits posés, scènes de carnaval, répétitions, façades marquées par le temps : le livre décrit un quartier meurtri mais vibrant, où la combativité des habitants se lit dans chaque geste. Pazoumian y compose un récit sensible, nourri d’empathie, qui interroge les liens entre mémoire, identité et territoire.

Sophie Calle – Photo Poche

Pour compléter cette sélection, la MAP Librairie propose également le volume consacré à Sophie Calle dans la collection /Photo Poche/ (14,50 €). Artiste inclassable, tour à tour décrite comme photographe, autrice, vidéaste ou performeuse, Sophie Calle a construit une œuvre où le texte et l’image se répondent en permanence.

Dans ce petit format emblématique, on retrouve un choix d’images et d’extraits de projets qui ont fait sa singularité : enquêtes intimes, dispositifs d’observation, récits où la vie privée devient matière à création. Accessible par son prix et sa taille, ce Photo Poche constitue une porte d’entrée idéale dans l’univers d’une des artistes françaises les plus influentes de ces dernières décennies.

Un cadeau qui dure, à découvrir à la MAP Galerie & Librairie Photographique

Offrir un livre photo, c’est offrir un objet qui traverse les années : un compagnon de salon, de bibliothèque, de voyages intérieurs. On le feuillette, on le prête, on le garde à portée de main, comme une fenêtre ouverte sur un autre monde. Contrairement aux images fugitives des réseaux sociaux, un livre permet une immersion complète : il révèle la cohérence d’un regard, la construction d’un récit, l’intention d’un auteur. En l’ouvrant, on n’accueille pas seulement des images, mais une œuvre d’art portable, un dialogue sensible entre esthétique, émotion et narration.

Acheter un livre de photographie aujourd’hui, c’est aussi soutenir une forme d’expression qui dépasse la simple image : c’est entrer dans l’univers d’un auteur, préserver une manière de raconter le monde et défendre la valeur du papier. Et c’est également un geste essentiel pour faire vivre des lieux précieux comme la librairie de Sergio Corona : une librairie spécialisée et passionnée, où chaque titre est choisi avec soin. En y achetant un livre, on ne fait pas seulement vivre le commerce local ; on soutient un lieu culturel qui joue un rôle important dans la vie artistique bordelaise, et l’on participe à la préservation d’un savoir-faire, d’un regard et d’une communauté.

La MAP Galerie & Librairie Photographique propose par ailleurs une carte cadeau, au montant libre. Celle ou celui qui la reçoit dispose d’un an pour venir choisir un ouvrage, prendre le temps d’explorer la librairie et découvrir, à son rythme, les univers rassemblés sur les étagères. Une manière d’offrir non seulement un livre, mais aussi une promenade culturelle et la possibilité d’une rencontre avec l’image.

En cette fin d’année, cette sélection pensée par Sergio Corona rappelle que les plus beaux cadeaux sont parfois les plus simples : quelques pages, un regard, et des histoires que l’on garde longtemps.

MAP Galerie & Librairie Photographique
13 Rue du Professeur Demons
33000 Bordeaux
Téléphone : 05 56 52 91 18