Bordeaux
Après 50 ans et 486 expositions, le Capc célèbre son histoire comme monument de l’art et de la culture de Bordeaux en exposant une artiste à la renommée mondiale : Kapwani Kiwanga. Avec son exposition Retenue, l’artiste renoue avec l’histoire du musée, mais aussi de la ville de Bordeaux.
Dans ses immenses murs en pierres, le Capc abrite en ce moment un univers vêtu de bleu et de calme. De longues cordes pendent sous les arches de la salle principale, l’air est frais, et un on entend un ruissellement au loin. Tout est d’un bleu électrique et d’une dimension qui fait relativiser plus que notre propre taille. Les rideaux de corde tombent en demi-cercles pour la plus part, donnants ainsi aux visiteurs l’impression de pouvoir changer de monde si l’on passe à travers. Cependant, si vous suivez le bruit de l’eau vous trouverez un rideaux dont les cordes sont coupées bien droites, sur lequel la plus étrange des fontaine prend place. Du plafond jusqu’au sol, les filets d’eau suivent les cordes et produisent ainsi pour toute la salle (avec l’aide de quelques enceintes dissimulées) le bruit de l’eau qui court dans son lit. Ce bruit évocateur n’est pas là par hasard. Le monde navale auquel il fait allusion est au centre de l’oeuvre de Kapwani Kiwanga. En choisissant l’eau et la corde, l’artiste nous rappelle l’histoire de l’architecture du bâtiment, intimement liée à celle de la colonisation et de la place de Bordeaux.
Par son parcours riche d’hétérogénéité, Kapwani Kiwanga approche ses oeuvres comme des outils pour lier matières et histoire socio-politique. Elle commence en tant qu’étudiante en anthropologie et en religion comparée pour se diriger ensuite vers le cinéma documentaire. Finalement, elle se lance dans l’art contemporain, sans pour autant se limiter à un cadre stricte : elle expérimente avec divers matériaux pour en faire ressortir leurs particularités, et devient vite considérée comme une des références de sa génération. Ici, elle fais encore une fois preuve d’une attention particulière aux matériaux et du bâtiment et à leurs significations. L’Entrepôt Lainé, foyer du Capc, a été dessiné par Claude Deschamps, connu dans la région pour être l’architecte du célèbre pont de pierre de Bordeaux. Il s’inspire de l’architecture turco-persan des caravansérail pour créer l’Entrepôt, en y mêlant les codes de l’architecture romaine. Le but du bâtiment à l’époque est d’accueillir et de stocker les richesses coloniales. Sa localisation n’est pas anodine non plus car Bordeaux, ville construite sur pilotis pour assurer sa pérennité face aux montées de la Garonne, est un point de référence du transport des denrées coloniales et tient sa richesse de ce marché. Face à cette lourde histoire, K. Kiwanga choisit des matériaux légers. Le caractère autoritaire de la pierre est bousculé par la fluidité des cordes, rappelant également le monde du marché naval. L’eau, identité de Bordeaux, est célébrée sans pour autant oublié son utilisation à travers le temps. Le bleu de la sagesse garde un ton électrique qui semble montrer que la puissance n’est plus à l’éternel pierre jaune. Toute l’installation, des matières premières à l’ingénierie est un travail d’artisans de la région.
Ce n’est pas un hasard si le Capc a choisit de travailler avec K. Kiwanga pour cette exposition : de sa réflexion à l’utilisation des matériaux, tout de sa démarche relève du travaille d’historien. Son message artistique est claire, et elle le fait passé avec une douceur poignante. L’Entrepôt et l’exposition créer ensemble une harmonie singulière qui capte tout les sens, et amorce la réflexion.

Ecrit par Anna Vandercolden
Recherche
Sur le même sujet
Bordeaux Gazette Annuaire
