Bordeaux
Au détour d’une des allées principales de ce petit Eden Bordelais, asile d’harmonie et de beauté où règne une palpable sérénité, je veux parler du Jardin-Public, François Mauriac, le plus jeune après Montaigne et Montesquieu des 3 M célèbres de notre cité, vous accueille sous la forme d’un Janus élégamment ciselé.
Une œuvre d’Ossip Zadkine
A peu près à hauteur du cours de Gourgues, à l’angle de deux allées, le buste de Mauriac réalisé en 1943 par Ossip Zadkine est le seul buste de l’écrivain installé dans sa ville natale.
Invisible depuis la voie publique, au milieu des arbres et soumise aux caprices du vent et de la lumière, l’œuvre interroge à l’infini en raison d’une très grande richesse symbolique.
La dualité
Zadkine avec une grande finesse artistique nous propose derrière l’aspect lisse d’un visage de parfait bourgeois bordelais, un portrait en creux où ombres et lumières pénètrent et révèlent au gré du temps et de la couleur capricieuse du ciel, les tourments infinis qui habitent l’homme et l’écrivain.
L’homme est coupé en deux, avec d’un côté du visage, l’épaule et l’avant-bras qui reposent en équerre, tout à fait solidement dans l’attitude d’un homme bien installé dans la vie. Du côté du cœur tout à l’inverse, s’élève une main posée sur l’épaule pour effleurer le dos en une sorte d’audacieux et incontournable retournement sur soi-même, expression sensible qui traverse et semble emporter tout le personnage.
La finesse de l’œuvre
L’arête fine du profil découpée de l’œuvre divise et met en opposition la dualité de l’être dont l’inaccessible harmonisation se confirme tant la part la plus rigide du personnage ne perd jamais de sa force.
L’oreille très bien découpée et ouverte au monde, les yeux qui grâce à la technique cubiste regardent en des directions opposées, symbolisent on ne peut mieux le François Mauriac à l’écoute des hommes et témoin de son temps.
Représentée avec talent, à travers cette statue, la personnalité et la part de mystère de François Mauriac y sont très finement évoquées dans une œuvre artistique où le fond et la forme ne font plus qu’un.
Tout n’est pas dit, mais sans aucun doute tout est devant nos yeux, et il importe donc de bien les ouvrir.
Notre monde étant très loin d’être parfait, la fameuse statue fut dérobée un jour de 1993, laissant un malheureux et épouvantable socle vide. Retrouvée deux ans plus tard avant d’être offerte à la famille de François Mauriac, c’est une copie qui reprit sa place et le jardin-public retrouva joie et bonheur, tout en discrétion cependant, tant les dialogues entre l’écrivain, les passants et la nature relèvent le plus souvent d’une harmonie silencieuse. Il parait même que les canards du jardin s’en réjouirent.
Il vous attend, histoire de partager un instant de complicité féconde …
N.B. Les photos prises ce jour font ressortir malheureusement, pas clairement et clairement à la fois qu’un « débarbouillage » des statues du jardin-public ne serait pas un luxe !
Sources (Le Festin Hors-Série, 101 objets et symboles qui racontent Bordeaux).

Ecrit par Dominique Mirassou
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