Bordeaux
Les Chartrons tirent leur nom des Chartreux de Vauclaire* qui, fuyant la guerre, s’établissent en 1383 hors les murs dans la palus au Nord de Bordeaux à une époque ou l’espace religieux se dilate.
La naissance du quartier
Au XIVème siècle, les murs de la ville délimitent une superficie de 170 hectares qui englobent le quartier actuel de l’Intendance, le cours du Chapeau-Rouge et un vaste faubourg méridional jusqu’à Sainte-Croix formant la ville médiévale et seul, hors les murs Saint Seurin, se développe le tout entouré d’une auréole de vignobles. C’est à cette période que les Chartreux viennent s’installer dans les palus du Nord de la ville. Au XVIIème siècle, un ingénieur flamand nommé Conrad Gaussen à la demande d’Alphonse d’Ornano assèche cette zone au Nord de la cité ancienne où les Chartreux s’étaient installés à l’heure où Bordeaux n’était pas encore sortie de l’âge médiéval avec sa vaste muraille ébréchée, encombrée de bâtiments parasites, trouées de porte vieillottes. En appliquant les mêmes méthodes que dans son pays par dérivation et endiguement, il va assainir et rendre "occupable" cette vaste zone au Nord de la ville, ville qui, à cette époque, ne représentait guère plus de trente mille habitants. Cette mise en accessibilité et en valeur amène le développement du négoce et l’arrivée au XVIIIème siècle de nombreux négociants étrangers britanniques et hollandais qui sont très friands de l’implantation bordelaise, déclenchant une fièvre de bâtir le long du fleuve. Par exemple les Écossais et les Flamands viennent acheter du vin en échange de harengs et de poissons salés dès 1500 car le Whisky n’existe pas sous sa forme actuelle et les Écossais ne boivent que du vin de Bordeaux. Au XIXème et XXème siècle les Chartrons vont devenir un véritable mythe celui du quartier du négoce entre le pavé des Chartrons et le cours du Médoc et un peu plus loin il reste assez de place pour construire un autre quartier mythique celui de Bacalan.
- Balcons sur trompe et ferronnerie
Le faubourg des Chartrons
Dans ce faubourg, l’intendant Tourny au XVIIIème siècle va transformer un chemin fangeux au Nord du château Trompette dit chemin de la Fausse Braye en le faisant paver et planter d’arbres devenant le cours pavé des Chartrons. Entre 1770 et 1780, après le départ de Tourny, le Maréchal de Richelieu, gouverneur militaire de Guyenne et Maximilien Meriadeck de Rohan vont donner une impulsion forte à la construction privée, avec d’une part la construction du Grand Théâtre édifié sur une partie du glacis du château Trompette à l’instigation du Maréchal de Richelieu et Maximilien Meriadeck de Rohan, lui n’aura pas le temps de s’installer dans le palais portant son nom, qu’il a fait construire, nommé comme prince-évêque de Cambrai. Les lotissements comme celui initié par Maximilien Meriadeck de Rohan à l’Ouest, vont changer l’aspect du cours pavé avec les lotissements des terrains Dumas puis sur les terrains Mitchell pilotés par les frères Laclotte donnant naissance a un parc immobilier à destination des riches négociants, caractéristique avec les balcons sur trompe et leur ferronnerie que l’on peut voir encore aujourd’hui. Durant le XVIIème siècle Bordeaux va être un chantier perpétuel et la spéculation foncière et immobilière va être de la folie. Tout cela ressemble un peu à ce qui se vit aujourd’hui mais pas forcément avec la même réussite esthétique, ce dont beaucoup se plaignent. Ce n’est qu’au XIXème siècle après la destruction totale du château Trompette que le cours sera prolongé jusqu’au bord du fleuve en rejoignant les quais qui ne sont pas encore spécialement pavés ni guère construit au delà de l’actuel cours du Médoc.
- Hôtel Fenwick
Du pavé des Chartrons au Cours Xavier Arnozan
Les espaces servant de quais qui bordent le fleuve abritent entrepôts et commerces des étrangers Anglais ou Irlandais, Flamands ou Hollandais qui sont implantés en bordure de Garonne. A cette époque la vie tournait autour du fleuve et du vin voire d’un peu de commerce négrier, les navires ne devant pas circuler à vide. Vers la fin du XVIIIème siècle Joseph Fenwick négociant en vins et eau de vie, agent commercial dans l’import export avec son frère aîné James et son cousin Ignatus capitaine et armateur fait construire un hôtel particulier caractéristique avec ses pavillons carrés permettant de surveiller les mouvements du port qui va lui servir de résidence comme premier consul des Etats Unis à Bordeaux. Collègue du néanmoins avocat Thomas Jefferson qui ne rechignait pas à enfiler les habits de courtier en vins et dont les carnets de voyages sont riches en commentaires sur les vins français car, en poste à Paris pendant cinq ans, il a sillonné la France et ses vignobles. C’est en 1932 que le cours pavé des Chartrons, cours, surement le plus prestigieux à cette époque, va être débaptisé au profit du bon docteur Xavier Arnozan sur décision d’Adrien Marquet pour honorer le brillant sujet agrégé de la faculté de Médecine de Bordeaux et comme l’écrit Antoine Lebègue "Médecin de talent, auteur de précieux précis de médecine, philanthrope s’étant dévoué pour la patrie et les malades pendant la grande guerre, le professeur Arnozan (1852-1928) méritait bien une rue". En attendant, Bordeaux aura eu bien du mal à se développer vers le Nord et les Chartrons actuels méritent une visite.
- Terre plein central du cours Xavier Arnozan, le seul cours avec un terre plein central
*L’abbaye de Vauclaire est située sur la commune de Montpon-Ménestérol en Dordogne en toute proximité de la Gironde. Cette ancienne abbaye a été transformée en hôpital psychiatrique.
Sources
Bordeaux disparu et secret d’Antoine Lebègue avec la participation d’Yves Simone
Histoire de Bordeaux de Madeleine Lasserre
Dictionnaire des rues de Bordeaux par Annick Descas
Ecrit par Bernard Lamarque
Co-fondateur de Bordeaux Gazette