L’avenir des journalistes questionné par Laurent Guimier

Pour la dernière conférence de la saison, l’Institut Culturel Bernard Magrez laisse la parole à Laurent Guimier, patron de France Info. Le journaliste a débattu avec le public sur la question : « Faut-il sauver les journalistes ? ».



Ancien chroniqueur et présentateur chez Europe 1, ex-directeur de l’information numérique pour le groupe Lagardère sur TV Activities et actuellement directeur de France Info. Laurent Guimier a travaillé plus de 20 ans dans le monde journalistique et il livre aujourd’hui ses réflexions sur ce métier « qui vit un moment de profonde remise en cause dans ce pays.  »
En 15 ans, la révolution numérique a créé une rupture technologique. Il y a 30 ans, on pratiquait le journalisme comme on pouvait le faire il y a 200 ans. Aujourd’hui, plus que les autres, ce métier a été entièrement bouleversé par l’avènement des nouvelles technologies. Le journalisme a toujours été critiqué. « Historiquement, les médias sont entièrement contrôlés par le pouvoir en place. Les Français ont gardé cette défiance vis-à-vis de nous. Mais pourquoi perdons-nous encore régulièrement notre crédibilité ?  », se questionne le directeur de France Info. Il évoque un paradoxe : Internet, média de l’avenir pour les journalistes, est celui qui souffre le plus de ce manque de crédibilité. Pourtant, de plus en plus de gens utilisent Internet, et surtout les réseaux sociaux comme Facebook pour s’informer. Plus d’un jeune Américain sur deux suit l’actualité grâce à son fil Facebook. Cependant, les gens doutent des informations trouvées sur le net plus que n’importe quelle autre. Ce comportement est en lien direct avec la révolution numérique, nous explique le journaliste. « Cette explosion de la parole, cette liberté démocratique n’a pas que des bons côtés. Aujourd’hui, tout le monde peut donner de l’information mais aussi, et surtout, de la désinformation. Nous sommes inondés de messages qui se contredisent et nous n’avons pas forcément le temps et les moyens de distinguer le vrai du faux.  »

Laurent Guimier estime que le déclin, notamment économique, du métier de journaliste est en partie dû aux journalistes eux-mêmes. La diffusion de l’information était une activité sur laquelle les journalistes exerçaient un quasi-monopole. La libéralisation de la parole, qui a commencé avec les blogs, a été un phénomène largement sous-estimé par le monde journalistique. Le manque de réaction a creusé un fossé entre le grand public et les journalistes. « Il est également important de se souvenir que cette révolution n’en est qu’à son début. Dans cinq ou dix ans, le monde sera encore différent, la manière de consommer de l’information et le métier de journaliste aussi.  »
Le directeur questionne ensuite le fantasme d’un monde sans journalistes. Il explique que ces derniers jouent un rôle d’intermédiaire. Les médias sont un filtre qui travaille à modérer, vérifier et corriger les discours du monde politique, commercial… Sans ce filtre, le public se retrouverait face à ces professionnels du langage. « Les sociétés qui se sont essayées à ce « contact direct » sont le plus souvent des états totalitaristes et autoritaires. Je ne dis pas que l’un mène forcément à l’autre mais c’est une situation dangereuse.  » Le journaliste appuie ensuite son propos en rappelant qu’avant, les terroristes contactaient les rédactions des journaux après avoir commis un crime. Désormais, ils diffusent leurs messages et leurs photos directement sur les réseaux sociaux. La population se retrouve alors en première ligne face à leurs actes. L’idée d’un journalisme citoyen relève également de l’utopie pour Laurent Guimier. « C’est une perspective plaisante mais le journalisme est un métier qui s’apprend, il y a des codes et des règles. On n’aurait pas idée de soigner quelqu’un en disant “ je suis un dentiste citoyen, je vais vous arracher cette dent parce que je pense en être capable.’’  »

Le métier de journaliste doit aujourd’hui être redéfini, selon le directeur de France Info. « Il y a des fondamentaux qui doivent nous servir de pilier. En premier, nous devons faire preuve de plus d’humilité. Ensuite, nous devons nous atteler à vérifier honnêtement l’information, effectuer des enquêtes sérieuses. Il faut aussi retrouver une place dans le débat démocratique, savoir l’organiser. » Laurent Guimier développe également le concept de journalisme de solution. Il s’agit de se concentrer sur les informations positives. Un angle de travail qui commence à porter ses fruits, selon le journaliste. « C’est l’une de nouvelles missions du journalisme et pour cela, les nouvelles technologies sont un formidable outil de partage. »
Sur la question du journalisme web, Laurent Guimier rappelle que le papier meurt mais pas les journaux. Ces derniers commencent à être régulièrement achetés sur internet. Et de donner pour exemple le journal Médiapart, qui « a su trouver son modèle économique et son public.  » Les modèles économiques sont d’ailleurs en train d’évoluer, comme peut l’expliquer le journaliste. L’obsession du buzz tendrait à disparaître. Le directeur met aussi en lumière le fait que nous sommes prêts à payer 2€ pour un jeu sur smartphone mais pas pour accéder à des contenus informatifs. Pourquoi le public considère que les médias ne méritent plus ces deux euros, se questionne-t-il. « C’est à nous de nous remettre en question et de tout faire pour mériter à nouveau la confiance des gens. » Le public avait aussi son mot à dire. Des questions posées au conférencier ont entraîné de nombreux débats parmi les spectateurs. Le sujet de l’objectivité des journalistes ou la question de la course au scoop a agité la foule. Appréciés ou critiqués, les journalistes continuent à faire parler d’eux.

Ecrit par Cécile Darrivère

Etudiante Ecole de journalisme de Lille


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