En ces temps difficiles, alors que de virulents débats divisent la nation et opposent ses « élites », le niveau de la réflexion est souvent fort loin d’atteindre des sommets, si ce n’est d’intolérance et de crispation. De quoi, selon certains observateurs, s’interroger sur la qualité de ceux qui sont aux responsabilités, mais aussi sur celle de leurs opposants.
Là aussi … Une baisse du niveau
Selon pas mal d’observateurs avertis, tel l’expérimenté journaliste et chroniqueur politique, Alain Duhamel : « Le monde politique ne se situe plus au niveau qui fut le sien il y a une ou deux générations. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer poste par poste ce que furent les hiérarques de la Vème République et ce qu’ils sont aujourd’hui….. » les secrétaires généraux des partis, présidents des assemblées, ministres actuels, en sont d’ailleurs la parfaite illustration. Et de conclure : « La politique a toujours été cruelle et exigeante. Son pouvoir s’émousse, son prestige se fane, son empire décline. La politique est dévalorisée, et les meilleurs s’en éloignent. Jadis, elle drainait les élites, le sel de la méritocratie. Aujourd’hui, elle les fait fuir … »
Pierre Nora nous donne une explication très claire de ce phénomène : « Les intellectuels peinent à trouver leur place dans un système d’information où le manichéisme et la pensée binaire feront toujours plus d’audience que la nuance, où animateurs et politiques se mettront le plus souvent d’accord pour considérer « le penseur », comme un coupeur de cheveux en quatre. »
Force est donc de constater que les intellectuels ne pèsent pas grand-chose pour ne pas dire rien du tout dans les partis politiques. La seule perspective de la conquête du pouvoir et les multiples, variées et pas toujours valorisantes sorties médiatiques que l’exercice impose, ne favorisent guère une réelle réflexion. Le temps de la vie intellectuelle n’existe quasiment plus en politique.
Pour Jean-Pierre Le Goff, à propos de nos dirigeants : « Une élite ? Des gens qui par un certain nombre de conditions sont arrivés au pouvoir. Mais ils sont totalement incultes. Dénués des oripeaux du pouvoir, ils ne sont plus rien ! »
Le temple de l’intelligence et de la pensée !
Alors que la gauche a toujours cru qu’elle était le siège perpétuel de l’intelligence et de la pensée, pour ne pas dire le temple, les choses ne cessent de se dégrader, et comme souvent en pareil cas, ceux qui ne pensent pas bien, sont disqualifiés avec force et fracas. La réflexion est bannie tant nos « élites dirigeantes actuelles » ont depuis longtemps le sentiment profond de détenir, voire d’incarner, la vérité et le salut pour la nation, sentiment cependant assez peu partagé par la population.
Soucieuses de regarder les choses en face, de les détailler, de les nommer, et si possible de comprendre, nos élites intellectuelles ne trouvent cependant pas non plus leur bonheur dans les partis de droite tant l’inculture n’est pas le seul apanage de la gauche. Quel que soit le bord, alors que les plus débrouillards prennent de plus en plus le pas sur les plus cultivés, au nom d’un pragmatisme sûr de son fait, il semble bien que les fameux « pseudo-intellectuels » ne soient jamais très loin du pouvoir.
Un candidat à la primaire de la droite, bordelais de surcroît, en la personne d’Alain Juppé apparaît tant sur le fond que sur la forme comme l’un des derniers exemples de notre élite, resté en politique. Trop vieux pour les adeptes de la jeunesse à tout prix, pas assez dynamique pour les débrouillards, son indéniable profil d’homme d’Etat en fait cependant, une des références intellectuelles de la droite et du centre, à laquelle de plus en plus de français semblent faire confiance.
Jacques Chirac avait en son temps adoubé Alain Juppé en lançant : « Il est le meilleur d’entre nous » ce qui l’avait plutôt desservi et lui avait valu l’animosité immédiate de tous ses rivaux. Aujourd’hui, ceux qui pensent que ce n’était pas faux, semblent être de plus en plus nombreux.

Ecrit par Dominique Mirassou
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