Cordélia et son fantôme

Cordélia et son fantôme : Chapitre III

Cordélia doit partager sa maison avec une colocataire très particulière ; une revenante ! (Chapitre 3)

Mildred, fantôme de son état, fut sommée de suivre la règle N° 1 de la maison ; ne pas apparaitre quand Cordélia reçoit de la visite, même s’il n’y a que Cordélia qui peut la voir et l’entendre.

- Mais tu sais que même si tu ne me vois pas, je suis quand même là ! je vois et j’entends tout, même si je ne le veux pas !

- Je ne veux pas te voir et je ne veux pas t’entendre ... C’est clair ? Tu peux t’occuper à autre chose, je te laisserai la télé allumée, je suis bonne fille !

- OK…

- Pour les autres règles, on verra au fur et à mesure.
- Peut-être que cette règle suffirait et est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir des exceptions ?
- Non, pas d’exception !

Mildred sourit en pensant que Cordélia aurait quand même beaucoup de mal à l’empêcher de faire ce qu’elle avait envie de faire.

Le lendemain, en fin de journée, l’esprit était encore là ; longue jeune femme pâle vêtue de blanc, dans une robe qui devait dater des années soixante et qu’elle avait choisi, ce soir-là, la plus courte possible. Cordélia pensa à Mary Quant en se demandant ce qu’elle aurait pensé en voyant sa création sur un fantôme. Elle croisait ses jambes diaphanes, comme à son habitude, sur le canapé du salon.

Lisant, ce qui semblait être une revue d’histoire, elle salua distraitement Cordélia comme si elle balayait un insecte d’un revers de la main et demanda.

- Il n’y a rien de plus amusant comme journal à acheter ? L’histoire c’est du passé à quoi bon s’y intéresser ?

- Oui, par définition ! l’histoire c’est du passé, concéda Cordélia en soupirant, tu veux quelque chose ?

- Oh oui, dit vivement Mildred enchantée par cette nouvelle sollicitude qui succédait à une période de franche hostilité, je prendrais bien une tasse de thé.

- Au fait, je croyais que les fantômes n’avaient plus de désirs !

- Qui a dit cela ? Quelqu’un qui n’en sait rien, la preuve.

Mildred se leva pour prendre dans le meuble une tasse dans lequel elle déposa un sachet de thé. Elle la remplit d’eau chaude. Quand le fantôme eut terminé de déguster sa boisson, elle abandonna sa tasse sur le guéridon du salon. Au dehors, la pluie grelottait ses gouttes épaisses sur la vitre de la fenêtre. Le temps que Cordélia se retourne, la tasse avait disparu. Elle retrouva plus tard, sans surprise, le même nombre de sachets dans la boite à thé. La tasse était dans le placard, bien rangée et propre comme si elle n’en était jamais sortie. En attendant, Mildred s’étira, bâilla et quitta la pièce.

- Merci Cordélia ! je vais me promener.

Mildred ne partait jamais bien loin, en fait, elle ne quittait pas la maison. Cordélia la surprenait parfois dans une pièce absorbée à regarder dehors comme une enfant qui attendrait la venue de quelqu’un.

La saison hivernale avec ses journées réduites et ses longues nuits de décembre s’était définitivement installée, bien décidée à squatter le monde le plus longtemps possible. Depuis une semaine, l’apparition disparaissait des journées entières. Cordélia n’était pas du genre à poser des questions, mais la voyant déprimée, le visage plus blême que d’habitude, elle lui demanda :

- Tout va bien Mildred ?

- Oui, mais je crois que je m’ennuie un peu. Tu comprends, jusqu’ici, je m’amusais à faire peur aux habitants de la maison jusqu’au jour où tu es arrivée et que je me suis dit qu’on pourrait devenir des amies, mais voilà, je ne veux pas dire que tu ne me suffis plus, mais enfin, autrefois, moi aussi j’avais une vie et un jour tout s’est arrêté.
Cordélia saisit la perche ;

- Comment es-tu morte ?

Elle regretta sa question en voyant les yeux clairs du fantôme se remplir de larmes.

- Je ne m’en souviens pas, en fait je ne me souviens pas de la vie d’avant, je veux dire de ma propre vie…elle se tut un moment puis demanda : s’il te plait ! Est-ce que je peux te suivre à ton boulot ?

Cordélia ne s’était pas attendue à cette demande.

- Je croyais que tu ne pouvais pas sortir !

- En fait si, mais il faut que tu m’en donnes l’autorisation. C’est comme pour les vampires pour qu’ils puissent pénétrer dans ta maison il faut que tu déposes un paillasson à l’entrée avec l’inscription « bienvenu » sinon ils ne peuvent pas rentrer.

- Alors c’est vrai cette histoire de vampire... ! ?

- Je n’en sais trop rien, c’est dans une série que j’ai vu ça, c’était juste pour dire. Quand j’ai essayé plusieurs fois de sortir, un mur invisible m’en a empêché, alors je me dis que si tu étais d’accord, alors le sort se lèverait.

Cordélia allait regimber en disant qu’elle ne croyait pas à ses sottises, mais se ravisa. Bien entendu, elle ne pouvait plus prétendre qu’il n’y avait pas de mystère en ce monde. Peut-être même qu’il y avait encore beaucoup de choses bizarres qu’elle ignorait et qui pouvaient s’avérer réelles. Elle finit par dire :

- J’hésite, j’ai peur que tu abuses de ton pouvoir et que tu apparaisses à tout bout de champ pendant que je travaille.

- Merci pour la confiance ! si tu veux, on trouve un code et je me montre à ta demande.

- Tu le respecteras ?

- Oui, et pour te le prouver, je vais te donner le moyen que tu pourras utiliser pour me faire disparaître, à jamais si tu le veux, tu vois, moi aussi je mets mon existence dans tes mains.

- Vraiment ce moyen existe ?

- Oui

- Et tu n’as pas peur ?

- Non, je parie sur ton bon cœur. Quitte ou double !

- Ça marche !

- Voilà, tu dois dire « Mildred, fous le camp ! »

- Et c’est tout ?

- Oui et si tu as des remords tu dis « Mildred revient ! »

- Ça me va. Je t’autorise à sortir de la maison.

Mildred eut du mal à retenir sa joie et sourit avec malice.

...LA SUITE MERCREDI PROCHAIN !

Ecrit par Marie-Laure Bousquet

Rédactrice à Bordeaux-Gazette, elle intervient le plus souvent dans les rubriques sur le théâtre. Elle alimente la rubrique « Et si je vous racontais » avec des nouvelles fantastiques ou d’anticipation. Elle est aussi l’auteure de plusieurs romans : Les beaux mensonges, La fiancée du premier étage, Madame Delannay est revenue, Le voyageur insomniaque, Enfin seul ou presque, Raid pelotes et nébuleuses. D’autres romans sont à venir. https://www.amazon.fr/Marie-Laure-BOUSQUET/e/B00HTNM6EY/ref=aufs_dp_fta_dsk


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