Michel Serres, invité de l’Institut Bernard Magrez

Le 16 mai dernier, Michel Serres était l’invité de l’Institut Culturel Bernard Magrez, pour y présenter son dernier livre, Darwin,Bonaparte et le Samaritain.



Il faut croire que ce à quoi l’on consacre ses premières années de recherche laisse définitivement son empreinte. Michel Serres a jadis produit une thèse de doctorat sur le philosophe du 18ème siècle, Leibniz, qui fût publiée sous le titre Leibniz et ses modèles mathématiques. Certains savent peut-être encore que Leibniz est réputé être un philosophe de l’optimisme. Voltaire, qui n’avait sans doute pas compris grand-chose à Leibniz, l’habilla de ridicule sous les traits de Pangloss dans son Candide . Un de mes enseignants nous disait il y a maintenant 25 ans : « un pessimiste, c’est un optimiste qui a de l’expérience ». De l’expérience, Michel Serres en a, mais il n’a cessé d’accorder sa confiance à l’humain : son expérience, celle de sa vie personnelle, marquée par la guerre et celle de l’humanité, dont l’histoire est la mémoire critique.

Déjà abordée à de multiples reprises dans son œuvre, la question de l’histoire revient dans cet ouvrage, Darwin, Bonaparte et le Samaritain, en une approche que Leibniz n’aurait pas reniée : articuler une compréhension globale à l’étude de faits locaux. Car l’homme est un fait local. D’abord, parce qu’il est un habitant d’une terre, qui est son lieu, n’en déplaise aux spationautes utopistes, dont l’insignifiance à l’échelle de l’Univers n’échappera à personne. Ensuite parce que Charles Darwin est celui dont le nom est associé à l’acte de réinscription de l’histoire de l’homme dans celle du vivant. Précisément : la vie a une histoire dont l’homme n’est qu’un chapitre. Et si l’on nous a fait répéter que l’histoire commençait avec l’écriture, espérant par là en faire un trait singulier de l’humanité, il faudrait commencer à s’aviser, dans le sillage de ce que les sciences nous apprennent, que l’écriture humaine n’est qu’un cas particulier d’une écriture qui celle de la Vie et dont les êtres vivants sont les pleins et les déliés, tous porteurs d’empreintes codées. Ainsi, le premier temps de l’histoire est celui du vivant.

Le second temps de l’histoire est celui de l’effacement, à l’image de ce que Primo Levi raconte de son passage dans les camps d’extermination. Le bourreau nazi défigurait sa victime cherchant par là à effacer l’empreinte d’humanité qu’est son visage. La singularité de l’homme dans l’histoire est en effet moins glorieuse qu’on ne le pense : l’histoire locale de l’homme est celle de son auto-destruction. L’histoire humaine n’est qu’une litanie de dates marquant la succession des guerres et des massacres. La paix, mot si cher à Michel Serres, n’est qu’une situation d’exception, une halte. Gengis Khan, Bonaparte, Hitler, et d’autres, ne furent pas artisans de paix et ils ont façonné notre monde.

Le troisième temps de l’histoire est le temps qui s’ouvre devant nous et qui nous invite à faire la paix : faire la paix avec le vivant dans le souci écologique de l’homme dans son lieu de vie, et faire la paix avec l’homme lui-même en fidélité au geste du bon samaritain dont l’Evangile de Luc nous dit qu’il pris soin de son frère, l’étranger, délaissé par ceux qui s’étaient drapés de l’indifférence que donne parfois le sentiment d’être dans le camp des puissants et des justes. Déjà dans le Contrat naturel (1990), Michel Serres montrait que le soin du monde était indissociable du soin de nos frères humains. On ne prendra pas soin de la nature dans la haine de nos semblables. C’est ce que le premier temps de l’histoire nous montre et que Saint François d’Assise chante dans son cantique des créatures. Nous voilà revenus au point de départ.
Darwin, Bonaparte et le Samaritain
Editions Le Pommier
185 pages,
Broché
Prix : 19€
ISBN : 978-2-7465-1098-2
Date de parution : 14/09/2016

Ecrit par Marc


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