Bordeaux
Que les Bordelais se rassurent, alors que notre cité arbore avec fierté depuis quelques années son classement au patrimoine mondial de l’humanité, décerné par l’UNESCO, notre maire Alain Juppé ne vient pas de perdre subitement la raison !!! L’affaire, et la mise en danger de l’existence de la porte Dijeaux remontent aux années 1700, et méritent au moins pour les curieux, ces quelques lignes d’histoire.
Construction et Restauration
Construite en 1302 en remplacement de la porte Romaine, la porte Dijeaux était destinée à renforcer l’enceinte de Bordeaux et surtout à protéger à la fois la ville et le quartier Saint-Seurin en cas d’attaque ennemie.Elle servit à la défense de la ville contre l’attaque des troupes royales pendant la Fronde, en septembre 1650. Il faudra 12 jours de siège pour en avoir raison. En 1714, la porte se trouve dans un tel état de délabrement que ses pierres servent à des constructions parasites aux alentours, et que les mauvaises herbes poussent sur son sommet, l’intendant Tourny décide de la démolir, puis de la reconstruire. Les jurats approuvent lors d’une délibération en date du 14 septembre 1746. L’architecte Portier, le charpentier Bezat et le décorateur-sculpteur Francin prennent en charge l’édification du monument. Elle sera d’un style néo-classique, construite en pierre de Frontenac, pierre dure et dense, et pour les parties supérieures en pierre de Bourg. Quant à son nom, les avis sont partagés quant à son origine, l’opinion la plus répandue nous dit qu’il est en rapport avec le temple de Jupiter qui se dressait à cet emplacement à l’époque gallo-romaine. Le nom viendrait de la déformation du gascon « De Jou » (de Jupiter) qui est la langue traditionnelle de Bordeaux. En effet, le "Port Jovis" se traduit par "Porte de Jou" en gascon. Une autre hypothèse verrait son origine d’après le quartier juif, autrefois situé dans les environs de la rue Judaïque, près de l’ancienne "Porte des Juifs*.
Les Aléas de la Révolution
En 1789, cette porte aux armoiries royales, pose problème aux révolutionnaires du Conseil municipal qui en décrètent la démolition. Le 18 Octobre 1792, la municipalité décide sur les conseils de son architecte Bonfin, de démolir la porte Dijeaux. La précipitation des événements, la confusion et les rapides enchaînements politiques de l’époque vont fort heureusement conduire à l’enlisement du projet. La démolition n’aura jamais lieu*.
Quel avenir pour la porte Dijeaux ?
De multiples projets, de la Révolution à nos jours, ont été imaginés dans les dossiers d’architectes : monument sans intérêt pour les uns, bon à détruire pour les autres. Certains urbanistes ont proposé de la déplacer et de la transformer en rond-point au centre de la place Gambetta, ou encore d’en faire une attraction touristique au milieu du Jardin Public. Trop imposante, cachant la vue, gênante pour la circulation, tels ont été le plus souvent les arguments avancés pour sa destruction. Bien heureusement la porte Dijeaux conserve beaucoup plus de fidèles que de détracteurs, et ses ennemis n’ont à ce jour plus aucun espoir … Les rues adjacentes étant devenues piétonnes, nous pouvons désormais espérer que de très nombreuses générations de bordelais franchiront encore longtemps son seuil.
* Sources : D’après : Histoire des Maires de Bordeaux – Les dossiers d’Aquitaine. Les rues de Bordeaux - Roger Galy.
Ecrit par Dominique Mirassou