De plus en plus de personnes sont touchées par l’électrosensibilité. Pourtant, ce phénomène n’est toujours pas reconnu par le corps médical. Au-delà des symptômes physiques, le manque de reconnaissance de cette pathologie entraîne également de lourdes conséquences psychologiques et sociales. Certaines personnes atteintes, comme Stéphanie, en viennent à rédiger des lettres ouvertes pour informer.
L’électrosensibilité : qu’est-ce que c’est ?
Tout d’abord, qu’est-ce que l’électrosensibilité ? Il s’agit d’un syndrome d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques. Il peut se caractériser par des symptômes très divers comme des migraines, nausées, picotements, et bien d’autres encore. Le problème, c’est que tout appareil électrique produit de l’électromagnétisme, même une simple cafetière, et que l’Organisation Mondiale de la Santé ne reconnaît pas cette hypersensibilité aux ondes faute de preuve clinique associée. Le quotidien devient alors vite un vrai casse-tête pour ceux qui souffrent de cette « intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques » comme préfère l’appeler l’OMS. A tout juste 33 ans, Stéphanie souffre d’électro sensibilité depuis près de dix ans. Elle a alors écrit une lettre ouverte, comme un appel à l’aide. Originaire d’Hagetmau dans les Landes, Stéphanie a grandi loin de toute surexposition électromagnétique, sans ordinateur ni Internet. Elle a ensuite vécu à Bordeaux pendant quatorze ans, c’est là qu’elle a ressenti les premiers symptômes. Son hypersensibilité a commencé avec son téléphone. Elle ne le supportait plus, il lui donnait des migraines. Cela a ensuite été au tour de sa télévision, puis de son frigo, etc. Elle en venait à couper son compteur électrique et continuait à les entendre la nuit même avec des bouchons d’oreille, elle se croyait folle. On lui a alors diagnostiqué des acouphènes, mais pas un mot sur une quelconque électrosensibilité. On lui a alors conseillé de s’éloigner de la source, mais difficile de se passer d’un frigo ou même d’un téléphone. Cela l’a donc amenée à reconcevoir son quotidien, en commençant par quitter Bordeaux pour plutôt aller s’installer en Charente-Maritime dans un village en bord de mer avec seulement deux antennes.
- Objets du délit
Une pathologie qui se répand
Et Stéphanie n’est pas seule dans ce cas. Si ce qu’elle nomme « handicap » n’est pas reconnu comme tel, il est clair que de nombreuses personnes souffrent de cette pathologie, quelle qu’en soit la cause. Ce serait près de 2 à 3 % de la population qui serait électrosensible, du simple picotement dans la main après être resté trop longtemps sur son portable pour certains à une souffrance telle que d’autres quittent tout pour se prémunir de ces ondes. Un chiffre qui tend à augmenter, au même rythme que le nombre d’installations d’antennes de téléphonie ou radio, de lignes hautes tensions de proximité ou de la tant attendue ou redoutée 5G sur le territoire français. Ce développement progressif des technologies aux ondes importantes sonneront bientôt la fin des zones blanches. Ces zones blanches sont un enfer pour certains, dont le quotidien est ralenti par cette fracture numérique que le gouvernement cherche à combler sans trop mettre la main à la poche. Pourtant, pour quelques rares autres, il s’agit d’un paradis bientôt disparu, seule façon pour ces électro hypersensibles (EHS) de s’accorder un peu de répit. Mais si elles viennent à disparaître, quel avenir pour les électrosensibles ? Selon Stéphanie, ce nombre augmentera bientôt, elle le voit autour d’elle : « Bien sûr je ne suis pas scientifique. Mais je vois. Je ne peux qu’avertir ». Elle nous informe avoir contacté le Professeur Belpomme en octobre pour une prise de rendez-vous en mai. Une attente de plus de six mois qui, selon elle, témoigne du nombre de demandes et de personnes concernées par cette sensibilité aux champs électromagnétiques.
- Stéphanie Dubosc
La controverse du compteur Linky
Autre problème : les compteurs Linky. Ces nouveaux compteurs électriques intelligents, qui sont connectés par Internet à nos appareils électriques, calculent chaque heure leur consommation pour ensuite l’envoyer à ENEDIS. Celui-ci pose plusieurs soucis. Pour certains, la collecte des données en permanence inquiète les personnes qui tiennent particulièrement à leur vie privée. Autre ennui, ce rayonnement d’ondes pour la collecte des données est considéré comme cancérigène par l’OMS bien qu’ENEDIS se défend en assurant un rayonnement faible, moins important qu’un grille-pain ou qu’une ampoule basse consommation. Mais le réel problème réside dans le fait que ce boîtier est à caractère obligatoire. Peu importe la raison ou ses croyances, les professionnels et particuliers sont dans l’obligation légale d’accepter la pose d’un compteur Linky. Son déploiement dans près de 35 millions de foyers est prévu d’ici 2021. Ce compteur est à l’origine de nombreuses polémiques et se retrouve souvent traîné en justice. Dans le cadre de Stéphanie, c’est souvent ce compteur qui posait problème. « Lorsque mes acouphènes étaient trop importants, je coupais tout dans l’appartement afin de pouvoir dormir correctement. Mais malgré mes boules Quies, j’entendais constamment le compteur Linky adossé au mur de ma chambre. Alors, je m’en allais dormir dans le salon » nous a-t-elle expliqué.
- L’objet de nombreuses contestations
Des conséquences psychologiques importantes
Cela peut même aller encore plus loin lorsque ces EHS doivent se mettre en marge de la société, tout juste pour survivre à cette surcharge électromagnétique. Certains se retrouvent alors en situation de précarité et se voient même retirer la garde de leur enfant. Au-delà des migraines ou nausées, l’électrosensibilité a donc aussi des répercussions psychologiques et sociales. Comme Stéphanie l’affirme : « en plus de s’éloigner des ondes, certains doivent s’éloigner de leur famille ». Sur ce point, Stéphanie a plutôt été chanceuse. Sa famille a été très compréhensive et l’a toujours accompagnée dans ses démarches pour vivre en paix malgré les champs électromagnétiques omniprésents. Ses proches ont vu l’évolution de son handicap et ne pouvaient le nier. C’est justement une de ses amies qui lui a fait prendre conscience de sa réelle pathologie car elle n’y croyait pas elle-même. « Je pensais que ça venait de moi. Je me disais que c’était dans ma tête, que j’étais folle. (…) Je me moquais des personnes avec des chapeaux en aluminium qui criaient à la fin du monde, […] Je disais regarde les, ils sont fous » se confie-t-elle. Aujourd’hui, c’est elle qui porte des bonnets anti-ondes pour apaiser ses douleurs lorsqu’elle se trouve surexposée à des champs électromagnétiques. Cette électrosensibilité a tout de même des bénéfices, reconnaît Stéphanie. Son handicap lui a en quelque peu permis de s’ouvrir à d’autres activités et de faire de réelles rencontres. Pour elle, fini les réseaux sociaux superflus, elle s’est reconnectée à la réalité.
- Carte d’EHS
Une demande de reconnaissance
Mais alors si dans son malheur, Stéphanie y a vu du positif et a trouvé une vie plus humaine, pourquoi cet appel à l’aide ? Voilà sa réponse : « Je suis dans une démarche humaine. Ok, je n’ai pas de problèmes financiers, ok j’ai ma famille qui a été là pour moi et qui m’a soutenu mais il y a d’autres gens qui n’ont pas ma chance. Certains ont tout perdu ». Si dans sa lettre elle nous met en garde sur la disparition des zones blanches en France, son but premier reste la reconnaissance de cet handicap. Elle veut apporter son soutien aux personnes qui souffrent de l’électrosensibilité et surtout de ses répercussions. Elle s’est dite horrifiée de découvrir sur Internet ou par des associations les nombreux témoignages d’hommes et de femmes qui expliquent avoir tout perdu. Pour certains c’est leur travail, d’autres leur mariage. « Je veux que ma voix fasse échos, qu’on dise à ces gens-là, oui, vous êtes malades et qu’on le dise à leur entourage, pour qu’ils ne souffrent plus de ces répercussions en plus de la maladie en elle-même » affirme-t-elle. Pour Stéphanie, ces répercussions sont dues à un manque de reconnaissance de la part de l’Etat et du monde de la Santé. En effet, la question fait débat au sein du monde scientifique, puisque les analyses des études faites concluent qu’il n’existe pas de preuve expérimentale solide permettant d’établir un lien de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarants électro-hypersensibles. Pour ces raisons, l’Etat français ne reconnaît pas officiellement la maladie, alors que d’autres nations comme la Suède ou l’Angleterre l’ont admise. En soutien aux EHS, afin de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls mais aussi pour les aider à aménager leur quotidien pour se délivrer des ondes ou même à se procurer un avocat, des associations existent comme robindestoits.org ou coeursdehs.fr.
Ecrit par Noémie Renard
Ecrit par Coralie Lamarque