En 2016 le Conseil départemental va créer six routes du vin en Gironde. Un vrai tournant dans le tourisme girondin ? Historien et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet (dont « Connaître les vignobles de Bordeaux » aux Editions Sud Ouest) Antoine Lebègue fait le point sur cette question, en la replaçant dans l’histoire du tourisme viti-vinicole bordelais, qui a débuté bien avant la naissance du terme d’œnotourisme.
Si le « Féret » est aujourd’hui un ouvrage de référence sur les vins de Bordeaux, les propriétés et les maisons de négoce, à l’origine, en 1850, l’ouvrage de Charles Cocks était un guide du visiteur à Bordeaux et dans son vignoble. C’est dire que le tourisme viti-vinicole n’est pas une nouveauté, au moins dans la région bordelaise. Affirmer le contraire aurait bien fait rire Jefferson, qui visita les grands crus en 1787, comme les croisiéristes qui faisaient escale au Verdon dans les années 1930 pour visiter les châteaux du Médoc, Saint-Emilion et Cognac.
Les amateurs de vin n’ont pas attendu l’invention du terme d’œnotourisme pour « faire la tournée des grands ducs » comme on disait à l’époque. Mais les responsables politiques comme les professionnels ont-ils su répondre à leur attente ? Certes, il faut bien le reconnaître, l’Aquitaine a eu du retard dans ce domaine par rapport à d’autres régions françaises, comme l’Alsace, ou étrangères, comme la Rhénanie ou la Californie.
Toutefois de nombreuses initiatives ont vu le jour. Notamment en Médoc où dans les années 50 et 60, sous l’impulsion du docteur Dartigues (conseiller général), le « Médoc touristique » incitait les vacanciers venus sur les plages à aller visiter le Médoc intérieur, notamment par des circuits balisés. A la même époque "les Bouteiller" ont non seulement organisé le château Lanessan pour recevoir des visiteurs mais leur ont aussi offert une animation supplémentaire en aménageant un musée du Cheval dans les anciennes écuries du domaine. Dans les années 1970 sous l’impulsion de son directeur, Jean-Louis Viaut, le GIE des vins du Médoc proposa aux touristes un excellent livret recensant les propriétés accueillant du public. Et de nombreux autres exemples pourraient être cités dans les autres régions du vignoble.
Alors quand, le 14 décembre dernier, Gironde Tourisme a annoncé la naissance de six routes du vin certains journalistes ou professionnels ont pu se demander si l’ex Comité départemental du Tourisme n’avait pas inventé le fil à couper le beurre ou l’eau tiède ? D’autant plus que l’une de ces routes (Graves et Sauternais) existait depuis avril 2013. La naissance de ses cinq petites sœurs (Médoc ; Entre-deux-Mers ; Bordeaux porte du vignoble ; Libournais ; Blaye et Bourg) ne constitue pas en soi une révolution. Même si l’opération est complétée par la mise en place d’une plateforme d’information sur le web, Bordeaux wine trip, gérée par l’Office de tourisme de Bordeaux métropole qui sera lancée en juin, en même temps que la Cité du Vin.
Alors beaucoup de bruit pour rien ? Peut-être pas. Toutes ces actions vont dans le bon sens et, surtout, l’approche de Pascale Got, la présidente de Gironde Tourisme, ne manque pas d’intérêt. En effet, son objectif est d’établir une réelle coordination de toutes les actions et de tous les intervenants pour aboutir à une approche globale qui se traduira par une harmonisation dans tous les domaines de l’œnotourisme, de la signalétique à la promotion. Pour y arriver elle compte sur une démarche de partenariat, qui s’est déjà mise en place avec Comité régional du Tourisme, le CIVB, l’Office de tourisme de Bordeaux, la Maison d’Aquitaine à Paris. Mais le nombre des acteurs, tant touristiques que viti-vinicoles, intervenant dans le secteur (634 pour les six routes) rend la tâche plus que difficile. L’entreprise est un vrai tournant dans un secteur où le chacun chez soi et pour soi a longtemps été la règle ; c’est aussi un véritable défi qui ne pourra être gagné qu’avec une adhésion sincère et complète de tous les intervenants.

Ecrit par Antoine Lebegue
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