Bordeaux

La rue Neuve et ses grandes familles du Bordeaux médiéval

Le quartier Saint-Paul est connu pour ses petites ruelles et ses nombreuses maisons aux allures pittoresques. Son riche passé marchand explique la nature populaire du lieu, les familles bourgeoises préférant s’éloigner des odeurs nauséabondes d’huiles et de poissons. Pourtant, c’est bien au sein de ce quartier que vécurent les plus grandes familles bordelaises et ceci jusqu’au XIXème siècle !



Parmi celles-ci les plus notables sont les familles Soler, Colomb et Caillau. Toutes possédaient une résidence permanente dans la rue Neuve. L’emplacement n’est pas un hasard puisque cette rue se situe près de l’ancien palais de l’Ombrière, et à mi-chemin du pouvoir commercial et communal : à l’Ouest l’Hôtel de ville, à l’Est, le port du Peugue. Elle débouche sur la chapelle St-Jean d’un côté et se termine sur l’ex rempart du XIIIème siècle, l’isolant ainsi au Sud. L’endroit est parfait pour ces familles souhaitant être au centre du pouvoir tout en étant légèrement reculé et protégé par rapport au fleuve. D’ailleurs en terme de sécurité elle n’en était pas dépourvue du fait de la proximité de la garde d’archers sur les remparts de l’Hôtel de ville. Les patrouilles sont également fréquentes le palais n’étant pas loin. La plupart s’installent au cours du XIIIème et XIVème siècle. Chaque édifice est séparé par un androne, ils ne se collaient pas les uns aux autres. L’entrée de la rue, elle, est marquée par une niche logeant maintenant la statue d’une Vierge Marie. Elle hébergeait au départ Saint-Jean Baptiste le saint patron des tonneliers travaillant dans le quartier. L’habitation des Soler se situait du numéro 26 au numéro 38 actuel. Cet hôtel particulier (l’oustaü en gascon), est en partie conservé, et c’est la plus ancienne maison encore debout de Bordeaux.

Ouverture sculptées dans l’impasse rue Neuve

Les bribes encore visibles correspondent à des ouvertures sculptées au-dessus de l’actuelle impasse de la rue Neuve. Leur style architectural peut se rattacher au gothique des baies du chevet de la Cathédrale St-André : arc en ogive, remplage en trois parties (baies géminées en-dessous d’une rose quadrilobées). L’ensemble est finement sculpté et daterait du XIVème siècle. La qualité de ses fenêtres montre la puissance de la famille Soler qui entrait régulièrement en concurrence avec celle des Colomb. La lutte pour le pouvoir communal était acharnée entre ces deux factions au cours du XIIIème siècle. Au poste de maire, dix-neuf ont appartenu aux trois lignées citées précédemment au cours de cette période. A la fin du XIVème siècle l’apogée des Soler prit fin, remplacée par les Lalande qui habitèrent à leur tour cet oustaü. Des chaînes étaient accrochées sur le mur de l’édifice du côté de la rue. L’histoire raconte que les Lalande possédaient un droit de grâce leur permettant d’épargner les prisonniers passant sur ce chemin ( ils venaient de la place du Palais ou de l’Hôtel de ville en général) s’ils réussissaient à toucher ses chaînes.

L’impasse rue Neuve

Ces hôtels occupaient un vaste espace, leur jardin allaient jusqu’à la rue du Muguet et celle du Puits Descazeaux. L’origine du nom de cette dernière viendrait du gascon casaü qui signifie jardin potager. Cette rue est à l’emplacement d’un puit qui se trouvait dans les jardins de la maison Lalande. Ces grandes demeures urbaines sont dites « entre cour et jardin », c’est-à-dire que leur plan est construit sur le modèle : porte cochère, cour d’entrée, bâtiment principal (corps de logis), jardin à l’arrière. Ce plan permet aux occupants de vivre à l’écart du passage. Elles apparaissent au XIIIème siècle, construites dans les périphéries de la ville où de grands terrains sont disponibles. Le faubourg St-Eloi est à ce moment là un jeune quartier accueillant cette nouvelle rue de grand prestige. Les conflits ragent encore, ce qui influence l’architecture qui reste assez défensive : haut murs crénelés, peu d’ouvertures sur la rue etc. Par ailleurs le mot « particulier » signifie qu’il n’appartient qu’à un seul propriétaire à l’inverse du « palais ». A partir du XVIIème siècle, cette construction se « démocratise », la classe bourgeoise peut se permettre désormais ce genre de chantiers, mais au Moyen-Age elle est réservée aux grands seigneurs. Encore une fois ceci montre l’étonnante puissance de ces factions bordelaises sans titre noblesse.

Au fond de l’impasse après avoir franchi la grille

Sources :
Annick BELLEGARDE, Guide du Bordeaux médiéval, Ed. Sud-Ouest, 2019.
Annick DESCAS, Dictionnaire des rues de Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2008.
PHILIPPE PRÉVÔT, RICHARD ZÉBOULON (photo.), Bordeaux petits secrets et grandes histoires : guide du promeneur curieux, Ed. Sud-Ouest, 2020.
Jacques SARGOS, Bordeaux vu par les peintres, Ed. L’Horizon chimérique, 2006.
Anonyme, Les vieux souvenirs de la rue Neuve à Bordeaux (par un vieil enfant de cette rue), Impr. Par G.Goumouilmou, 1890.

*androne : Androna, androuna, androno est un mot occitan et catalan qui désigne à l’origine un petit passage entre deux maisons. Plus tard aussi une ruelle ou un cul de sac.


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