Bordeaux
Après la bataille de Castillon et le départ des Anglais, pour faire pendant à la Tour Pey-Berland (la tour anglaise) les Français établissent le projet du clocher de Saint Michel (la tour française) qui s’élèvera le long de la façade ouest de l’église. La construction à la place d’un ancien charnier et aux frais des paroissiens va durer vingt ans.
Une vertigineuse construction
La fabrique fait appel aux architectes Lebas, père et fils, les pierres proviennent des carrières de la région (Baurech, Lormont, Bourg, Podensac), l’élévation de l’édifice se fait sous la conduite des entrepreneurs Huguet Bauducheau, puis de Guillaume le Renard et du charpentier Henri Abelot. Les travaux débutent en février 1473 et s’étalent sur vingt années. « A la fin du mois d’août 1492, la flèche atteint une telle hauteur, qu’on ne trouvoit plus d’ouvriers qui voulussent courir les risques auxquels il falloit s’exposer pour le porter au degré d’élévation qu’on avoit projeté » (Abbé Baurein, variétés bordeloises). Les manœuvres refusent de terminer la flèche, les dernières pierres sont montées et posées par les entrepreneurs eux-mêmes, ainsi que la croix de fer.
Ils reçoivent en récompense « un habit de drap gris valant quinze livres et trois liards » représentant une très forte somme pour l’époque. Le 29 septembre 1492, jour de la Saint Michel, le cardinal André d’Espinay, archevêque de Bordeaux inaugure la plus haute flèche de pierre du royaume. Le clocher Saint-Michel avec sa flèche atteint 114 mètres, plus haut que la dune du Pilat. Fleuron de l’architecture religieuse du XVème siècle, cette flèche bijou architectural d’une grande harmonie fait la fierté des Bordelais. La flèche qui abrite par ailleurs, une autre merveille : un carillon de 22 cloches qui s’échelonnent sur les trois étages d’un portique, va voir son destin prendre une tournure inquiétante sous le règne de Louis XIV.
La révolte des Bordelais et la colère de Louis XIV
En 1675, les Bordelais refusent l’application de nouvelles taxes, demandent la suppression de la gabelle (impôt sur le sel) et sonnent le tocsin à St Michel. Suite à cette révolte, en 1676, le roi Louis XIV pour les punir selon son bon vouloir, ordonne la destruction de la flèche dans laquelle il entrevoit « un redoutable forteresse pour les mutins de l’avenir ».
Les Bordelais étaient fiers de leur clocher, l’un des plus beau d’Europe, trop fiers pour que l’ordre du roi Louis XIV de l’abattre fut suivi d’effets, le « patriotisme » des Bordelais l’emporta sur la cupidité, on ne peut que s’en féliciter. Vauban, ingénieur militaire et maréchal de France, présentera à Louis XIV en 1680, un projet de restauration de la tour Saint-Michel, non pas dans un but archéologique ou religieux, mais cette fois dans celui d’en faire une petite forteresse. Cette dernière menace officielle sur la flèche ne sera fort heureusement jamais mise à exécution.
Source : Histoire des Archevêques de Bordeaux – Les dossiers d’Aquitaine.
Guide de Bordeaux – Regards sur l’Aquitaine
Ecrit par Dominique Mirassou