Monségur
Si comme nous avons souvent coutume de le dire : « Nul n’est prophète en son pays », il est tout aussi fréquent de constater que Bordelais et Girondins ne connaissent pas toujours très bien l’histoire ainsi que les plus beaux sites de leur propre territoire. En route donc pour la superbe bastide de Monségur.
Point de Cathares à l’horizon mais des « Gavaches »
Lorsqu’un visiteur demande à un Monségurais, habitant de Monségur (Gironde) où se trouve le Château des Cathares (eh oui ça arrive ?). Il s’entend répondre aujourd’hui en français hier en Gavache : « Ici il n’y a pas de Cathares bien que nous soyons toujours un peu hérétiques il n’y a que des Gavaches. » Si l’étymologie du nom de Monségur est partout la même, venant de « Mont et securus », c’est-à-dire les cités et bastides des XIIème et XIIIème siècles, au temps d’Aliénor d’Aquitaine, bâties et perchées sur un rocher afin de mieux protéger leur population des envahisseurs potentiels. Le Monségur de l’Entre Deux Mers a une spécificité culturelle et identitaire, en effet on y parle le Gavache (de l’espagnol Gabacho , mot d’origine complexe, désignant péjorativement le français, celui qui habite au nord, ou encore celui qui parle mal la langue ….) qui remonte à l’implantation d’une population venant de la Saintonge, de l’Angoumois et du Poitou, qui permit de repeupler progressivement la région selon les thèses les plus scientifiques et les plus probables de Leo Drouin et du Pr Boutruche.
« Guerre de cent ans » et épidémies de peste
Cette région dévastée par la guerre de cent ans qui prit fin en 1453 lors de la bataille de Castillon et la défaite de Talbot ainsi que par les épidémies de peste successives qui sévirent au cours du 15éme siècle jusqu’en 1525, connait alors une importante désertification. Aussi, pour attirer les populations, les seigneurs accordèrent aux immigrants des avantages juridiques exceptionnels comme l’attribution de tenures (terres) héréditaires, véritables propriétés en puissance, surtout lorsqu’ils obtinrent le remplacement de la rente par tènement par la rente par unité agraire. L’obligation d’y construire une maison, d’y résider et de les remettre en culture, permit à de nombreuses terres d’accueillir de nouveaux propriétaires et de reprendre vie.
Une nouvelle « langue »
Ce repeuplement eut plusieurs conséquences, d’abord celui d’un syncrétisme des langues, par un mélange de la langue d’oïl (parlé du Nord, vieux Français) et de la langue d’oc (parlé de la région, occitane) qui créa une nouvelle langue appelée « Gavache » parlée alors dans tout le haut agenais mais plus beaucoup utilisée aujourd’hui. Cette région, appelée la « Gavacherie », comprenait 40 paroisses, 15 communes des cantons de Monségur, 9 de celui de Pellegrue, 6 de Sauveterre, 10 de la Réole, 3 de Duras (47) et 6 de Seyches.
Un nouvel apport de population
L’habitat en fût un peu modifié, les puits en ogive apparurent, les maisons aux toits en tiers points, aux pentes plus utiles dans leur région d’origine, en pierre dure et en moellons irréguliers remplacèrent en partie celles en torchis et furent agrémentées d’embrasures en pierre de taille.
Des noms aux terminaisons en AUT ou EAU, comme Dussaut, Dumazeau ou Granereau se mêlèrent aux noms aux consonances plus gasconnes. Ce mélange fût aussi à l’origine d’un enrichissement certain : grâce à l’apport de cette paysannerie, des commerçants, des professions libérales, des services agricoles, des services administratifs, une garnison, s’installèrent. Ainsi se développa une « Gavacherie » réputée pour sa qualité et sa douceur de vivre dont Monségur devint la capitale.
Un dynamisme accueillant
Ce dynamisme perdure de nos jours à Monségur, Monségur, ce bateau ou ce navire (la forme de la ville, vue d’en haut) circonscrit à l’intérieur de ses remparts datant du XIIIème siècle. En son centre trône la Halle tout en métal d’inspiration Baltard, ancien marché aux bestiaux, qui abrite aujourd’hui la plupart des activités culturelles, commerciales et festives de cette grosse bourgade. Nous y reviendrons dans un prochain article, d’autant que ce « coin de Toscane » en sud-gironde, chargé d’histoire mais aussi festif et accueillant, mérite votre visite et votre intérêt !!!
C’est grâce aux confidences amicales et à l’érudition de René Servant, Monségurais connu de tous et très actif dans sa commune, que nous avons pu recueillir lors d’un trop court séjour, toutes ces informations, qu’il en soit chaleureusement remercié !!!
Ecrit par Dominique Mirassou