Bordeaux
Chaque année depuis 2003 le prix Montaigne créé par l’Académie du vin de Bordeaux et la mairie de Bordeaux est attribué. Cette année il couronne un véritable ouvrage d’art aussi bien dans l’écrit que dans l’illustration et la présentation.
Ainsi le prix Montaigne est doté de 120 bouteilles de grands crus bordelais et ce prix récompense un ouvrage qui, comme tous ceux récompensés par ce prix, transmet des valeurs d’humanisme, de liberté et de tolérance. Ce sont des ouvrages très divers qui ont été récompensé depuis toutes ces années comme : "La Tyrannie de la pénitence, essai sur le masochisme occidental" en 2007 (Pascal Bruckner) "Un candide à sa fenêtre-Dégagements II" en 2015 (Régis Debray), La fin du village en 2013 (Jean-Pierre Le Goff), "Historien Public en 2012 (Pierre Nora), "Composition française - Retour à une enfance Bretonne" en 2010 (Mona Ozouf), "Le Cabinet des douze - Regards sur des tableaux qui font la France" en 2011 (Laurent Fabius) avec la savoureuse anecdote d’Alain Juppé voulant personnellement remettre le prix à Laurent Fabius en repoussant plusieurs fois la date de la remise et qui en fait n’a pu avoir qu’un entretien téléphonique avec lui lors de la remise de ce prix. Les normaliens supérieurs agrégés de lettres l’un classique, l’autre moderne ont maintenant l’occasion de se côtoyer régulièrement au Conseil Constitutionnel. Cette année, c’est "Histoire d’une couleur, JAUNE" de Michel Pastoureau qui a été primé et remis par le nouveau grand Chancelier de l’académie du vin Jean-Pierre Rousseau en présence de Pierre Hurmic, maire de Bordeaux. Cette année le jury était présidé par Xavier Darcos qui donc a couronné non seulement la qualité du texte de l’historien médiéviste mais aussi les magnifiques illustrations de ce très bel ouvrage qui est le cinquième d’une série commencée en 2000 et consacrée à l’histoire des couleurs en Europe de l’Antiquité à nos jours, après le bleu (2000), le noir (2008), le vert 2013 et le rouge 2016, c’est une passionnante série sur l’histoire des couleurs en Europe. C’est à partir des sujets de son enseignement et de ses séminaires à l’Ecole Pratique des hautes études, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et à l’Ecole des Chartes que ces ouvrages ont vu le jour.
- Michel Pastoureau lors de son intervention
"Aujourd’hui, en Europe, le jaune est une couleur peu présente dans la vie quotidienne et guère sollicitée par le monde des symboles. Il n’en a pas toujours été ainsi. Les peuples de l’Antiquité voyait en lui une couleur presque sacrée, celle de la lumière, de la chaleur et de la prospérité. Les Grecs et les Romains lui accordaient une place importante dans les rituels religieux, tandis que les Celtes et les Germains l’associaient à l’or et à l’immortalité. Le déclin du jaune date du Moyen Age qui en a fait une couleur ambivalente. D’un côté, le mauvais jaune, celui de la bile amère et du soufre démoniaque : il est signe de mensonge d’avarice, de félonie, parfois de maladie ou de folie. De l’autre, le bon jaune, celui de l’or, du miel et des blés mûrs : il est signe de pouvoir, de joie, d’abondance." peut on lire dans la page de présentation du livre sur la jaquette. En fait le livre se découpe en trois parties liées à la chronologie avec : Une couleur bénéfique (Des origines au Vème siècle) dans laquelle on trouve les chapitres : Le Métal Jaune et La Mythologie de l’or. Ensuite Michel Pastoureau décrit Une couleur équivoque (VIème au XVème siècle) avec le particulièrement intéressant chapitre "Aux origines de l’Etoile Jaune ?" qui préfigure une époque pas si lointaine du siècle dernier qui cite "mais les images se font l’écho d’une contrainte vestimentaire imposée aux juifs à partir du XIIIème siècle : le port d’un insigne textile, souvent de couleur jaune, permettant de les identifier au milieu des chrétiens" laissant à penser que les nazis n’ont ni plus, ni moins qu’actualisés une coutume ancienne mais l’auteur reste prudent et il écrit plus loin : "L’étoile jaune, de récente et sinistre mémoire semble trouver ici quelques unes de ses racines. Toutefois la prudence s’impose, car malgré une bibliographie abondante, les signes et marques imposés aux juifs dans les sociétés médiévales demeurent difficiles à étudier dans leur ensemble." La troisième et dernière partie s’intitule : Une couleur mal aimée (XVIème - XXIème siècle) et si l’on y retrouve les "yellow cab" newyorkais et les gilets jaunes nul part il n’est fait allusion à l’animal jaune de Franquin : le Marsupilami, mais passionnant quand même et superbe.
- Jaune - Histoire d’une couleur
Michel Pastoureau
Editions du Seuil
240 pages
Collection Beaux Livres Relies
Format 23cm x 24 cm
ISBN 2021420574
prix 39,90 €

Ecrit par Bernard Lamarque
Co-fondateur de Bordeaux Gazette
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