Il est 18 heures, nous attendons devant la façade de l’opéra au milieu de la place de la Comédie, exactement entre les deux horloges. Un jeune homme apparaît en costume du XIX° siècle, il porte une redingote vieux rose sur un gilet couleur-tabac et de sa tête s’érige ce qui doit être notre signe de reconnaissance, un chapeau haut de forme. Sans cet attribut vestimentaire voyant, je pense que nous nous serions doutés qu’il s’agissait bien de celui qui allait devenir notre guide pour la visite de Bordeaux. Il se présente, il s’appelle Pierre.
Nous sommes six, prêts à affronter la réalité sauvage du passé de Bordeaux. Nous le suivons au travers de la foule, il fait une chaleur étrange pour un mois de mars. Après quelques détours vers le cœur de la ville, il s’arrête devant une porte avec un regard énigmatique. Il nous montre du doigt, à quelques mètres de là, un café, et commence à nous conter, une curieuse histoire. En effet, des apparitions, des plus bizarres ont eu lieu dans cet estaminet. À une table, une femme serait apparue et aurait disparu tout aussi vite (il ne nous dit pas si elle avait réglé son addition avant de disparaître…) Il veut nous convaincre avec force détails troublants et témoignages avérés, nous narrant des visions de casiers de bouteilles volants, et de chaises vides qui se déplacent toutes seules… À la fin, il scrute nos yeux espérant sans doute, y voir une étincelle d’inquiétude.

La guillotine était installée sur cette place pendant la Révolution

Nous continuons la visite ; sur une place où des enfants jouent, nous apprenons que des nonnes ont été exécutées pendant la révolution et que leurs voix résonnent encore certain soir, effrayant les habitants dont les fenêtres donnent sur la place.
Le voyage se poursuit et nous plongeons dans une histoire encore plus trouble de lycanthropie et de meurtres. Plus tard, nous rejoignons une place très célèbre de Bordeaux où la guillotine fut installée, souillant de sang la rivière qui passait non loin et qui aujourd’hui, a disparu sous la ville.
Nous visitons ainsi de nombreux lieux et j’avoue que parfois un petit frisson glacé vient me rafraîchir la nuque. Il fait nuit, la balade a duré deux heures dans les rues d’un Bordeaux que nous ne connaissions pas sous cet angle.
Tout cela nous laisse un peu sur notre faim. On pensait assister à une prestation plus théâtrale, peut-être avec des intervenants extérieurs…
Cette ville de belles pierres, élégante comme une grand-mère qui voudrait toujours être dans le coup, mais avec distinction, dissimule des secrets de violences et de morts. Notre guide nous raccompagne jusqu’à la place de la comédie et disparaît dans le soir …comme il était apparu…