Yvrac
Il y a quelques jours de cela, l’association de reconstitution historique Bal d’Antan organisait un week-end placé sous le signe du Premier Empire. Cours de danse, pique-nique, dîner dansant et marché de créateurs tout en déambulations musicales, Bordeaux Gazette y a pris part paré de son plus beau costume et s’est plongé au cœur de l’Histoire lors d’un week-end féérique.
Quand la porte du château Lafitte s’ouvre en ce samedi quelque peu nuageux, le saut dans le temps est presque instantané et l’on comprend bien vite que le soleil s’est en fait installé au sein de la salle de bal des lieux. Les robes aux couleurs chatoyantes et les sourires rayonnants réchauffent l’air ambiant et la musique plonge les quelques deux cents participants déjà présents au cœur d’un moment hors du temps. Ce matin-là, c’est Eva, une des membres fondatrices de l’association Bal d’Antan qui ouvrait le bal en enseignant les premiers pas de danse. Le week-end allait s’étaler jusqu’au dimanche après-midi et le temps paraitrait bien trop court tant la magie qui s’installait à l’aube de ce premier jour plongeait déjà tout le monde en grande joie.
- Bal d’Antan au Château Lafitte
- © Photo Sabine Taverdet
Etaient prévus en cette première journée du samedi un cours de danse matinal suivi d’un pique-nique. Puis, les participants prendraient part, en début de soirée, à un dîner entrecoupé de danses et le grand bal annuel de l’association s’étirerait jusqu’au bout de la nuit. Pour cette troisième édition, Eva, Yana, et Marie, les membres fondatrices et créatrices de l’événement, avaient placé ce rendez-vous tant attendu sous le signe du Premier Empire, inspirées par la série à succès Bridgerton. Mais pour le moment, les participants se sustentent autour du généreux buffet dressé pour l’occasion. Autour des tables, un petit groupe se dessine. A sa tête, Sandra, la mère de famille dont le rêve se réalise en ce moment-même. « Nous avons fait six heures de route pour venir avec mon mari, mes deux filles et le chéri de la plus âgée. Je suis fan depuis toujours de tout ce qui est opéra, belles robes... J’ai une appétence avec tout ce qui est historique mais, pour eux, ça avait l’air d’être plus compliqué. Ce matin nous avons participé au cours de danse et finalement même les jeunes ont été enchantés ! Ils sont sortis de leur zone de confort, ils ont fait des rencontres avec des gens de toutes les générations ! Ils n’avaient pas l’habitude de sociabiliser sans être sur le téléphone et finalement tout le monde a oublié les réseaux sociaux l’espace d’un instant. Nous avons déjà fait de belles rencontres et on se retrouve à onze alors que l’on est arrivés à cinq, c’est génial ! », détaille la burgienne. Et c’est en cela que Bal d’Antan instaure sa magie.
- © Photo Sabine Taverdet
Un rendez-vous haut en couleurs
Habitués de la reconstitution historique, néophytes ou encore simples curieux, tout le monde se mélange le temps d’une danse ou autour d’un repas. Et la journée ne fait que commencer. Après le déjeuner, un temps libre a été instauré pour que chacun puisse profiter du jardin et arborer sa plus belle tenue devant la fontaine du château. C’est sur le chemin que Rémi, 27 ans, nous soulève son chapeau à claque. S’il est d’ordinaire un amateur de belles tenues au sein de jeux de rôle grandeur nature auxquels il a l’habitude de prendre part, il arbore fièrement son premier costume de bal ce jour. Et la technique est bien rodée : « Tout d’abord il faut trouver le patron d’époque puis, on se met à chercher le tissu : velours ou lin en vide-grenier, chutes de cuir chinées à droite à gauche... Il faut être habile de ses mains et malin. Certains en font un seul pour chaque événement mais il est possible aussi de perfectionner un costume déjà fabriqué en changeant des boutons par exemple ou alors en nourrissant le personnage avec des petites fioles ou comme avec ce chapeau claque historique que j’ai déniché en brocante. Le bas était un pantalon de la marine trouvé aux puces. » Pour quelques 150e de tissu et depuis janvier, sa femme et lui ont donné vie à un costume sur mesure magnifié par des accessoires d’époque. Une reconstitution des plus fidèles et qui ne tarde pas à attirer l’oeil des convives arrivant par vagues pour prendre bientôt part au bal.
- © Photo Sabine Taverdet
C’est alors que suite à un apéritif tout en finesse et après que les convives ont choisi leurs tablée pour la soirée, les premières notes s’élèvent au-dessus de la salle de bal . S’enchaineront ainsi tout au long de la soirée plats et danses menées par les maîtresses de cérémonie avec, à leur tête, Yana, la professeure de danse dans la vie civile dont l’énergie sans limite fera taper des mains et des pieds les participants jusque tard dans la nuit. Parmi eux, Marlène et Gaëtan, respectivement 40 et 46 ans, prennent des notes mentales entre deux quadrettes. « Nous avons fait plus de trois heures de route depuis Cholet, je suis également professeure de danse de salon et de modern jazz. Le but est d’apprendre les chorégraphies pour les refaire au sein de notre association. C’est notre première fois en reconstitution, c’est vraiment incroyable ! » A l’heure où la lune éclaire les jardins, la troisième édition du bal annuel de Bal d’Antan fait retrouver le silence à la salle de bal du château Lafitte pour quelques heures, la musique et les souffles de reprendre la danse le lendemain. Mais avant, les élections du Diamant et du Gentleman de la soirée auront récompensé plus beaux costumes et plus belles prestances au sein des rangs et fait briller, jusqu’à tard, les sourires des participants.
Deuxième jour : les festivités se poursuivent
Puis, le dimanche, les robes s’ornent de fleurs et les mains agrippent des paniers en ce deuxième jour des festivités car, et c’est une première, Bal d’Antan ouvre son marché des créateurs.
Bougies, écussons, céramiques artisanales, chapeaux, apiculteurs régionaux, créatrices de bijoux ou encore couturière sur mesure... L’or des robes de la veille s’est déplacé dans les mains de celles et ceux qui mettent leur savoir-faire au service de la reconstitution. Les couleurs des stands rejoignent la lumière du soleil qui honore enfin le ciel de sa présence et tous ont envie de ramener un peu d’histoire dans les chaumières. Et le choix est grand. Les compositions florales de Virginie prennent place dans des contenants chinés, les éventails assortis aux robes confectionnées sur mesure par Morgane sont bercés par le vent... Si les pieds ont dansé la nuit dernière, les mains s’affolent et les cœurs souhaitent maintenant prendre les conseils avisés des créateurs pour ainsi concrétiser, un jour prochain, leurs propres réalisations. Morgane, 26 ans, passionnée de couture depuis une dizaine d’années, fraîchement couturière à temps plein, est ainsi passée de l’autre côté grâce à l’association. « Adhérer à Bal d’Antan m’a clairement changé la vie ! Je fais partie de l’asso’ depuis deux ans maintenant et si j’ai fait de la reconstitution depuis un bout de temps, je viens seulement de me mettre à mon compte et tout cela grâce aux bals auxquels j’ai pris part ! D’ailleurs, hier soir, certaines de mes créations étaient portées ! Voir les gens qui viennent avec les tenues que je leur ai cousues c’est génial... L’association a changé ma vie ! »
- Bal d’Antan ouvre son marché des créateurs
- © Photo Sabine Taverdet
Un changement de carrière pour cette jeune créatrice qui a depuis peu la chance de faire vivre l’Histoire dans son quotidien. Et au fil de la journée, les destins s’entremêlent, parfois même, une seule personne en campe plusieurs. C’est le cas de Stéphane, policier à la retraite dans la « vraie » vie qui revêt un autre uniforme ce jour-là. « Je suis Antoine André Ribière aujourd’hui. Un vrai monsieur, qui a existé mais inconnu pour l’Histoire. Il est né à Avignon et s’est engagé à 14 ans au début de la Révolution. Il finit chef de bataillon. Je ne suis pas déguisé mais costumé. » Si le coté amusement fait aussi partie de la reconstitution, Stéphane se considère avant tout comme un « passeur de mémoire ». Revêtu d’un costume sur-mesure jusqu’au bonnet, il s’est approprié un personnage après s’être adonné à des recherches généalogiques. Voilà plus de quarante ans que ce passionné et membre de l’association du 16ème Régiment d’Infanterie Légère basée à Reims et invité par Bal d’Antan s’investit dans la reconstitution. Pour l’heure, il tient un stand de livres et de documents d’époque. « Nous aidons les gens à se réapproprier leurs propres histoires et parfois nous arrivons à retrouver la trace de héros disparus. J’ai le souvenir d’avoir réussi à faire connaître des aïeuls de personnes vivant parfois sur d’autres continents et nous avons même fait reconnaître les actes passés d’une personne dont le nom est maintenant sur un monument aux morts d’une commune qui ne connaissait pas son vécu ! », poursuit ce dernier. Une belle victoire pour la mémoire de ces inconnus qui revivent quand le présent s’en mêle.
- Bal d’Antan
Un week-end historique placé sous le signe des rencontres
La deuxième journée également ralliait jeunes et moins jeunes autour de cette même passion qu’est l’Histoire. Jeux d’époque dans les jardins pour les uns ou dernières danses pour les autres, le mélange des âges semblait plus que jamais établi. Claude, 75 ans, rencontrait son épouse Jeanne, il y a de cela plus de 55 ans en dansant. « Nous nous sommes connus avec mon épouse en faisant du folklore, maintenant nous écumons tous les grands rendez-vous en parcourant la France sur les pistes de danse. Nous nous trompons souvent mais nous prenons du plaisir », sourit-il avant de s’éclipser au bras de Jeanne pour une ultime quadrette avant que les portes du château Lafitte se referment en fin d’après-midi. Le couple aura pris part à peut-être une cinquantaine d’entre elles sur les deux jours de festivités et les compagnons de danse rencontrés ont déjà hâte de la prochaine édition.
- Bal d’Antan
- © Photo Sabine Taverdet
L’émulsion de toutes parts, voilà une belle victoire pour le trio à l’origine de la rencontre. « C’est le résultat de plus de huit mois de travail. En premier lieu, nous devons trouver un lieu avec du cachet qui permet des danses en ligne par exemple donc la configuration du château est juste parfaite. Certains ne savaient pas à quoi s’attendre mais tout le monde a vite compris qu’ils étaient à leur place. Certains ont fait leur propre tenue, l’ont louée ou achetée... Hier nous avons dansé jusqu’à quasiment deux heures du matin ! La reine Charlotte a présenté le Diamant de la soirée et a donné des cadeaux, cette année c’était des broches qui récompensaient soit le plus beau sourire, le plus beau costume, la plus belle coiffure... Les gens sont satisfaits tant des cours de danse que de l’organisation et que du marché et c’était un challenge car c’était notre premier ! », s’extasient Eva, Marie et Yana quand l’heure du bilan sonne finalement. Et à croire les chaleureux au revoir, il est certain que la quatrième édition du bal annuel qui aura lieu l’année prochaine est d’ores et déjà attendue de pied ferme. « Pour le moment nous allons nous reposer », sourient les trois membres du bureau de l’association, « mais nous sommes parties sur une bonne dynamique, le thème marche bien mais nous avons peur que les gens se lassent... Nous verrons ça. En tous cas les gens sont déjà pressés et nous avons eu plein d’adhésions alors nous allons souffler avant la saison de la reconstitution historique puis, en novembre pour le prochaine événement, cela sera la surprise pour tout le monde ! ». Nul doute que les pieds, qui auront eu le temps de se reposer et les costumes d’être cousus, seront déjà prêts à virevolter dès que l’annonce des prochaines festivités sera lancée. Ce qui est certain, c’est que Bordeaux Gazette sera certainement au rendez-vous pour admirer, une nouvelle fois, les robes virevolter et les sourires rayonner.
- Bal d’Antan
- © Photo Sabine Taverdet

Ecrit par Sabine Taverdet
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