Un enjeu d’accès aux sanitaires pour une ville accueillante

Avec près de 7 millions de visiteurs annuels, Bordeaux fait face à un défi de taille : offrir à tous, habitants comme touristes, un accès simple à des toilettes propres et bien signalées. La municipalité a donc choisi de rejoindre le réseau ICI Toilette, une initiative sociale et solidaire portée par la start-up Urban Services. Cette démarche s’inscrit dans une politique municipale amorcée dès 2020 pour renforcer la tranquillité et l’inclusion dans l’espace public.

« Il s’agit de ces petits gestes urbains qui en disent parfois plus que de grands aménagements », a souligné Pierre Hurmic, rappelant la volonté de faire de Bordeaux «  une ville plus humaine, plus écologique, plus inclusive  ».

Comment fonctionne ICI Toilette  ?

Le dispositif s’appuie sur une application mobile gratuite, disponible sur Android et iOS, qui permet de localiser en temps réel les toilettes publiques mais aussi les sanitaires de 15 commerces partenaires répartis dans l’hypercentre bordelais. Les utilisateurs n’ont pas à créer de compte ni à transmettre de données personnelles, rendant le service accessible au plus grand nombre : femmes, enfants, personnes âgées, en situation de handicap ou sans-abri, mais aussi travailleurs nomades et touristes.

Chaque commerçant participant est identifiable grâce à un autocollant apposé en vitrine, positionné à hauteur de fauteuil roulant pour garantir l’accessibilité PMR. Ces commerces, sélectionnés en concertation avec la Ville et l’association La Cloche, sont défrayés à hauteur de 100 euros HT par mois. Ils s’engagent sur des critères stricts  : propreté, accessibilité, horaires complémentaires avec le parc public, et fourniture de kits d’hygiène féminine (livrés à vélo par les coursiers bordelais).

« Nous voulions une solution inclusive et égalitaire, notamment pour les femmes, qui sont 98 % à déclarer se retenir d’aller aux toilettes à l’extérieur », a rappelé Thomas Herquin, insistant sur l’intérêt sociétal et écologique du dispositif.

Une politique d’inclusion et d’écologie urbaine
Bordeaux disposait jusqu’à présent de 71 toilettes publiques et 9 urinoirs, soit un ratio de 1 sanitaire pour 3 000 habitants, un chiffre supérieur aux recommandations nationales (1 pour 5 000). L’arrivée d’ICI Toilette permet d’augmenter ce maillage de 20 %, sans avoir à construire de nouveaux équipements, un enjeu complexe dans l’hypercentre historique. « Notre objectif  : que personne à Bordeaux n’ait à marcher plus de 5 minutes sans trouver de toilettes », a insisté Pierre Hurmic.

Le dispositif présente également un intérêt environnemental  : une chasse d’eau dans un établissement partenaire consomme 6 litres d’eau, contre 17 pour une sanisette automatique classique. Le coût pour la collectivité s’en trouve dix fois réduit, tout en améliorant la gestion et l’entretien grâce à la mutualisation des réseaux publics et privés.

Les associations, partenaires essentiels du projet

Le succès du déploiement bordelais doit beaucoup à l’implication de l’association La Cloche, déjà active à Bordeaux depuis 2018 pour favoriser l’accès gratuit à des services de première nécessité (toilettes, protections hygiéniques, petites réparations, etc.) aux personnes en situation de précarité. Leur expertise a permis d’identifier rapidement des commerçants volontaires et de tisser un réseau solide et solidaire.

Pour La Cloche, l’enjeu ne se limite pas à l’accès aux toilettes  : il s’agit aussi de recréer du lien social dans les quartiers, de lutter contre l’isolement et de promouvoir une ville véritablement inclusive.

Une expérimentation amenée à s’étendre

Bordeaux rejoint ainsi d’autres grandes villes françaises ayant adopté ICI Toilette (Angoulême, Grenoble, Montreuil, Avignon, La Rochelle…), et s’inspire de modèles allemands et suisses ayant fait leurs preuves. À terme, la municipalité souhaite élargir le réseau à d’autres commerçants, améliorer encore la signalétique et l’accessibilité, et poursuivre sa politique d’innovation urbaine au service de tous.

Ce déploiement s’inscrit dans une démarche de service public intelligent, vertueux, et ouvert sur la société civile, à l’image de la dynamique bordelaise  : « Valorisons ces commerçants qui s’engagent dans l’inclusion, indemnisons-les, et garantissons à chacun un accès digne à ce service essentiel », conclut Thomas Herquin.