La médecine est-elle tout à fait une science ?

La question posée est raide tant le mot « science » joue avec de multiples sens. Les élèves du secondaire et aussi les professeurs l’opposent à la philosophie, la littérature, les langues, l’histoire, la géographie, etc. et le limitent aux mathématiques, la physique, la chimie, la biologie.



La science, un savoir avant tout
La biologie !! Tiens, tiens, voici un mot qui nous ouvre la porte de la médecine, sans que nous ne connaissions encore le lien entre la science et la médecine. En première approximation, il semble que la biologie joue le rôle d’une porte battante qui s’ouvre et se ferme sur les deux sujets. On conviendra que médecine et science ne sont pas du même acabit, alors que la médecine pointe sur les multiples maladies qui agressent la femme et l’homme, la science œuvre sur d’innombrables sujets depuis la plus petite particule (quark) jusqu’à l’univers dans sa totalité. La science est synonyme de progrès pour les pays, pour la société, pour les conditions de vie, pour le développement économique et social mais elle peut aussi agir aux dépens des femmes et des hommes, aux dépens de leur liberté, aux dépens de leur vie. Rappelons que la relativité générale de Einstein a débouché sur les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki ! Certes, on parle toujours du progrès de la science mais le progrès peut cacher un déclin, une décadence, une barbarie. Disons que c’est plus la faute à l’homme qu’à la science. Et d’abord, devons-nous parler des sciences au pluriel ou au singulier ? Des deux ! Mais vous ne parlez pas de la même chose selon le choix que vous faites. Quand vous parlez au pluriel, vous parlez des multiples domaines des sciences, quand vous parlez au singulier vous parlez de la science qui regroupe toutes les sciences, de son aspect universel, de la technique, de la méthode pour fiabiliser les résultats. La science, quelle qu’elle soit, se présente sous la forme de connaissances, de techniques, de pratiques dans le domaine traité. Le scientifique est pour l’essentiel un abstrait qui approfondit sans fin son sujet. Il est cet abstrait qui jongle avec des éléments spécifiques à son domaine comme les atomes, les électrons, les équations, les tenseurs en mathématique, les gènes (voir notre dernier prix Nobel : Emmanuelle Charpentier). Mais aussi il est ce praticien énergique, obstiné, résolu, têtu dans son laboratoire. Rien ne l’arête sauf la découverte et le succès qui va avec.

Albert Einstein

Mais les sciences peuvent aussi dériver sur des chemins abstrus à la façon des sciences humaines au risque de réduire l’homme à un objet. « Quitte à l’effacer comme à la limite de la mer un visage de sable » (Michel Foucault dans « les mots et les choses »). Ce qui caractérise les sciences, c’est l’approfondissement sans fin du savoir. Il y a toujours quelque chose à découvrir, à comprendre, à améliorer, à inventer, quel que soit le domaine concerné, quel que soit l’époque.

La médecine
La médecine est souvent perçue comme un art, une connaissance maîtrisée soumise à l’émotion. Ici il ne s’agit plus d’imaginer, il faut d’abord agir et parfois vite. A l’inverse d’un scientifique qui n’intègre pas ( ou peu) la notion de temps dans sa recherche, le médecin fait face à un patient, à une vie qui n’est pas forcément en jeu mais qui a une valeur sans commune mesure avec n’importe quels sujets scientifiques. Si la science est souvent dans l’abstraction, le médecin est toujours face aux contingences du monde. Le médecin est proche de la compassion de Camus, celle qui fonde l’homme : En reconnaissant la souffrance de l’autre et en souffrant avec lui, je libère l’autre d’une partie de sa souffrance. C’est ce que l’on nomme « humanité ».

Médecine versus science
Nous sommes dans deux domaines distincts : D’un côté, le savoir de la science, un savoir reconnu, un savoir académique, une abstraction vissée dans les fondements de nos connaissances ; De l’autre, l’humanité du médecin face à l’inquiétude du patient. Et pourtant l’un ne va pas sans l’autre. S’il n’y avait pas la science, nous serions restés à la médecine du XVIII° siècle, avant Pasteur, à cette époque le cancer avait trouvé son maître : La tuberculose. Ce n’était pas pour autant une époque de progrès.

Matériel d’magerie Médicale

La notion de microbes n’était même pas connue. Les infections pullulaient, la chirurgie se heurtait aux suppurations post opératoires. Ce ne fut qu’à la fin du XIX° siècle que Louis Pasteur posa les bases de la vaccination qu’il appliqua pour la première fois sur Joseph Meister très gravement mordu par un chien enragé. Le « là » était donné. Le traitement des maladies infectieuses par les sérums naquit en 1890. A l’immunité cellulaire succéda l’immunité humorale, la notion d’anticorps émergea plus tard dans les années 1930. Le basculement vers de nouvelles découvertes qui enrichirent la médecine se fit au tout début du XX° siècle. Ce fut d’abord la découverte des rayons X, puis la radioactivité naturelle par Henri Becquerel, puis le radium par Marie Curie et son mari. Ce fut l’émergence de la radiologie et son prodigieux essor : notons la radiothérapie, la curiethérapie contre les tumeurs cancéreuses, l’échographie à base d’ultrasons découvert par Paul Langevin, l’échographie Doppler pour les problèmes cardiaques, le laser pour corriger la vue et enfin l’IRM (imagerie par résonance magnétique nucléaire) et l’imagerie en trois dimensions. De nos jours, la science a explosé dans tous les domaines, ces découvertes comme ces inventions bénéficient à la société entière et en particulier à la médecine.

Le savoir et le pouvoir
Le savoir issu directement de la science se transforme très vite en pouvoir et c’est toute la différence qu’il y a entre la science pure et sa mise en œuvre dans la société. Certes ces deux domaines sont liés mais seule une véritable osmose entre les deux bénéficiera à l’ensemble de la communauté. Il n’y a pas ou mieux il ne doit pas y avoir d’opposition ou pire de compétition entre les deux domaines en question. Reprenant le titre de notre sujet : « La médecine est-elle tout à fait une science ? » on peut dire que la médecine est concrète, la science est abstraite, la médecine est une pratique, la science est un concept, c’est-à-dire le réel sans le réel. Les deux sont intimement liés, c’est un couple entre pouvoir et savoir. L’un n’est jamais complètement l’autre, autrement dit l’un n’est jamais tout à fait l’autre. On peut en rester là. Il me semble que nous avons répondu à la question.

Ecrit par Serge Sampoux


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