Bordeaux
C’est dans les locaux des Archives Départementales que se tient une exposition sur André Gide. Pour illustrer cette exposition Pierre Masson - Professeur émérite à l’Université de Nantes- Président de l’Association des Amis d’André Gide. a tenu une conférence. L’intervention de Monsieur Pierre Masson a été précédée de lectures théâtralisées extraites des « Nourritures Terrestres » interprétées par la comédienne Sonia Vollereaux avec beaucoup de talent et de conviction.
C’est avec tout son talent de comédienne que Sonia Vollereaux nous donne à écouter et à vibrer aux sonorités et aux mots « d’extraits interprétés » des Nourritures Terrestres. Redécouvrir ainsi un livre longtemps de chevet, lu et relu de nombreuses fois, fut un véritable bonheur, et de conclure : « Nathanaël jette mon livre qui n’est qu’une des mille postures de la vie, cherche la tienne. » Délivrées avec la tonalité et la ferveur requises, ces quarante cinq minutes de lecture furent suivies avec grande attention et dans le plus profond silence par une assistance toute à son émotion. L’introduction à la conférence était on ne peut mieux réussie.
- Sonia Vollereaux
- photo Bordeaux Gazette - Bernard Lamarque
Pierre Masson nous dresse ensuite le tableau d’un André Gide n’ayant eu de cesse de se réinventer une famille. Fils unique, très vite orphelin, il a dès le début de sa vie un sentiment de solitude extrême, et un besoin de camaraderie et de fraternité. A la recherche d’un grand frère à admirer, Gide l’enthousiaste est un adepte du compagnonnage élitiste, car selon lui l’amitié ne saurait être qu’une relation qui tire vers le haut, la fraternité doit corriger et exiger. Gide parle souvent de rendement, de donner son maximum … Il dit avoir fait profession d’amitié, tout en souhaitant qu’on le préfère. Entre compagnonnage hédoniste et complicités intellectuelles, il souhaite « suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant ». Trois événements essentiels de sa vie vont bousculer le parcours de ce bourgeois plutôt élitiste et individualiste mais aussi très compassionnel. Une expérience de juré à Rouen en 1912 où il constate les dysfonctionnements du système judiciaire, en août 1914 au foyer franco belge où il souffre à la vue du traitement réservé aux réfugiés, et enfin un voyage au Congo avec Marc Allégret où il ne peut que constater certaines roueries de coloniaux et autres exactions d’un administrateur local, au milieu d’une grande misère.
- Pierre Masson Président de l’Association des amis d’André Gide
- photo Bordeaux Gazette - Bernard Lamarque
Tous ces événements vont faire de l’écrivain enthousiaste et très sensible aux injustices et à la souffrance, une figure du communisme et un membre de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires. Il devient une figure active du Parti Communiste qui inaugure entre autres la rue Gorki à Villejuif, en compagnie de Maurice Thorez. Ce coude à coude fraternel plaît à Gide. Un voyage de six semaines en URSS lors de l’été 1936 va mettre fin à cet engagement. Il se heurte à la réalité d’un Stalinisme auto satisfait et d’un mur de satisfaction bien peu sincère. De nombreuses rencontres non officielles lui tracent un tout autre portrait de la situation. Gide rompra avec le PC, mais restera engagé individuellement (Terre des Hommes). Il devient alors un propagateur de la réconciliation européenne et un ennemi de tous les totalitarismes (discours d’août 1946) : « Vaincu dans la guerre, ne laissons pas le totalitarisme l’emporter dans la paix ».
Gide mourra le 19 février 1951 … Quelques questions du public viendront clôturer cette conférence de grande qualité, les présents malheureusement pas assez nombreux en sont partis instruits et ravis. Un grand merci aux conférenciers.

Ecrit par Dominique Mirassou
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