Bordeaux
La pandémie dite "Grippe Espagnole" a fait entre vingt et cinquante millions de morts, mais personne n’en a trop parlé sauf les espagnols qui eux n’étaient pas en guerre alors qu’on comptabilisait les morts au combat dans le reste de l’Europe.
La "grippe espagnole" doit effectivement son nom au fait que cette pandémie, qui s’est essentiellement manifestée en deux vagues l’une en 1918 de mi septembre à décembre et l’autre de février à mai 1919 n’a eu droit à aucune publicité du fait de la censure qui sévissait dans l’Europe en guerre durant cette période. Ces deux vagues montrent bien ainsi ce que redoute un peu tous les gouvernants actuellement avec le Covid 19, à savoir une vague de rebond à moins que ce ne soit les autorités elles mêmes qui provoquent les rebonds pour la stratégie de déconfinement, d’autant qu’une première vague assimilée à une grippe saisonnière s’était manifestée au printemps 2018 portant le tout à trois vagues d’attaque. A cette époque on n’a peu parlé de cette succession épidémique même une fois le chapitre de la guerre clos et ce n’est que plus récemment que des études ont été entreprises sur cette période et son virus qui s’avère être du type H1N1. Ce n’est qu’en 2005 qu’une étude sur le virus (reconstitué à partir d’un prélèvement de poumon d’une femme décédée lors de la pandémie de 1918 en Alaska et enterrée dans le permafrost*), tend à montrer que son origine était aviaire. Cette pandémie est venu gonfler le nombre des victimes de la guerre de 14-18 qui a laissé l’Europe exsangue avec un champ de morts. Des études récentes ont mis en évidence que cette pandémie avait affaibli la population entraînant un nombre considérable de décès dans les années suivantes après son extinction. Sarah Diffalah montre dans un article de l’Obs que la même incrédulité face à la menace d’un siècle à l’autre n’a pas variée et que la première réaction a été de prendre à la légère les premières manifestations de cet "influenza" avec la première attaque du printemps 1918. Un autre article de Pierre Guillaume paru en 1978 fait un point assez précis de la situation de la mortalité grippale à Bordeaux durant la période de l’automne 1918 mais pas de la période 1919.
- Séance de cinéma à l’hôpital militaire américain de Royat, Puy-de-Dôme, France.
Bien sûr dans ce genre d’événement on cherche à savoir d’où vient le virus avec ce que l’on appelle aujourd’hui : la recherche du patient 0 pour le Covid 19. C’est dans l’Oise qu’il aurait été identifié mais on tiendrait son identité secrète selon les dernières informations. En ce qui concerne la grippe espagnole, il en est un peu de même car si l’on identifie historiquement le point de départ aux Etats-Unis sur la base militaire de Fort Riley au nord-est de l’État du Kansas. L’épidémie se serait propagée ensuite à la fois en Amérique du Nord et vers l’Europe, lors du débarquement de la force expéditionnaire américaine à Bordeaux en avril 1917 la première attaque survenant au printemps 18. Un intéressant article de Sud-Ouest place donc l’arrivée des troupes américaines en juin 1917 donc avant le premier épisode de "grippe espagnole" du printemps 1918 en Europe. Des hôpitaux de campagne de dimensions jusqu’alors inégalées furent édifiés autour de Bordeaux, à Mérignac-Beaudésert notamment, ou installés dans des bâtiments préexistants, comme le château Trompeloup à Pauillac, le Petit Lycée de Talence. Pour rassurer les bordelais il y a eu d’autres régions où le corps expéditionnaire américain s’est installé avec les troupes combattantes et Bordeaux n’est pas vraiment considéré comme un des foyers de la "grippe espagnole" mais des cas s’y sont déclarés à Bassens. On peut consulter la page habitants, lieux mémoires rive droite qui donne une excellente vue de la présence américaine sur la rive droite de l’agglomération bordelaise pendant la guerre de 14/18. C’est dans l’article La grippe espagnole (1918-1919) dans les journaux français de Françoise Bouron que l’on trouve les données les plus précises sur l’importance de cette pandémie dans le cadre de la Première Guerre Mondiale qui a peut être accéléré la fin du conflit. En attendant chaque soir nous avons droit à la longue litanie des victimes créant un réflexe d’angoisse chez ceux qui écoute ces morbides nouvelles.
* permafrost ou pergélisol est constitué thermiquement de trois couches : la première dite « active » dégèle en été et peut atteindre jusque deux à trois mètres ; la seconde, soumise à des fluctuations saisonnières mais constamment sous le point de congélation, constitue la partie du permafrost stricto sensu et s’étend à une profondeur de 10 à 15 mètres
Illustrations site Tous les jours curieux portfolio
Ecrit par Bernard Lamarque
Co-fondateur de Bordeaux Gazette
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