Une valeur de faibles ?

En tant que traduction républicaine du commandement biblique, « tu aimeras ton prochain comme toi-même », la fraternité a souvent été traitée avec condescendance, car gouvernée par les sentiments, les émotions, en quelque sorte considérée comme une valeur de faibles. Elle est le plus souvent moquée, voire méprisée par la pensée moderne qui se méfie de ce sentimentalisme « petit bourgeois » et lui préfère la solidarité. Il est à ce propos intéressant de noter que la fraternité est absente de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, car assez vite mise de côté par bon nombre de révolutionnaires qui la vivent comme une valeur quasi religieuse, en raison notamment de ses racines chrétiennes.

Liberté, Egalité, Fraternité …

Dans le triptyque républicain Liberté, Egalité, Fraternité, la liberté qui quoi qu’on en dise est le règne du « moi je », forme avec l’égalité qui est le règne du « on », un couple assez infernal, dans la mesure où le prix de la liberté risque bien souvent d’être l’inégalité, et le prix de l’égalité, l’absence de liberté.

Face à cette difficile cohabitation, la fraternité qui est le règne du « nous », apparaît clairement, comme l’idée, le concept, susceptible d’harmoniser ces deux contraires. En effet, alors que la loi peut instituer plus ou moins de liberté et d’égalité, rien de tout ça n’est possible en ce qui concerne la fraternité, qui est sentiment, participation, adhésion, engagement personnel et ne saurait être ni revendiquée ni décrétée par qui que ce soit. De quoi penser que la mise en pratique éclairée de la liberté et de l’égalité ne saurait exister sans la fraternité.

Liberte Egalite Fraternite

Crédit photo Elliott Brown https://www.flickr.com/photos/ell-r-brown/5818921695/in/photolist-9ScuG8-9SfnoW-7JQTYX-95kYd6-6FdbJg-dScX83-4R2uRo-atFthe-78QPBM-bw6Cwd-aDYyB5-4GKzFM-86Y5WG

Un concept désuet …

Au lieu de cela, dans le monde actuel où les notions de patrie, de nation, de classe sociale s’effritent, où la notion de république plus ou moins galvaudée en vient même à être revendiquée en quasi exclusivité et non sans excès, par une UMP subitement renommée et paraît-il rénovée, nous assistons au renforcement des soupçons, des méfiances, craintes et hostilités de tous ordres.

Quelles qu’en soient les causes, phénomène de société, mal être de notre époque, crise économique, laxisme culturel et éducatif … la sensation que, dans un monde de plus en plus rude, la fraternité est reléguée au rang des utopies qui font sourire, s’impose malheureusement un peu plus chaque jour.

A l’inverse de l’hostilité et de l’hystérie plutôt mal maitrisées et très peu fraternelles que nous donnent à voir de nombreuses joutes politiques, nul doute qu’aller vers plus de mesure, de tolérance, de modération et de tempérance, en un mot, de fraternité, ne serait pas un luxe si nous voulons continuer à vivre ensemble en harmonie, afin de préserver la nécessaire cohésion qui sied à un pays soucieux de l’avenir de tous les siens.

Crédit Photo Une Leo Grübler