Alors qu’il est communément admis que la réussite doit être financièrement récompensée, le niveau atteint par les « rémunérations » attribuées aux grands patrons ne manque pas d’interroger, illégitime pour certains, indécent pour d’autres, non pertinent en terme de management, autant de réactions que les montants astronomiques atteints, ne font qu’attiser.
Des augmentations fulgurantes …
Les patrons les mieux rémunérés de France touchent entre 600 et 1120 années de SMIC par an, sans toutefois tenir compte de tous les avantages annexes qui accompagnent ces mirobolants salaires. Entre le montant du SMIC et la rémunération moyenne des PDG du CAC 40 l’écart est quant à lui de 1 à 100, écart qui a bondi au cours des dernières décennies.
Ecart qui était de 1 à 20 en 1965 aux Etats-Unis selon les recommandations du célèbre banquier J.P. Morgan, de 1 à 30 en 1978, de 1 à 60 en 1990, de 1 à 300 en 2000 pour passer à 373 en 2015, écart entre la rémunération des grands patrons et des salariés les moins qualifiés, multiplié par 20 en 50 ans. Quels que soient les talents de ces chefs d’entreprise, rien n’indique que leur performance, leur effort et leur niveau de responsabilités aient été multipliés par 20 depuis les années 60, loin de là !
Les conseils « barbichette »
Alors que certains affirment qu’il existerait un incontournable « marché des talents », et que les rémunérations exorbitantes correspondraient au prix du « marché des compétences », d’autres pensent clairement que ce marché libre n’est pas très objectif tant la consanguinité des conseils d’administration et de surveillance favorise sans aucun doute l’attribution de tels niveaux de rémunération par le fait qu’ils se l’attribuent eux-mêmes, aux travers de leurs administrateurs, avec lesquels ils partagent les mêmes intérêts et les mêmes réseaux, d’où leur surnom de « conseils barbichette » (réfèrence à la célèbre comptine)..
Rémunération du patron et valeur actionnariale
Depuis que les rémunérations sont publiques, les dirigeants sont d’autant mieux payés que les conseils d’administration veillent à doper la valeur actionnariale. Ainsi tous les signes, la rémunération en premier, visant à donner du dirigeant une image exceptionnelle ne font que conforter la confiance en l’entreprise. A la fois rémunération mais aussi facteur d’influence la rémunération devient un instrument laissant par exemple à penser que la société la plus fiable est celle qui rémunère le mieux son patron. Effet, ô combien pervers, et responsable en grande partie de l’inflation des rémunérations !
- Carlos Tavares
- Photos de @Kmeron pour la conférence LeWeb11
Faut-il une régulation ?
Au-delà des querelles idéologiques sommaires et souvent caricaturales qui opposent les français au sujet de ces rémunérations, on peut tout simplement constater, pour les raisons que nous venons d’invoquer, que ces revenus sont nettement supérieurs à ce que la compétence, l’effort demandé, le talent et les responsabilités réelles peuvent justifier. La rémunération du dirigeant atteint de la sorte des niveaux bien au-delà des désirs d’un simple individu et assure la prospérité éternelle à toute sa descendance. Est-ce bien cohérent et raisonnable dès lors que ces patrons disposent par ailleurs de mécanismes de protection très importants en cas de départ de l’entreprise quelle qu’en soit la raison, ce qui limite le risque à pas grand-chose et rend même parfois l’échec rémunérateur !
Sans sombrer dans une critique systématique, on ne peut que constater que cette situation produit des écarts de rémunérations injustifiables tant sur le plan économique que social. Malgré quelques promesses patronales, la progression exponentielle de ces rémunérations, indifférente à la crise, n’a jamais cessé.
Comme la courbe du chômage, l’encadrement des salaires des grands patrons est un échec pour le gouvernement Hollande, alors que les rémunérations extravagantes exaspèrent des actionnaires pas du tout écoutés par les conseils d’administration.
La mondialisation incontournable de ce système de rémunération et le risque de fuite des meilleurs capitaines d’entreprises, arguments soutenus par les économistes libéraux en cas de limitation des salaires, ne devraient pas faire oublier que de telles extravagances ne se justifient pas, que les entreprises ont été par le passé fort bien dirigées sans que leurs patrons ne soient « gavés », et qu’enfin le sentiment d’iniquité ressenti et la démotivation qui en découle ne peuvent que porter préjudice aux performances des entreprises.
La détérioration du climat social et la colère qui gronde nous rappellent sans aucun doute, que tout a des limites ….
« Dernière minute » : Carlos Tavares, dirigeant du groupe PSA déclare « Je me considère comme un joueur de football ou comme un pilote de Formule 1 ». Déclaration on ne peut plus claire, les bulles aux rémunérations indécentes sont solidaires entre elles, il ne nous reste plus qu’à les admirer, tout est dit …..

Ecrit par Dominique Mirassou
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