Située en Charente-Maritime non loin de Cognac et de Saintes, sur la commune de Saint-Bris-des-Bois, soit à une heure de Bordeaux, l’abbaye de Fontdouce à travers ses vestiges tout à la fois conservés, restaurés et parfois remis à jour, témoigne de la richesse, tant sur le plan historique que sur le plan spirituel de lieux où la charge spirituelle côtoie aujourd’hui le déroulement de pélerinages, concerts et de nombreuses autres manifestations.
De la construction et des symboles …
C’est en 1111, quelle meilleure et plus symbolique date pour le début d’une quête de l’unité, que le seigneur Guillaume de Conchamp, après avoir rencontré Aymar, pieux ermite vivant dans la méditation, dans les bois de St Bris-des-Bois, rencontre qui eut lieu au lieu-dit tout aussi symbolique de la « Fontaine abondante », décida avec lui de fonder une communauté monastique afin de répondre à leurs aspirations communes, entre le mysticisme d’Aymar et le désir de Guillaume d’aspirer à une vie plus austère.
C’est en 1117, lorsqu’une dizaine de moines furent rassemblés, que fut fondée et reconnue par l’autorité ecclésiastique locale, celle des évêques de Saintes et d’Angoulême, la communauté de l’abbaye Nostra Damus Fons Dulcis avec à sa tête comme premier abbé Guillaume de Conchamp, élu par ses pairs. D’observance et non d’obédience cistercienne, Fontdouce n’a pas cherché à intégrer la lignée de Cîteaux tout en adoptant l’influence cistercienne dans son architecture austère, elle pratique le strict respect de la règle de Saint Benoît.
Un premier monastère roman est érigé en 1120, surplombant le ruisseau, la Fontdouce, telle toutes les rivières et ruisseaux ayant traditionnellement présidé au choix de l’emplacement de la construction des lieux abritant des communautés religieuses.
Suite à la construction de la « deuxième abbaye de Fontdouce », les XIIIème et XIVème siècles vont marquer l’apogée du monastère à travers ses richesses progressivement constituées et son rayonnement spirituel, faisant de l’abbaye un gîte d’étape très fréquenté sur la route du pèlerinage à St Jacques de Compostelle.
Rencontres avec l’Histoire … Louis IX, Philippe Le Bel, Clément V, Pie XII, Louis XI
En 1242 en pleine guerre de Cent ans, le roi de France Louis IX serait venu se recueillir au monastère à la veille des combats.
Quelques dizaines d’années plus tard, c’est au tour du roi Philippe le Bel de s’arrêter à Fontdouce pour y rencontrer au printemps 1305, au cours d’une entrevue secrète le futur pape Clément V : Bertrand de Goth natif de Villandraut, lequel va bientôt devenir le premier pape à siéger en Avignon et qui va régler définitivement quelques années plus tard avec Philippe le Bel le sort des Templiers, qui vont être exterminés.
En 1463 un accord passé entre le pape Pie II et le roi de France Louis XI va créer une nouvelle forme d’administration des abbayes, appelée « la commende », laquelle en faisant de Fontdouce une abbaye royale, ne va plus voir son père abbé élu par sa communauté mais désigné par le roi. Reprise en main aussi économique, un tiers des revenus du monastère vont revenir à l’abbé ainsi désigné par le roi, abbé qui souvent d’ailleurs ne vit pas sur place. Les communautés ne sont plus autonomes et s’appauvrissent.
Lors de la Renaissance, les abus, rigidités et dévoiements du catholicisme vont générer dissensions et discordes religieuses. Les guerres de religion vont voir la destruction de l’église abbatiale, du cloître ainsi que d’une partie des bâtiments conventuels, la communauté monastique est exsangue, elle est réduite et vit très frugalement.
C’est dans ce triste contexte que l’Assemblée nationale constituante décrète le 2 Novembre 1789, la dévolution des biens ecclésiastiques, dont ceux de Fontdouce à la Nation. Le « chartier de l’abbaye », livre retraçant son histoire, est brûlé en 1793, an 2 de la République, sur la place de l’église de Saint Bris des Bois. Le dernier religieux de l’abbaye, l’abbé Vinand, est déporté avec d’autres prêtres sur les pontons de Rochefort, où il mourra l’année suivante.
La famille Boutinet …
Le monastère livré à lui-même est en partie pillé et démoli. Un marchand de bien de Saintes, le sieur Dandré qui en devient acquéreur, le rétrocède à une famille saintongeaise, famille de meuniers établis depuis plusieurs générations à St Bris des Bois., la famille Boutinet, propriétaire depuis maintenant plus de deux siècles.
Les énigmes de l’abbaye de Fontdouce …
Parmi les nombreuses énigmes présentes au sein de l’abbaye …. Deux chapelles superposées comme on peut facilement le constater posent un premier problème car il ne semble pas exister de constructions monacales similaires datant du XIIème siècle, notons au passage à hauteur d’homme, de croix templières à huit pointes de consécration de l’édifice.
La très vaste salle capitulaire à douze travées, richement ornementée, à la porte excentrée est tout à fait exceptionnelle, avec notamment la Sainte Trinité avec ses trois têtes et quatre yeux et l’effigie d’Aliénor d’Aquitaine en clef de formeret.
- Effigie d’Aliénor d’Aquitaine en clef de formeret
Un couloir parloir, où l’on découvre une belle voûte à croisées d’ogives de très belle facture tant architecturale que sculpturale, lieu de réception des visiteurs normalement sobre, mais ici plein d’éclat et de magnificence.
Une salle des moines démesurée, traversée par un ruisseau, salle de plus de 340 mètres carrés. Apogée de Fontdouce ou délire des constructeurs ?
Que penser face aux vestiges de l’ancienne église abbatiale détruite lors des guerres de religion, comment a-t-elle pu être anéantie ?
Que dire du jardin, souvent rappelant ou reconfigurant le paradis perdu, qu’il prend ici un sens religieux, car orienté vers l’est, il recueille chaque jour la lumière renaissante en même temps qu’il évoque la direction de la Jérusalem terrestre d’où jaillit cette lumière, préfiguration de la Jérusalem céleste.
Et les mystères et divers symboles, pour le visiteur attentif, ne s’arrêtent pas là …
- la Sainte Trinité en clef de formeret
UN HERITIER PASSIONNE …
La visite de ces lieux prêtant à l’appréciation pleine et entière des charmes de la solitude, de la méditation et du silence, entrecoupée par les explications érudites aussi détaillées que passionnées fournies par l’un des maîtres de cette rassurante et à la fois mystérieuse propriété, fut en tous points remarquable … L’avenir de Fontdouce est sans nul doute toujours entre les bonnes mains de la descendance Boutinet.
Que Gérard Boutinet, qui avec sa famille effectue depuis de nombreuses décennies à Fontdouce, un véritable travail de Bénédictin, soit remercié pour son chaleureux accueil. Son attachement à cette abbaye est remarquable, sauf qu’il n’aime pas trop qu’on en parle, conformément sans doute à l’humilité et à la discrétion dont se devaient de faire preuve tous ceux qui depuis plus de neuf cents ans ont occupé ces murs sacrés et mystérieux. …
La tradition perdure donc sans bruit … Une visite dans le calme est fort recommandée …
Abbaye de Fontdouce
17770 Saint Bris des Bois
05 46 74 77 08
contact@fontdouce.com
www.fontdouce.com

Ecrit par Dominique Mirassou
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