Bordeaux
Alors que les prix Albert Londres viennent d’être décernés récemment dans notre ville lors d’une prestigieuse manifestation dans les salons du Palais de la Bourse, et qu’un embarcadère vient d’être baptisé du nom de ce remarquable reporter, la vision du journalisme selon Albert Londres mérite qu’on s’y attarde.
« Son credo »
Né en 1884 à Vichy, décédé en 1932 dans l’Océan Indien, Albert Londres, journaliste et écrivain résume l’idéal de journaliste qui est le sien : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Albert Londres est dès lors devenu une référence pour la plupart des journalistes français, et à partir de 1933, le Prix qui porte son nom va récompenser les journalistes dont le travail consacre l’esprit qu’il ne cessa de faire vivre.
Présent dans tous les domaines
En 1922, ses reportages sur le Japon, la Chine ou encore l’Inde et les actions de Nehru ou de Gandhi vont faire croître sa notoriété et sont publiés sous forme de livres aux éditions Albin Michel.
Le reporter engagé va s’intéresser aux bagnes de Guyane et d’Afrique du nord : « Ces usines à malheur », relater l’inacceptable dans tous les domaines, depuis les conditions sanitaires dans les asiles psychiatriques, jusqu’aux intolérables exigences physiques du Tour de France cycliste en passant par le sort des Françaises conduites en Argentine pour y être prostituées. Il déploiera avec succès une grande énergie en faveur de la réhabilitation du forçat évadé Eugène Dieudonné, injustement condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Un infatigable voyageur
En 1928, voyageant du Sénégal au Congo, il dénonce les intolérables conditions de travail des travailleurs africains notamment lors de la construction des voies ferrées et des travaux forestiers, et s’insurge contre la colonisation : « responsable de ces crimes. » En 1929, alors que l’antisémitisme est très présent en Europe, il se rend en Palestine et se prononce pour la création d’un Etat israélien, tout en doutant fortement d’une possible entente entre juifs et arabes. Dans les Balkans il s’intéressera au terrorisme des nationalistes macédoniens qui contestent la division de leur territoire entre Bulgarie, Serbie et Grèce.
Une mort curieuse !!!
Il mourra prématurément dans l’incendie du Georges Philippar, bateau qui le ramenait de Chine alors qu’il semblait avoir découvert un grand scandale où il aurait été question d’armes, de drogue et d’immixtion bolchévique dans les affaires chinoises. Son reportage brûle dans l’incendie : accident ou attentat, le doute plane d’autant que les personnes auxquelles il a confié la teneur de ses découvertes, vont mourir par la suite dans un accident d’avion. Homme curieux, il effectua « son devoir » en interrogeant les marges et les zones d’ombre de notre société, le quotidien des petits, des médiocres et des infâmes l’intéressait. Selon lui, les informations sur les injustices, absurdités et autres incohérences du pouvoir ne devaient en aucun cas être réduites au silence. Ses investigations souvent accusatrices permettront d’ailleurs quelques avancées notamment dans les conditions de vie des bagnards. Refusant tout compromis il répondra en 1923 à l’éditorialiste du Quotidien qui lui reproche de ne pas être dans la ligne du journal : « Messieurs, vous apprendrez à vos dépens qu’un reporter ne connait qu’une seule ligne, celle du chemin de fer. »
Les temps ont bien changé ……

Ecrit par Dominique Mirassou
Recherche
Sur le même sujet
Bordeaux Gazette Annuaire
