Bordeaux

La Maison Cantonale de la Bastide : une histoire citoyenne

En 1865, la ville de Bordeaux annexe la Bastide, jusque là rattachée à la commune de Cenon. Ce quartier, en plein essor industriel et démographique ne possède aucun bâtiment de paix civile, qui pourrait alors créer un centre de vie sociale. Il faut attendre quinze ans, soit le 8 mai 1903, pour que la mairie décide enfin de munir cet endroit, isolé de la ville par la Garonne, d’une maison cantonale. Le chantier s’étendra sur de nombreuses années, interrompu par la guerre et les problèmes financiers. Malgré ces péripéties, cet édifice est aujourd’hui un centre citoyen, qui accueille sur ses murs, les marqueurs visuels de sa fonction.



Pourquoi construire un bâtiment de paix civile ? Tout d’abord, il héberge les instances juridiques et le corps de police du canton (prétoir, commissariat de police avec habitation du commissaire). Ensuite, à l’instar d’une salle polyvalente, des réunions de nature différentes sont tenues dans les salles mises à disposition (salle de conférence...). Enfin, il abrite une bibliothèque ainsi qu’un bureau d’auxilaire municipal. L’ensemble de ces lieux sont essentiels à la vie citoyenne du quartier, et l’architecte Cyprien-Alfred Duprat (1876-1933) l’a bien compris. Chaque espace de cet édifice est pensé selon les besoins du public. Par exemple, le plan est fonctionnel, l’accessibilité de chaque pièce est permise grâce à de larges couloirs et escaliers, qui accordent au tout une agréable circulation. Les multiples fenêtres permettent également l’entrée de la lumière, tout en aérant l’espace. Duprat était aussi urbaniste, ainsi il conçoit une large place et un porche à l’extérieur, afin de créer un lieu de rencontre et de réunion, qui ne sera pas perturbé par la pluie.

L’influence d’Eugène Viollet-le-Duc a été immense parmi les « bâtisseurs ». Ses Entretiens sur l’architecture, publié en 1863 et 1872, et dans lesquels il exprime sa vision de l’architecture, ont marqué les esprits, dont celui de Cyprien-Alfred Duprat. Tout deux se rejoignent sur l’idée que cet art doit s’adapter au besoin d’une société, et au mode de vie des Hommes : « Le public qui se plaint sans cesse, de voir élever des édifices qui ne répondent ni à ses besoins ni à ses désirs, qui demande du nouveau [...] se pique parfois d’un faux goût classique », [...] « Il est temps cependant de songer à l’avenir pour nous architectes, de nous mettre sérieusement à chercher comme nos devanciers et de ne plus voir dans le passé que des efforts dont nous devons profiter, que nous devons analyser pour atteindre au delà ; il est temps de songer à cette question principale de l’économie dans les bâtisses, si nous ne voulons pas voir bientôt ce public lassé de payer sans obtenir rien qui satisfasse pleinement à ses besoins, s’adresser à des hommes indifférents en matière d’art, mais constructeurs et calculateurs selon le temps. » (extrait de l’entretien n°12, p.90).

Vue depuis la rue Etobon-Chenebier

Eugène Viollet-le-Duc nous invite à puiser dans le passé au cours de ses entretiens. C’est ainsi que Cyprien-AlfredDuprat, dans cette même pensée, choisi d’emprunter à l’histoire citoyenne. En effet, la première chose visible du bâtiment est sa façade, qui évoque les premières maisons communes du XIVème siècle. Des éléments tels que le beffroi au centre abritant l’horloge, les toits en pente logeant des combles, et les pignons, dote clairement ce bâtiment d’une dimension historique. A l’intérieur, la salle du prétoire est ornée de petites sculptures en bois représentant des têtes d’animaux, la charpente du plafond est apparente. Tout ceci est à mettre en relation avec ces maisons du XIVème siècle, qui font partie de la genèse, et de l’émergence des corps de ville (la municipalité) au cours de cette période. La deuxième époque mise en avant dans cette architecture est l’Antiquité. L’Antiquité (grecque surtout) incarne la justice civile, et utilise des formes sobres et monumentales. Elle est d’ailleurs souvent employée pour des lieux comme les tribunaux, qui s’apparentent à des temples grecs. Ici, deux ouvertures présentent sur les deux largeurs du complexe semblent rappeler ces temples. Le porche et la salle des pas-perdus sont munis de colonnades, et la salle de conférence est dotée d’un plafond en caisson. Pour conclure cet article, la maison cantonale s’intègre dans une pensée architecturale qui se veut fonctionnelle, au service du citoyen, et qui lui rappelle son histoire.

Façade rue de Nuits

Sources :
Annick DESCAS, Dictionnaire des rues de Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2008.
Cyprien-Alfred DUPRAT, Bordeaux...un jour !, Ed. Le Festin, 2011.
Pierre DUBOS et Patrick DAUGUET, La Bastide:quartier de Lune, Ed. Bordeaux : P. Dauguet, 1993.
Robert COUSTET et Marc SOBOYA, Bordeaux. La conquête de la modernité. Architecture et urbanisme à Bordeaux dans l’agglomération de 1920 à 2003, Ed. Mollat, 2005.
Robert COUSTET, La maison cantonale de la Bastide : de l’art nouveau à l’art déco, Ed. Bordeaux, 1981.
Site des archives Bordeaux métropole


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