L’immigration qui contribue et contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l’Europe elle-même à la question de leur identité, tel est le sujet toujours d’actualité abordé par Alain Finkielkraut dans son livre « L’identité malheureuse » paru en 2013, et soumis depuis lors à maintes critiques.
Finkielkraut, Réac, Facho ?
Loin des réactions du réac ou du facho, qualificatifs dont certains affublent l’auteur, ce dernier précise qu’il nous faut combattre la tentation ethnocentrique de persécuter les différences et de nous ériger en modèle social, mais qu’il ne s’agit pas non plus de nous déprendre de nous-mêmes pour expier nos fautes ou plus souvent celles de nos ancêtres. Alchimie subtile où la bonne conscience n’a pas lieu d’être mais où la mauvaise conscience ne saurait être sans limite.
A ce titre, il ajoute que notre héritage mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants et c’est bien là que se pose la question qui fâche. Dans un monde qui selon lui proscrit l’élitisme sous toutes ses formes au nom d’un égalitarisme militant très persévérant et nous éloigne de la lecture tant il vante les bienfaits de l’interconnexion permanente, dans un monde du « tout est pareil », monde où la culture générale a fait place à l’incertaine culture généralisée, est-il encore possible d’hériter et de transmettre ? Y’a-t-il d’ailleurs encore quelque chose à transmettre, tant la connaissance du passé, jadis garante d’une meilleure appréhension de l’avenir, a de moins en moins cours.
« Qu’est-ce qui nous unit » ? Ouvrage de Roger-Pol Droit
A travers une autre approche, Roger-Pol Droit nous rappelle à propos de la question des migrants, être totalement favorable à l’accueil le plus large possible, mais refuse d’opposer les bons humanistes et les méchants xénophobes, tant comme il le souligne, la tension entre altruisme et égoïsme traverse chaque être humain. Il rappelle d’ailleurs à ce sujet que « lien humain », « compassion » et « empathie » restent des énigmes philosophiques.
Le « vivre ensemble », tant vanté, est devenu selon lui, dans le jargon politique, un véritable vœu pieux et les tensions croissantes dans notre société, ne semblent plus du tout le garantir. Oubliant de scruter lucidement ce qui nous divise ou tout simplement de regarder la réalité en face, nos dirigeants s’interdisent de dissiper l’entretien de dangereuses confusions.
Comme le dit Roger-Pol Droit avec réalisme, ces groupes d’humains unis ou désunis qui s’entendent ou qui s’affrontent sont à l’image de la vie et nous ne pouvons qu’approuver lorsqu’il ajoute qu’il faut soutenir dans tous les cas « les tolérants » contre les « fanatiques » tout en nous rappelant que l’on trouve des deux, tant dans les religions que dans les irréligions.
« Bien que reliés par notre condition d’humain, il est évident que la paix n’est jamais garantie entre nous, tant nos certitudes nous rendent trop souvent aveugles et sourds à ce que l’autre essaie de nous dire ».
La diversité
Entre l’appel à scruter lucidement ce qui nous divise et le soutien aux « tolérants » prôné par Roger-Paul Droit et un Alain Finkielkraut attaché à l’entretien et la transmission de notre identité, tout en nous préservant de nous croire les plus forts, nous trouvons en ces temps agités, d’intéressants éléments de réflexion. Un futur voué aux mouvements migratoires, et à un nécessaire vivre ensemble, ne saurait en effet se réduire à un simpliste « tous pareils » pas plus qu’à l’abandon et à l’oubli de notre identité et donc de tout ce qui constitue l’histoire et la cohérence de notre communauté.
Alors que nos politiques, sont le plus souvent enclins, sinon contraints, de se montrer optimistes et entrainants, ceux qui dénoncent les difficultés et échecs (il y a aussi des succès) de l’intégration en France, se voient très souvent qualifiés d’agents de l’extrême droite. Dans quel état d’émotion et de sur réaction faut-il que notre pays soit, pour que certains en viennent à bénir avec passion, la dissolution des identités et des appartenances et le succès magique à venir d’une intégration aussi peu évidente qu’hasardeuse.
Air du temps, évolution irréversible, table rase du passé, désir de nos dirigeants de redéfinir l’homme et son existence, triomphe à tout prix de la diversité, foin de l’identité comme s’il fallait pour mieux recevoir les autres, faire le vide dans sa maison ….
Qu’adviendra-t-il d’ailleurs lorsque la maison sera vide et que pour de bon, tout sera pareil ? Pareil à quoi, d’ailleurs ?
Pas sûr du tout que le « déclinisme » reproché notamment à Alain Finkielkraut, en soit vraiment un et qu’une dose de réalisme ne soit pas urgemment nécessaire, histoire de tempérer l’excès d’optimisme quelque peu illusoire de nombre d’entre nous et de ne pas céder à un manque de caractère, tout en restant lucidement accueillants.
Ecrit par Dominique Mirassou