Bordeaux
C’est dans un local SNCF près de la gare St Jean, puis, dans une cave de la rue des Bahutiers, mais encore dans un espace lové à l’ombre tutélaire de l’entrepôt Lainé et enfin au 49 de la rue Carpenteyre et au 1&3 rue Beyssac que le Théâtre La Lucarne et sa Compagnie l’Œil ont vagabondé depuis la date de leur création en 1968.
Le Théâtre
Entouré d’une soixantaine de bénévoles, le fondateur Jean-Pierre Terracol, après avoir permis à son bébé de renaître plusieurs fois de ses cendres, préside avec un enthousiasme apparemment intact à son heureuse destinée.
Le théâtre propose une centaine de représentations par saison (70% de compagnies, 30% de créations avec un but à 50/50) et reçoit environ trois mille personnes chaque année. Ces personnes sont des adhérents qui payent une cotisation de 5 euros. Une soixantaine de comédiens cotisent pour pratiquer une activité artistique.
Une programmation axée sur la recherche d’acteurs contemporains, bordelais pour la plupart, fait de « La Lucarne » un véritable tremplin pour beaucoup de professionnels. Le théâtre est reconnu par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD).
« Le théâtre de boulevard ne nous convient pas, nous sommes des passeurs depuis bientôt quarante ans », ajoute Jean-Pierre Terracol.
- Le théâtre La Lucarne a été inauguré le 6 novembre 2015 par Alain Juppé
La Société d’éducation populaire
Jean-Pierre Terracol tient à préciser que l’association est en plus une société d’éducation populaire qui propose des ateliers de théâtre une fois par semaine et reçoit une vingtaine d’élèves de tous âges.
« L’école permet de renouveler la compagnie et nous pouvons ainsi monter des pièces avec trois ou vingt personnages ce qui est rare dans un théâtre professionnel. Pour nous la notion de troupe est importante, nous sommes une vraie famille ! ». « Nous rencontrons aussi les habitants du quartier. Ils montent sur scène lors des soirées, écoutent des musiques africaines, des contes du Sahara », précisions fort importantes selon Jean-Pierre Terracol.
Les travaux
Pas très difficile, comme il l’avoue d’ailleurs, de se rendre compte que ce théâtre est tout à la fois, l’enfant et l’étoile de son directeur. Suite à la réhabilitation mise en œuvre par la Ville de Bordeaux dans le cadre du projet avec InCité, les locaux ainsi créés, à notre avis très bien réalisés permettent d’envisager l’avenir avec confiance et optimisme. Trois architectes de talent, Messieurs Brachet de Lavalette, Gueysse et Monestier, ont à l’évidence su créer un lieu où l’âme de l’ancienne Lucarne palpite encore, entourée de ses vénérables pierres.
- Une découverte à la Lucarne, Pierre Palmade...
Les projets
« Mon vœu le plus cher est de continuer à créer et à former. Faire que par le théâtre, des jeunes, des moins jeunes, ceux qui s’ennuient, ceux qui souhaitent se réinsérer se sentent bien. Poursuivre l’éducation par la culture et l’art, favoriser et amplifier les « Cultures de proximité », tels sont les projets de l’inspirateur des lieux.
Le soutien de la mairie, avec notamment un loyer annuel demandé, diminué de près de 50% par rapport à l’ancien propriétaire privé et des économies d’énergie conséquentes suite à la rénovation, permet de maintenir des tarifs bas, ce qui selon Jean-Pierre Terracol est fondamental pour un théâtre populaire. Un régisseur a pu ainsi être embauché en CDI.
Des spectacles pour jeune public le mercredi (4 ans) sont en projet.
- "L’Auberge Fameuse" de Michel Suffran, mise en scène Jean-Pierre Terracol, à la Lucarne.
- Affiche de "L’Auberge Fameuse" de 1986.
Les saltimbanques
« Par rapport à la crise que connaissent de nombreux quartiers et notamment Saint Michel, les saltimbanques ont un rôle à jouer, encore faut-il qu’ils ne soient pas eux-mêmes sous le seuil de pauvreté. Qu’un comédien professionnel ne puisse pas vivre avec un salaire minimum garanti me désole ».
Le théâtre souffre du marasme économique, les théâtres sont remplis de « vieux », il faut rajeunir les publics en les surprenant. Non pas décliniste mais néanmoins lucide, Jean-Pierre Terracol nous dit maintenir son credo de la fête populaire et des cultures associées par toutes formes d’art. Il importe de donner des réjouissances de partage et d’amitié et sans beuveries.
Doté d’un regard acéré, bienfaisant et vif sur la vie et sur les hommes, Jean-Pierre Terracol nous rappelle avoir fondé « jadis » à la gare le club artistique « l’œil », parce-que Jean Louis Barrault disait toujours : « le comédien c’est le regard ».
Je me permettrai d’ajouter qu’au symbolique « œil de la connaissance » Jean-Pierre Terracol ne cesse d’œuvrer afin de lui adjoindre le regard de la fraternité, de la tolérance et pourquoi pas de la tendresse humaine.

Ecrit par Dominique Mirassou
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